Alors que Donald Trump n'a même pas encore officiellement pris ses fonctions, ses déclarations ont fait la une de l'atualité ces derniers jours. Accompagné de son fidèle soutien, Elon Musk, patron de X, Tesla ou encore Space X, le président-élu américain a multiplié les mots durs à l'égard de l'Europe ainsi que de ses proches voisins. Entre protectionnisme et impérialisme, l'Europe ne peut rester les bras croisés et doit se préparer à un bouleversement du paysage géopolitique sous l'ère « Trump II ».
Éditorial – Europe : dernier inventaire avant liquidation ? (T 1670)
Editorial —Europe: final inventory before liquidation?
While Donald Trump has not even officially taken office yet, his statements have made headlines in recent days. Accompanied by his loyal supporter, Elon Musk, boss of X, Tesla and Space X, the American president-elect has multiplied harsh words towards Europe as well as its close neighbors. Between protectionism and imperialism, Europe cannot remain idle and must prepare for an upheaval of the geopolitical landscape under the "Trump II" era.
Dans une semaine, Donald Trump prendra officiellement ses fonctions de président des États-Unis et s’installera pour quatre ans à la Maison Blanche. Au regard de son expérience acquise lors de son premier mandat et de ses discours particulièrement disruptifs depuis sa victoire en novembre dernier, il est clair que le paysage géopolitique international va être bousculé, bouleversé et déstabilisé. Au temps de la diplomatie et des concessions réciproques va désormais se substituer le rapport de force, la défense des intérêts nationaux et la fin du consensus. Ce sera aussi l’aboutissement du retour de l’homme fort, déjà incarné par des dirigeants comme Vladimir Poutine, Xi Jinping, Recep Tayyip Erdogan, Kim Jung un, Viktor Orban et tant d’autres, portés par une vague populiste et nationaliste.
Et les herbivores européens risquent bien d’être des proies faciles pour des carnivores avides d’étendre leurs empires, qu’ils soient des États ou des entreprises dont les fameuses GAFAM et autres X…
Bien sûr, défendre les intérêts de son pays est dans l’ADN de tout dirigeant responsable mais en respectant, en quelque sorte, ses voisins ou en les associant comme l’a démontré la construction européenne depuis 1951 avec la CECA, aujourd’hui Union européenne et forte de ses 27 États-membres. Cependant, la culture du compromis à la bruxelloise ne semble plus être le mode d’action pouvant servir de modèle à d’autres parties du monde. On revient vers une forme de féodalisme avec des vassalités clairement assumées comme la Biélorussie vis-à-vis de Moscou ou l’acceptation d’une forme de soumission face aux géants économiques dictant leurs règles et leurs normes à des États désormais en manque de souveraineté.
C’est ainsi que certaines déclarations récentes de la Banque centrale européenne (BCE) ou de la Commission européenne sur la défense peuvent interroger avec la volonté de leurs dirigeantes de ne pas se fâcher avec Washington, quitte à brader l’industrie européenne de défense ou d’aéronautique pour se concilier les bonnes grâces du futur locataire de la Maison Blanche. Sans parler des ingérences ouvertement assumées par Elon Musk sur les processus électoraux européens, remettant en cause directement les choix démocratiques comme au Royaume-Uni ou en Allemagne. L’hybris de la puissance est désormais à l’œuvre et ne peut qu’inquiéter un « vieux » continent qui se découvre désormais bien nu face aux nouveaux impérialismes.
D’où la nécessité d’union et d’accélération de la prise de conscience des dirigeants européens notamment en termes de défense. Les États-Unis resteront nos alliés mais à condition que nous assumions pleinement notre place et nos responsabilités, sans attendre le bon vouloir de Washington. Cela exige que les fonds européens affectés à la défense ou à l’aéronautique financent exclusivement des programmes européens et non des achats d’armes aux États-Unis hormis des équipements spécifiques non produits en Europe. Il en est ainsi de la France qui a commandé trois avions E2D Hawkeye pour le Groupe aéronaval. Un produit national serait hors de prix et non pertinent. À l’inverse, le choix par les Pays-Bas d’acquérir quatre sous-marins auprès de Naval Group démontre que les solutions européennes sont aussi crédibles et performantes.
Bien entendu, parmi les premiers dossiers sur le bureau de Donald Trump, il y aura celui de la guerre imposée par Poutine à l’Ukraine et qui, de facto, s’est élargie sous une forme hybride à l’Europe. Plus que jamais, l’Europe (quelle que soit sa forme) devra peser et s’inviter – quoi qu’il en coûte – à la table des discussions. Se voir cantonner à un rôle secondaire et marginal lors d’une rencontre Trump-Poutine serait le retour à Yalta et à une marginalisation, cette fois-ci définitive, du projet européen. L’Europe ne serait plus qu’un vaste marché ouvert où les prédateurs viendraient dévorer leurs proies tout en s’émerveillant devant le patrimoine architectural, historique et culturel européen. Au mieux, un vaste parc de loisir pour touristes américains, chinois ou russes. ♦