Cette semaine, le général Pellistrandi fait le point sur le retour du porte-avions Charles-de-Gaulle après plusieurs mois d'arrêt pour entretien dans la base navale de Toulon. Symbole de dissuasion et de souveraineté nationale, le porte-avions Charles-de-Gaulle, par son action, synthétise tous les enjeux stratégiques qui pèsent sur le monde, notamment dans des zones de tensions nouvelles, telles que la mer Rouge.
Éditorial – Le porte-avions Charles-de-Gaulle est de retour (T 1570)
Le BRF Jacques Chevalier ravitaillant le porte-avions Charles-de-Gaulle et une FDA à la mer (© Victoria Chantriaux/Marine nationale/Défense)
Le porte-avions (PA) Charles-de-Gaulle a repris la mer après plusieurs mois d’arrêt pour entretien au bassin Vauban, au cœur de la base navale de Toulon. Cinq mois pour remettre à niveau le bateau qui a été admis au service actif en mai 2001 et qui est donc à mi-vie. Cette remontée en puissance est d’autant plus importante que le contexte international s’est largement dégradé ces derniers mois. Certes, il y a la guerre en Ukraine depuis maintenant bientôt 2 ans ; mais concernant la dimension maritime, l’attention est désormais focalisée vers la Méditerranée orientale et la Mer Rouge suite aux attaques terroristes du 7 octobre conduites par le Hamas contre la population civile israélienne.
Le retour dans le cycle des opérations de notre porte-avions et du groupe aéronaval qui l’accompagne est donc plus que jamais un atout supplémentaire et majeur pour notre défense.
Le PA est un outil stratégique majeur qui nécessite un entretien régulier, accompagné d’une modernisation conséquente et qui s’étale sur toute la durée de vie du bâtiment et enfin d’un entraînement poussé pour être efficace.
Depuis son entrée en service, le PA Charles-de-Gaulle a connu deux arrêts techniques majeurs (ATM) d’une durée d’environ 18 mois, le dernier ayant eu lieu en 2017-2018. Entre deux ATM, il y a, tous les 5 ans, un arrêt technique intermédiaire (ATI) avec un passage au bassin. Ce dernier ATI a permis, outre le carénage complet de la coque, de mettre à niveau de nombreux équipements et de rénover notamment les installations médicales, des zones vie de l’équipage (le bâtiment a été conçu dans les années 1980 et les normes de confort ont évolué), ainsi que de moderniser son système de combat avec la mise en place du système de transmissions Syracuse 4. Tous ces travaux représentaient 1 900 lignes d’actions à conduire entre Naval Group et ses sous-traitants, avec l’appui de l’équipage et de toutes les équipes de la base navale de Toulon. Avec un impératif majeur : la sécurité incendie – l’incendie du sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Perle en juin 2020 reste dans les mémoires.
À l’issue de cet ATI, l’objectif est désormais de retrouver une pleine capacité opérationnelle et cela ne peut se faire qu’à la mer. Depuis début janvier, l’étrave du PA fend les eaux de la Méditerranée pour permettre à l’équipage de reprendre en main une machine puissante, mais complexe, où chacun doit retrouver sa place pour assurer la mission.
Cette mission vise à la mise en œuvre du groupe aérien constitué des avions Rafale M, des avions de guet aérien E 2C Hawkeye et des hélicoptères assurant en particulier la fonction Pedro.
C’est l’un des défis pour les pilotes et les mécaniciens de reprendre leurs marques. Certes, durant l’immobilisation du PA, les avions basés à Landivisiau volent et participent aussi à la protection du territoire national. Il faut toutefois retrouver la capacité d’appontage et de décollage à partir de la piste du porte-avions. C’est l’objectif des prochaines semaines, qui se traduit entre autres par le ballet des Chiens jaunes sur le pont d’envol. Tous ces efforts individuels et collectifs permettront ainsi au PA d’être pleinement opérationnel pour ce printemps et de partir en mission vers l’est de la Méditerranée. Le groupe aéronaval constitue en effet un outil stratégique majeur et permettant à la France de peser dans le choc mondial.
La modernisation de notre outil de défense se concrétise également par l’arrivée du nouveau Bâtiment ravitailleur de force (BRF) Jacques Chevallier qui vient de regagner Toulon après 4 mois de sa traversée de longue durée l’ayant amené des mers froides de l’Atlantique nord jusqu’aux eaux « chaudes » de l’océan Indien et de la mer Rouge, foyer des tensions actuelles. Le BRF a ainsi ravitaillé le PA et apporte une véritable plus-value opérationnelle par rapport à ses prédécesseurs, les Pétroliers ravitailleurs d’escadre (PRE). Trois autres BRF sont prévus dans la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, le deuxième, le Jacques Stosskopf, est en cours d’assemblage à Saint-Nazaire et rejoindra la marine en 2025.
Le Groupe aéronaval (GAN), avec son nouveau BRF, va ainsi bénéficier de vraies capacités supplémentaires, renforçant ainsi son autonomie. Il bénéficie également de la nouvelle génération des SNA de la classe Suffren, le troisième, le Tourville, devant bientôt entamer ses essais à la mer à Cherbourg, son port de construction.
D’ores et déjà, le troisième et dernier ATM pour le Charles-de-Gaulle est programmé pour 2027 et devrait lui permettre de poursuivre sa vie opérationnelle jusqu’en 2038 avec une hypothèse de prolongation jusqu’en 2040, en fonction du vieillissement de ses chaufferies nucléaires du type K 15. La fin de la décennie 2030 verra en effet arriver le PANG (Porte-avions nouvelle génération) successeur du Charles-de-Gaulle. Si, pour le moment, le nom du PANG n’est pas connu, le programme progresse bien avec une année 2024 charnière. Les premiers approvisionnements longue durée nécessaires pour entamer sa construction vont être lancés, tandis que la décision concernant l’infrastructure nécessaire à Toulon prévoit la réalisation d’un nouveau bassin capable de mettre à sec ce futur géant des mers de 70 000 tonnes dans la partie est du port. Il s’agira d’un chantier majeur et unique en France, depuis la construction de la Forme 10 du port de Marseille dans les années 1970 et réactivée en 2017 après 17 ans d’arrêt. Le futur appontement Milhaud 6 devra être au rendez-vous pour accueillir le PANG dont la construction aura lieu à Saint-Nazaire.
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D’ici quelques jours, le PA Charles-de-Gaulle retrouvera son ambiance aéronautique et sa pleine capacité opérationnelle au moment où les crispations géopolitiques ne cessent de croître, en particulier au Moyen-Orient. Une capacité stratégique, mais d’abord politique, permettant à la France de pouvoir agir efficacement et de ne pas subir. ♦