Cette semaine marquera l'entrée de la guerre en Ukraine dans sa troisième année. Alors que vient de se terminer la 60e Conférence sur la Sécurité de Munich, Volodymyr Zelensky a signé, avec l'Allemagne d'une part, et la France d'autre part, un traité de défense et de sécurité. Pendant le même temps, l'opposant russe Alexeï Navalny mourait dans sa prison glaciale du cercle arctique, le Kremlin envoyant un message fort : Vladimir Poutine est plus que jamais déterminé à vaincre et l'opposition politique interne, et l'Ukraine.
Éditorial – Pour l’Ukraine, un changement de stratégie indispensable (T 1576)
© Ukrainian Presidency / ZumaPress)
Cette semaine marquera le début d’une troisième année de guerre depuis le déclenchement de l’« opération militaire spéciale » au petit matin du 24 février 2022 par Vladimir Poutine en vue de « démilitariser, dénazifier et neutraliser » le « régime de Kiev » illégitime aux yeux du maître du Kremlin.
Deux années d’une guerre de haute intensité sur le sol européen avec une population civile ukrainienne prise pour cible, sans vergogne, par les forces russes dont les bombardements touchent la quasi-totalité du pays, y compris les infrastructures civiles.
Moscou n’a pas renoncé à ses objectifs. Ainsi ce week-end, Vladimir Poutine a considéré qu’il s’agissait d’une question de vie ou de mort pour la Russie, rejetant la responsabilité de ce conflit sur l’Ukraine, les États-Unis et l’Otan, en cherchant à vouloir se passer pour la victime et l’agressé. Alors même que se déroulait la 60e édition de la Conférence sur la Sécurité de Munich avec la présence du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui venait de signer deux accords bilatéraux de sécurité très importants avec l’Allemagne puis la France, l’opposant russe Alexeï Navalny mourrait à 47 ans dans des conditions plus que douteuses dans la colonie pénitentiaire n° 3 – située à 60 km au nord du cercle arctique–, alors qu’il y purgeait une peine de 19 ans de détention. Cette mort, plus que suspecte, illustre, si certains en doutaient encore, du caractère répressif et criminel du « régime de Moscou » pour reprendre l’expression du président Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse avec son homologue ukrainien vendredi dernier après la signature de l’accord de sécurité.
De fait, il ne faut s’attendre à aucune inflexion de la part de Poutine et en aucun cas au renoncement à ses ambitions de revanche et de reconstitution de l’empire russo-soviétique.
Alors pour Kiev, il faut désormais tenir, tenir et tenir.
La contre-offensive déclenchée en juin de l’année dernière a échoué à percer les lignes de défense russes édifiées entre le fleuve Dniepr et le Donbass. La ligne de front s’étend sur près d’un millier de kilomètres avec environ 17 % du territoire ukrainien sous occupation russe. Et les forces russes ont repris l’initiative, sans pour autant parvenir à reprendre une marche en avant vers le centre de l’Ukraine et notamment les capitales régionales que constituent Kharkiv et Dnipro. Toutefois, et c’est l’une des raisons du changement de têtes dans le commandement ukrainien, il faut désormais changer de stratégie et positionner les forces en situation défensive sur des lignes de fortifications de campagne et empêcher de nouvelles progressions russes. C’est désormais une bataille du rapport de force avec deux composantes clés : les munitions d’artillerie à produire en très grande quantité mais aussi et surtout les soldats. Après 2 ans de guerre, certaines estimations occidentales portent sur 70 000 soldats ukrainiens tués (dont environ plus de 200 000 blessés). Comment compenser les pertes et renforcer les rangs des unités ? C’est d’ailleurs une question d’ordre politique avec des décisions graves à prendre, d’où l’urgence d’épargner au maximum la vie des combattants en passant dans une posture défensive. C’est également implicitement renoncer, au moins temporairement, à reconquérir une partie du territoire, et là aussi un risque politique avec le mécontentement des ultra-nationalistes ukrainiens. Sur le plan économique, il s’agit de terres essentiellement agricoles mais désormais trop polluées pour être exploitées dans les prochaines années.
Construire des lignes de blockhaus, protéger les lignes d’approvisionnements et reconstituer les unités blindées qui ont souffert d’un taux d’attrition élevé lors de la contre-offensive, augmenter la production de munitions et de drones, renforcer la défense sol-air… Autant de nouvelles missions pour le nouveau commandant en chef des forces, le général Oleksander Syrsky. Et surtout maintenir la pression sur les alliés occidentaux pour que l’aide arrive en quantité et en qualité.
Cet aspect-là semble désormais bien pris en compte par les Européens, conscients d’être entrés dans cette nouvelle phase de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, mais aussi dans une période de confrontation hybride avec Moscou. Les récentes déclarations du Triangle de Weimar (France-Allemagne-Pologne) désormais réactivé ont souligné l’agressivité russe à l’égard de l’Europe : cyberattaques, désinformation, corruption, opérations d’influence et de déstabilisation… Toute une panoplie hostile et qui va certainement s’intensifier avec en ligne de mire les élections européennes – Moscou favorisant les partis anti-Europe – et les Jeux olympiques de Paris, désormais une cible privilégiée pour les mois à venir.
Il ne faut pas s’illusionner, mais la situation géopolitique à l’Est de l’Europe est critique avec la perspective d’une troisième année de guerre qui oblige les Alliés à accroître leurs efforts pour soutenir une Ukraine courageuse qui, cependant, ne peut pas, toute seule, vaincre l’ogre russe. ♦