10e étape – 6 juillet 2021 – Albertville-Valence : des Chasseurs alpins aux Spahis
Le massif du Vercors (© Johan N via Wikicommons)
La position d’Albertville en fait un carrefour majeur en plein cœur des Alpes, permettant un accès aisé au « sillon alpin ». Très vite, ce positionnement stratégique fut utilisé à des fins militaires.
En 1832, une unité sarde s’installe dans la Maison rouge, un édifice gothique italien édifié au XIVe siècle. Le duc Charles-Albert de Savoie fusionne les villes de Conflans et de L’Hôpital en Albertville. Avec l’annexion à la France en 1860, l’armée s’installe dans la cité, dans la caserne de la Maison rouge et, très vite, il est envisagé de fortifier la région. Les tensions avec l’Italie vont transformer le site qui va être intégré à la ligne Séré de Rivières devant protéger le territoire français face aux menaces allemandes et italiennes. La place forte d’Albertville commence à être édifiée à partir de 1875 et les travaux principaux s’achevèrent en 1888, Chamousset étant le deuxième maillon essentiel du projet concernant les Alpes.
Insigne du 22e BCA
La caserne Songeon, construite en 1876, a accueilli de nombreuses unités dont le 7e Bataillon de chasseurs alpins (BCA) de 1922 à 1939 et le 22e BCA jusqu’à sa dissolution en 1997. Une caserne d’artillerie, un arsenal et un polygone de tir furent également édifiés. Cette présence militaire fut telle qu’avant la Première Guerre mondiale, un habitant sur cinq de la cité savoyarde était un militaire, avec 1 315 soldats dans la garnison. Après les Jeux olympiques d’hiver de 1992 pour lesquelles les armées furent très sollicitées, la présence militaire s’est achevée à Albertville. Le général d’armée Henri Marescaux (1943-2021), polytechnicien, ancien inspecteur général des Armées puis diacre permanent, naquit à Albertville. Il faut rappeler ici que Jean Moulin (1899-1943) fut sous-préfet du canton de 1925 à 1930.
Descendant le sillon alpin, le peloton traversera Montmélian où une gigantesque caserne fut construite entre 1801 et 1805 pour contrôler la population locale et sécuriser la route vers l’Italie, objet de tous les intérêts de Napoléon Bonaparte. Les bâtiments militaires succédèrent à l’ancien couvent des Ursulines et pouvaient abriter jusqu’à 700 soldats dans des chambrées destinées à en accueillir 48. En 1815, les troupes sardes s’y installèrent jusqu’en 1860 avant le retour de l’armée française. En 1975, le quartier fut abandonné avant d’être transformé en espace culturel à partir de 1983.
Juste à côté, la ville de Chambéry est une ville de garnison depuis 1860 et le rattachement de la Savoie à la France. De nombreuses unités s’y sont succédées dont le 97e Régiment d’infanterie et le 4e Régiment de Dragons de 1906 à 1914. À l’issue, ce sont des unités alpines qui vont être présentes dans les différents casernements de la ville dont la caserne Barbot détruite au milieu des années 1970 ou encore le Manège datant de l’époque sarde et aujourd’hui transformé en centre des congrès.
Nécropole de Vassieux-en-Vercors
(© David Monniaux via Wikimedia Commons)
La course contournera par l’ouest le massif du Vercors, dont l’importance fut essentielle pour la Résistance. Cette forteresse naturelle vit dès l’automne 1942 l’installation de camps de maquisards. À partir de 1943 ceux-ci furent encadrés et entraînés par l’Armée secrète, émanation clandestine de l’Armée d’armistice suite à sa dissolution. De juin à juillet 1944, la bataille du Vercors fut acharnée et les représailles nazies frappèrent indifféremment les Résistants faits prisonniers et les populations civiles. Ainsi, le village de Vassieux-en-Vercors fut entièrement détruit et soixante-douze de ses habitants massacrés. C’est l’une des cinq communes de France faites Compagnon de la Libération.
L’arrivée à Valence se fait dans la vallée du Rhône, un des axes stratégiques de l’espace français et ce, depuis l’Antiquité, avec la Via Agrippa. Au XVIIIe siècle, la garnison devient permanente avec, dès 1714, la construction de casernes. En 1773, le régiment d’artillerie de la Fère s’y installe et le jeune Bonaparte y sera affecté de 1785 à 1786. En 1879, les 3 000 militaires représentent un septième de la population. En 1876, la municipalité finance une quatrième caserne, appelée La Tour Maubourg, à hauteur d’1/3 avec 400 000 francs or. Celui-ci sera utilisé jusqu’en 1998 avant d’être transformé en médiathèque. Le 1er Régiment de Spahis, créé par Lyautey, arriva en 1984 à Valence après avoir stationné de 1961 à 1984 à Spire (Allemagne) comme unité du 2e Corps d’armée qui constituait l’ossature des Forces françaises en Allemagne (FFA). Le 1e Spahis, qui a participé à toutes les Opérations extérieures (Opex) contemporaines, est installé au Quartier Baquet, un ancien séminaire fermé en 1907.
Sur l’aéroport de Valence, le GAMSTAT (Groupement aéromobilité de la section technique de l’Armée de terre) est installé depuis 1969 et contribue à tous les essais des aéronefs de l’Armée de terre ; comme les hélicoptères de combat Tigre ou de transport NH 90. Le GAMSTAT voit ses origines en 1955 à Satory et expérimente alors aussi bien avions qu’hélicoptères. À Valence, le site, avec une météo favorable, développe une expertise reconnue. Très récemment, le GAMSTAT a contribué à mettre au point les kits de transport pour les patients atteints du Covid et transférés par hélicoptères militaires. Valence associe ainsi traditions et modernités militaires. ♦
Publié le 05 juillet 2021
Jérôme Pellistrandi