La défense antimissiles
Éditorial - Jean Dufourcq - p. 5-6
L'idée d'une défense antimissiles est aussi ancienne que les missiles eux-mêmes, au sortir de la Seconde Guerre mondiale avec l'apparition des V1 et V2 allemands. Mais c'est surtout la perspective d'une arme nucléaire transportée par un missile qui en a consacre l'importance, d'autant que l'URSS est puissance nucléaire depuis août 1949. La défense antimissiles balistique grandit avec la guerre froide, dont elle constitue un épisode asymétrique qui a certains égards, avec l'IDS du président Reagan, a pu jouer un rôle décisif dans son évolution et son issue. Quelle est l'évolution de la conception de cette défense aux États-Unis ? Comment comprendre la continuité d'un projet qui rassemble - au prix de certains aménagements toutefois - les administrations américaines aussi bien républicaines que démocrates depuis plus de 60 ans ?
Pour comprendre les problèmes techniques et politiques posés à la défense anti-missiles, il est important de comprendre comment les engins balistiques ont été mis au point. Le cas du missile russe Scud nous intéresse à plusieurs titres : il illustre comment, grâce à la coopération de scientifiques allemands (capturés ou réfugiés après 1945), les Soviétiques parviennent à maîtriser ce savoir-faire d'abord destiné à leur défense. L'exportation de ces systèmes à des pays comme la Chine, la Corée du Nord, le Pakistan, etc., permet alors à leurs acquéreurs de s'approprier cette technologie et de développer la leur.
Le projet de l'administration Bush prévoyait l'implantation d'un bouclier antimissiles en Europe avec un radar en République Tchèque et des intercepteurs en Pologne, avant d'être supplanté par l'EPAA (European Phased Adaptive Approach) privilégiée par l'équipe Obama, au motif avancé de se prémunir contre la menace potentielle de l'Iran. Mais l'implantation de ces éléments, dans des pays en quête d'une certaine réassurance a provoqué le mécontentement de la Russie, qui y a vu une menace, particulièrement sur la confidentialité de ses manoeuvres balistiques voire d'une partie de sa dissuasion. Autour de la défense antimissiles se nouent des partenariats stratégiques et commerciaux principalement en Europe mais également en Asie du Sud-Est ; de sorte que la défense antimissiles s'affirme aujourd'hui de plus en plus comme un instrument de politique extérieure pour les États-Unis qui doit faire l'objet d'une analyse.