Dissuasion et puissance moyenne
Les armes de destruction massive ont revalorisé un mode de la stratégie — la dissuasion — qui, pour être aussi ancien que l’homme affrontant l’homme, était rarement évoqué par les traités d’art militaire. La dissuasion est en effet un mode stratégique assez particulier, puisqu’il se donne pour fin de détourner autrui d’agir à nos dépens en lui faisant prendre conscience que l’entreprise qu’il projette est irrationnelle.
L’entrée dans l’ère nucléaire allait bouleverser les données de la dissuasion en la fondant, non seulement sur l’irrationnel politique, mais sur l’absurde des situations apocalyptiques qu’engendrerait le recours à l’arme suprême. Paradoxalement, celle-ci mettait la guerre en question au lieu de la servir ; ce qui ne pouvait manquer d’affecter profondément les relations internationales en modifiant la fonction traditionnelle de la violence armée dans la compétition des États. En outre, elle atténuait les conséquences des disparités entre les puissances les plus inégales.
La France a tiré la leçon de ces faits. La stratégie de dissuasion nucléaire est l’une des composantes de sa politique de défense — la principale. Elle a prêté et prête encore à contestation. Mais mon propos consiste moins à revenir sur sa justification qu’à tenter de résumer les principes qui la fondent et à montrer qu’elle obéit à sa logique propre, qui est tout autre que celle qui gouverne la dissuasion des hyper-puissances couramment prise comme référence pour mieux critiquer la solution française.
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