Avec Aster X comment la France se prépare au scénario d’une guerre dans l’Espace
© Armée de l'air et de l'espace
Du 4 au 15 mars, à Toulouse sur le campus du Centre national d’études spatiales (Cnes), se tient la quatrième édition de l’Aster X. Exercice spatial militaire créé en 2021, Aster X est un entraînement qui vise à préparer la France à faire face à une situation de crise dans l’espace.
Cet exercice intervient dans un contexte marqué par une multiplication de comportements agressifs dans l’espace depuis la fin des années 2000. En 2007, la Chine a détruit son satellite météorologique Fengyun 1-C situé à 800 km à partir d’un missile. Depuis cet épisode, trois autres pays ont réalisé des tirs ASAT (en anglais : anti satellite activities) : les États-Unis en 2008, l’Inde en 2019 et la Russie en 2021. Plus précisément, concernant la France, en 2017 un satellite franco-italien Athena-Fidus avait été approché par un engin russe, le Luch-Olymp dans une optique d’espionnage.
Face à un environnement spatial de plus en plus incertain, corollaire de la multiplication des menaces, la France s’est dotée d’un commandement de l’espace en 2019. La même année, les États-Unis créaient la United States Space Force comme armée indépendante et séparée des trois autres composantes de l’armée américaine. L’adoption par les grandes puissances militaires d’un commandement dédié à l’espace témoigne du rôle croissant que joue l’espace dans les nouvelles conflictualités en soutien aux opérations militaires sur Terre ou comme partie intégrante des opérations militaires.
Aster X, avec 4 000 objets spatiaux répartis sur les différentes orbites terrestres et à travers 23 événements, qui balaient l’ensemble du spectre des menaces spatiales, doit permettre à la France de se préparer face à un conflit ou une crise dans l’espace proche. Le scénario met en scène un ennemi dénommé Mercure aux capacités spatiales qui supplante celles de la France. Une situation fictive qui n’est pas sans rappeler la situation actuelle entre la France et la Russie. Mercure, par une série d’une vingtaine d’actions agressives, altère et met à mal les capacités spatiales françaises, notamment par l’usage de technologies sophistiquées, moins polluantes et plus discrètes que les tirs ASAT. Parmi elles, on peut citer l’usage d’armes à énergie dirigée, dont le but est d’aveugler les capteurs des satellites d’observation, ou encore les menaces électroniques dont l’objectif est de brouiller, intercepter ou leurrer la transmission des informations sur les liaisons ascendantes ou descendantes. Mercure prive alors la France de tous ses sens, empêchant de facto l’armée française de se repérer, de diriger ou de communiquer entre elles.
En réponse, la décision est prise de lancer l’opération Gravity par le « joint forces commander », c’est-à-dire le Commandement pour les opérations interarmées, dirigé par le général Le Nen. Concrètement, Gravity consiste en un bombardement au sol des infrastructures terrestres spatiales de Mercure. La notion de « Joint Force », que l’on retrouve dans la Nationale Defense Strategy, un document stratégique qui fournit les grandes orientations du ministère de la Défense américain, illustre cette volonté de créer une véritable synergie entre les différents corps d’armées dans le but de créer une armée résiliente. L’intégration, l’interopérabilité et la coopération entre les différentes armées sont alors au centre d’Aster X pour le développement d’une culture commune des opérations spatiales.
Placés sous le signe de l’ouverture internationale, 15 partenaires étrangers (États-Unis, Roumanie, Italie, Japon, Royaume-Uni, Belgique, Espagne, Portugal, Australie, Corée du Sud, Émirats arabes unis, Allemagne, Canada, Pologne, Autriche) sont invités à participer à l’exercice ; le but étant d’améliorer l’interopérabilité entre les différents alliés.
Enfin, outre les militaires, le Cnes et de nombreux partenaires industriels sont invités à prendre part à l’exercice, signe d’une ouverture du monde militaire aux civils qui témoigne d’un transfert de technologies du civil à l’armée. Par ailleurs, cette démarche s’inscrit dans une volonté de « renforcer la synergie avec le Cnes et approfondir les relations avec les partenaires industriels ».
Ainsi, si le scénario d’une guerre spatiale digne de Star Wars relève encore de la fiction du fait de l’interdépendance des acteurs, la France, grâce notamment à l’exercice Aster X, n’entend pas se faire surprendre en se donnant les moyens et les capacités de se défendre dans l’espace et à travers l’espace.
Pour en savoir plus :
« Les opérations dans l’espace : un enjeu pour la défense », RDN n° 835, décembre 2020 (https://www.defnat.com/sommaires/sommaire.php?cidrevue=835).
« Armée de l’air et de l’espace : puissance aérospatiale et haute intensité », Les Cahiers de la Revue de Défense Nationale, juin 2023 (https://www.defnat.com/e-RDN/sommaire_cahier.php?cidcahier=1316&caffiche_cadre=1).
Brossault Juliette, « Qu’est-ce qu’Aster X, la simulation militaire d’une crise dans l’espace qui se déroule à Toulouse ? », BFMTV, 4 mars 2024 (https://www.bfmtv.com/sciences/qu-est-ce-que-aster-x-la-simulation-militaire-d-une-crise-dans-l-espace-qui-se-deroule-a-toulouse_AN-202403040703.html).
Valin Julie, « Grâce à Aster X 2024, la France se prépare aux conflits dans l’espace », France 3 Occitanie, 8 mars 2024 (https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/grace-a-asterx-2024-la-france-se-prepare-aux-conflits-dans-l-espace-2936418.html).
Biegala Éric, « Au cœur de l'exercice Aster X : comment l’armée de l’air française se prépare à une guerre spatiale », Franceinfo, 11 mars 2024 (https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/reportage-au-c-ur-de-l-exercice-asterx-comment-l-armee-de-l-air-francaise-se-prepare-a-une-guerre-spatiale_5705330.html).
Publié le 11 mars 2024
Manon Pasquier