L'histoire ne se répète pas, mais les tensions actuelles autour de l'Ukraine rappellent des périodes sombres. La nouvelle administration Trump, avec ses déclarations chocs et son mépris pour l'Europe, remet en cause l'Alliance atlantique. La France, depuis de Gaulle jusqu'à Macron, a toujours plaidé pour une autonomie stratégique européenne, désormais urgente face à un nouveau directoire mondial. Trump et Poutine voient l'UE comme un obstacle, cherchant à la diviser. La dérégulation internationale et la loi du plus fort marquent une régression historique. Février 2025 évoque Munich 1938, où les Européens cédèrent à Hitler. Aujourd'hui, l'Europe doit réagir pour ne pas subir un diktat extérieur et assurer sa sécurité à long terme.
Éditorial – Ukraine, Europe : Munich et Yalta (T 1684)
J.D. Vance (Vice President, United States of America) s'exprimant à la MSC 2025. Source: © MSC/Conzelmann
Editorial —Ukraine, Europe: Munich and Yalta
History does not repeat itself, but the current tensions around Ukraine are reminiscent of dark times. The new Trump administration, with its shocking statements and its contempt for Europe, is calling into question the Atlantic Alliance. France, from de Gaulle to Macron, has always advocated for European strategic autonomy, which is now urgent in the face of a new global leadership. Trump and Putin see the EU as an obstacle, seeking to divide it. International deregulation and the law of the strongest mark a historical regression. February 2025 evokes Munich 1938, when Europeans gave in to Hitler. Today, Europe must react to avoid being dictated by outside forces and ensure its long-term security.
L’histoire ne se répète évidemment pas mais… il y a quand même, actuellement, des similitudes bien inquiétantes, et des perspectives de déstabilisation comme jamais depuis des décennies avec l’accélération des manœuvres russo-américaines autour de l’Ukraine. Bien sûr, on se doutait que la nouvelle administration Trump serait disruptive et brutale… mais à ce point-là ?
Le coup de fil Trump-Poutine, les déclarations chocs du vice-président J. D Vance la semaine dernière à la Conférence de Munich sur la sécurité, mettant en accusation l’Europe elle-même et négligeant la menace russe, le mépris ostensiblement affiché à l’égard des Européens, autant d’éléments jamais vus depuis des décennies ; et qui remettent profondément en cause les fondements de l’Alliance atlantique, jusqu’à présent le pilier de la sécurité transatlantique depuis bientôt près de 80 ans. Qui dit Alliance, dit confiance. Or, celle-ci a été brutalement brisée la semaine dernière.
Paradoxalement, la France, depuis le général de Gaulle jusqu’au Président Emmanuel Macron a vu juste en réaffirmant – voire en prêchant dans le désert – le besoin d’une autonomie stratégique européenne plus forte. L’heure est venue mais, hélas, dans l’urgence et dans l’obligation de devoir accélérer ne serait-ce que pour exister face à un nouveau directoire mondial qui verrait Washington, Moscou et peut-être Pékin organiser le désordre mondial. Car très clairement, pour Donald Trump, l’Europe dans sa forme actuelle l’Union européenne (UE), ne présente aucun intérêt et pour Vladimir Poutine, cette UE est tout ce qu’il déteste et il œuvre déjà depuis des années à la diviser en menant une guerre hybride.
La dérégulation internationale en substituant au droit international le rapport de force et la loi du plus fort marquent désormais une régression historique majeure, autorisant tous les débordements pour des dirigeants avides de reconquête, de revanche sur l’histoire ou tout simplement à l’ego se transformant en hubris.
Ce mois de février est ainsi trop évocateur de ce que fut Munich en 1938 où les Français et les Britanniques crurent, en cédant à Hitler avec le dépeçage de la Tchécoslovaquie, gagner la paix. Le président tchécoslovaque d’alors, Edvard Benes, ne fut même pas invité à participer aux discussions. Aujourd’hui, pour Poutine et Trump : au mieux un strapontin pour Zelensky et les Européens non conviés.
À Yalta, Staline, face à un président Roosevelt quasi mourant et un Winston Churchill, certes héroïque de lucidité mais pas assez puissant, découpa l’Europe en zones d’influence, imposant un redécoupage des frontières, des transferts massifs de population et des dictatures pro-soviétiques pour les pays de l’Europe de l’Est. La Pologne et les États voisins s’en souviennent encore et gardent un amer souvenir de cette période qui ne prit fin qu’avec la chute de l’URSS. Là encore, quand le vice-président américain J. D. Vance, bien que catholique, fait référence à Jean-Paul II avec son fameux « n’ayez pas peur », celui-ci se trompe largement sur la parole prophétique du pape polonais.
À cela, il faut également ajouter que l’équipe de Trump II n’a plus aucun lien avec le « Vieux continent ». Le temps où un général Patton lisait en français et en latin, où une Jacqueline Kennedy évoquait ses racines françaises est révolu. L’actuelle génération autour de Trump n’a plus ce lien charnel avec la vieille Europe, désormais considérée comme une simple destination touristique où l’on admire la restauration de Notre-Dame et les vieux vestiges d’une gloire passée.
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Les jours à venir et les semaines prochaines vont marquer une rupture historique pour l’Europe. La question est de savoir comment gérer à la fois le temps immédiat pour pouvoir être au moins présent à la table des négociations et ne pas subir un diktat imposé depuis l’extérieur et organiser un projet collectif de sécurité viable pour l’Ukraine et l’Union européenne dans le temps long. Car réarmer demande du temps et de l’argent. Là encore, il faudra faire comprendre à nos opinions publiques à la fois l’urgence de réagir et l’obligation de faire des choix qui remettent en cause des décennies d’un confort stratégique désormais passé aux oubliettes de l’histoire. ♦