Cette semaine, le général Pellistrandi revient sur les 120 ans de la signature de l'Entente cordiale entre la France et le Royaume-Uni. Cet accord historique a fait entrer les relations franco-britanniques dans une nouvelle ère, qui se poursuit aujourd'hui.
Éditorial – God Save the King et Marseillaise (T 1591)
En cette journée du lundi 8 avril 2024, La Marseillaise et le God Save the King ont retenti simultanément devant le Palais de l’Élysée et à Buckingham Palace, à Londres, afin de symboliser les 120 ans de l’Entente cordiale signée en son temps par Théophile Delcassé, alors ministre des Affaires étrangères et son homologue britannique Lord Lansdowne. Il s’agissait de mettre un point final à la longue rivalité séculaire entre les deux nations dont l’histoire était étroitement liée depuis Guillaume le Conquérant – en faisant un raccourci bien rapide du point de vue de l’historiographie.
Depuis Louis-Philippe Ier qui avait vécu en exil en Angleterre, les liens s’étaient fortement consolidés, mus par les bonnes relations entre les souverains respectifs et que la IIIe République avait maintenu malgré les rivalités liées à l’expansion coloniale. C’est ainsi que le développement des chemins de fer en France, à partir des années 1830, a fortement bénéficié de l’appui des ingénieurs britanniques, pionniers de la révolution industrielle (d’où le fait peu connu que les trains circulent encore à gauche en France). Le XIXe siècle voit également le développement du tourisme, avec la venue de nombreux Britanniques de l’aristocratie profiter d’un climat « moins océanique » et la Côte d’Azur leur doit son développement économique, sans parler du tourisme de montagne avec l’alpinisme.
Parmi les atouts ayant permis cette Entente cordiale, il ne faut pas oublier que Paris est la capitale du divertissement européen, les grands de l’époque venant profiter de la Ville Lumière, à commencer par le Prince de Galles, le futur Édouard VII (1841-1910) qui profita régulièrement de la capitale jusqu’à son couronnement en 1901 après le très long règne de sa mère (64 ans), la reine Victoria.
En 120 ans, les relations franco-britanniques ont traversé les tumultes et les ravages de l’histoire, entre la Première Guerre mondiale où les Tommies vinrent se battre contre les troupes du Kaiser Guillaume II, pourtant un des petits-fils de la Reine Victoria et la Seconde Guerre mondiale où depuis le 18 juin 1940, l’étendard français fut relevé par le Général de Gaulle dont l’ombre habite encore Covent Garden. Sans la ténacité de Winston Churchill, que serait devenue la France ?
Aujourd’hui encore, malgré un malheureux Brexit que de nombreux Britanniques regrettent désormais au regard des études d’opinion, la relation franco-britannique est particulièrement forte et notamment dans le domaine militaire. Les échanges entre les armées sont très nombreux y compris avec des responsabilités croisées de part et d’autre du Channel. Sur le plan des industries de défense, des champions comme MBDA, Thales ou encore Babcock France démontrent à la fois la richesse du travail en commun, au quotidien, mais aussi l’intérêt bien compris de ces coopérations, également dans le domaine de la dissuasion nucléaire où certains travaux de recherche sont conduits ensemble.
Sur la scène internationale, Paris et Londres – encore nostalgiques de leur passé impérial – veulent être des acteurs de premier rang, assumant des responsabilités peut-être parfois trop ambitieuses quant à leurs capacités réelles. Néanmoins, dans un monde multipolaire et désormais clivant, cette relation forte est indispensable pour affronter les tempêtes actuelles, à commencer par la guerre imposée par la Russie à l’Ukraine.
Célébrer ces 120 ans d’Entente cordiale revêt donc beaucoup de sens aujourd’hui car, à chaque fois que Londres et Paris ont su travailler ensemble, le succès a été présent. Lorsque des divergences émergent, les difficultés ont été hélas au rendez-vous comme à Suez en 1956.
Finalement, hormis la gastronomie où il n’y a pas compétition – même si les Fish and Chips restent des indispensables –, il reste encore le Crunch pour s’affronter avec Fair Play. ♦