Le 27 janvier 2025 marque les 80 ans de la découverte du camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau par les troupes soviétiques. Le camp a été libéré par la 100e division d'infanterie de Lviv sous le commandement du major-général Fyodor Krasavin. On découvrait alors timidement l'horeur de la « solution finale » décidée trois ans plus tôt lors de la funeste conférence de Wannsee par les nazis. S'il fallut plusieurs décennies pour comprendre l'aspect systématique de l'extermination des juifs, il faut, encore aujourd'hui, que cette mémoire survive afin que le monde se souvienne de l'horreur dont l'être humain est capable à l'égard d'autrui.
Éditorial – Il y a 80 ans, Auschwitz (T 1674)
Découverte d'Auschwitz-Birkenau par les troupes soviétiques le 27 janvier 1945 - © Olga Vsevolodovna Ignatovitsj, Public domain, via Wikimedia Commons
Editorial —80 years ago, Auschwitz
January 27, 2025 marks the 80th anniversary of the discovery of the Auschwitz-Birkenau concentration camp by Soviet troops. The camp was liberated by the 100th Lviv Infantry Division, under the command of Major General Fyodor Krasavin. The horror of the “final solution” decided three years earlier at the fateful Wannsee Conference by the Nazis was then timidly discovered. While it took several decades to understand the systematic nature of the extermination of the Jews, it is still necessary today for this memory to survive so that the world remembers the horror of which human beings are capable towards others.
Le 27 janvier 1945, l’Armée rouge pénétrait dans l’ensemble concentrationnaire d’Auschwitz et y découvrait l’ampleur du mécanisme d’extermination systématique mis en place par les nazis. Les Soviétiques étaient les premiers à voir l’horreur et à percevoir ce qui avait été conçu le 20 janvier 1942 lors de la Conférence de Wannsee, près de Berlin, qui allait devenir la « solution finale ».
Certes, sur le front de l’Ouest, les Américains avaient découvert dès le 25 novembre 1944, le camp du Struthof-Natzweiler, dans les Vosges, le seul camp de concentration sur le territoire français. Cependant, la nature systématique de l’élimination des prisonniers au seul fait qu’ils étaient juifs ne caractérisait pas ce camp et d’autres qui allaient être découverts au printemps 1945.
Auschwitz dépasse tout par son ampleur et par son intensité criminelle. Sa construction est ordonnée par Himmler le 27 avril 1940 et, le 14 juin, un premier convoi de prisonniers polonais y est réceptionné. Dès septembre 1940, Himmler décide de la création d’un deuxième camp satellite et à partir du 25 janvier 1942, le chef de la Waffen SS annonce que tous les juifs doivent être déportés à Auschwitz II. À partir du 4 juillet, la sélection est faite dès la descente des trains avec ceux qui vont être gazés dans la foulée et ceux qui pourront travailler pour l’effort de guerre du Reich. Ce processus ne s’arrêtera qu’à la fin de l’année 1944, avec l’avancée des troupes russes. Soixante mille prisonniers sont alors transférés dans d’autres camps dans des conditions inhumaines avec des « marches de la mort » où les plus faibles sont abattus au fur et à mesure. Durant cette période, les gardiens du camp s’efforcent de détruire les installations pour effacer les traces du crime.
Les recherches les plus récentes considèrent qu’entre 1 075 000 et 1 159 000 prisonniers y sont morts dont entre 960 000 et 999 000 juifs raflés dans toute l’Europe occupée. Sur ce près d’un million, 900 000 ont été exécutés immédiatement après la sélection en descendant du train, et pour la plupart dans les chambres à gaz. Au moment de l’arrivée des troupes soviétiques, il n’y avait plus qu’environ 7 000 survivants.
Il fallut plusieurs mois, d’autant plus que la guerre était loin d’être finie à partir du 27 janvier 1945 – voire plusieurs années –, pour prendre en compte l’ampleur du crime et sa dimension antisémite systématique. Ce n’est que dans les années 1970 que le terme de Shoah va prendre toute sa dimension avec la prise de conscience que le projet nazi visait à éliminer physiquement tout ce qui était juif. Il est vrai qu’après-guerre, les opinions publiques voulaient oublier, y compris chez les déportés. Et par ailleurs, la création de l’État d’Israël en 1948 offrait enfin une perspective positive en particulier pour tous les survivants des communautés juives d’Europe centrale ou de l’Est.
Alors que l’antisémitisme sous couvert d’antisionisme refait violemment surface y compris en France, ce 80e anniversaire doit rappeler l’exigence non seulement du devoir de mémoire mais aussi de la lutte indispensable contre toute forme d’antisémitisme. Hélas, avec les réseaux sociaux et certains activistes, la banalisation est de l’antisémitisme une réalité. Il y a urgence que la mémoire d’Auschwitz soit remémorée comme le sommet de l’abomination de ce que l’être humain a pu faire de criminel. Le pire est que ces crimes contre l’humanité ont été faits par des hommes ordinaires. Primo Levi, lui-même déporté, écrivait : « Ceux qui sont dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter. » Il faut cependant ajouter qu’ils obéissaient à des dictateurs, comme Hitler pour qui la vie de l’autre n’avait aucune valeur.