Arta Seiti (dir.) : Des guerres balkaniques à la Grande Guerre : un regard stratégique
Cahier numérique - Mission du Centenaire de la Première Guerre mondiale (1914-1918) - Hiver 2015 - 80 pages
Avant-propos - Jérôme Pellistrandi - p. 5-5
2014 a ouvert le cycle de commémoration du centenaire de la Grande Guerre. Il était donc légitime que la RDN s’intéresse de près à cet anniversaire et, au-delà du fait historique, aux raisons qui ont provoqué cette déflagration mondiale et bien sûr aux conséquences, dont certaines sont encore perceptibles aujourd’hui, notamment en Europe. Lire la suite
Introduction - Arta Seiti - p. 7-8
À défaut d’avoir pu empêcher la guerre des quatre États de la Ligue balkanique contre l’Empire ottoman, l’Autriche-Hongrie s’est fixé des objectifs complémentaires. Pour autant, ses succès ne peuvent cacher un bilan général du conflit nettement moins positif. On constate la dégradation du rapport des forces à laquelle Vienne est confrontée en cette fin 1913. In fine, le choix d’une politique de mouvement appuyé sur l’Allemagne est nécessaire ; il y a urgence, la paix est à la merci d’une étincelle.
La Première Guerre mondiale a commencé à Sarajevo : la question de savoir si elle n’est pas aussi la 3e guerre balkanique se pose aux plans stratégique, géopolitique et juridique. Le système d’alliances et sa rigidité croissante constituent un relais de cette mondialisation du conflit, mais le respect inégal du droit international, lui-même en évolution, constitue l’autre grand chaînon de cette transmission. Le respect notarial du droit westphalien ne peut cacher des violations substantielles prolongeant l’état de tension peu conforme à ce droit que les guerres balkaniques ont déjà malmené, au nom d’un prisme unique privilégiant le but de guerre sacralisé.
À l’évidence, les guerres balkaniques constituent bien le prélude de la Grande Guerre. Existerait-il une relation de cause à effet entre ces deux événements, l’un étant régional, le second mondial ? Il faut souligner ici un point cardinal qui réside dans la notion de mobilisation. Les guerres balkaniques consacreraient ainsi paradoxalement l’entrée des Balkans dans la modernité.
Longtemps délaissés par les militaires français, les Balkans les intéressent de plus en plus à la veille de la Première Guerre mondiale pour des raisons stratégiques, tactiques et techniques. Pendant les guerres balkaniques, la péninsule est parcourue par de nombreux cadres de l’armée (attachés militaires, voyageurs, observateurs, etc.) qui profitent des relations nées dans les écoles militaires françaises auparavant, pour informer Paris de la situation. Cet espace constitue aussi un gigantesque champ d’études pour valider, ou non, des concepts d’emploi de l’armement et des forces.
Les années 1912-1918 – qui doivent être lues dans leur globalité en ce qui concerne les événements balkaniques – correspondent à une période de gestation du projet yougoslave empruntant différentes formes avant d’aboutir à celle que nous lui connaissons : une Yougoslavie centralisée sous contrôle des Serbes, malgré son nom originel d’État des Serbes, Croates et Slovènes. Ce sont les circonstances qui ont pesé de tout leur poids, auxquelles s’est ajoutée l’action d’homes d’État déterminés à en profiter pour réaliser ce qui apparaissait comme irréalisable à court terme en 1914 : l’unification des Slaves du Sud.
La Hongrie et les guerres balkaniques - Mihaly Fülüp - p. 49-64
Le Royaume de Hongrie, se situant dans l’immédiat voisinage des Balkans, menacé par l’expansion serbe, le panslavisme russe et l’irrédentisme roumain, était directement concerné par les guerres balkaniques, mais se révéla incapable de mener une politique étrangère distincte, parce qu’incluse dans une Double Monarchie, l’Empire austro-hongrois.
Dans la configuration de l’échiquier géopolitique, l’Albanie occupe une place particulière du point de vue des guerres balkaniques. Cette genèse de l’Albanie indépendante, née dans des circonstances particulières marquées par le calcul géostratégique des grandes puissances, permet de mieux comprendre la spécificité de l’Albanie dans le contexte régional qui est le sien. Il en résulterait une propension à cultiver une certaine extériorité à l’égard des nations voisines. Cela ne dévalue en rien le désir de faire nation mais cela éclaire d’un jour particulier la constitution de l’Albanie.