Régulièrement érodées depuis 15 ans et faisant face à des menaces croissantes, nos armées n’ont plus la masse, ni l’épaisseur organique suffisantes. La Loi de programmation militaire votée en 2018 ne comblera qu’une partie de ce déficit. Il paraît donc indispensable d’identifier et de mobiliser les moyens nécessaires en dehors des forces armées. Des dispositifs à fort potentiel existent dans les autres services de l’État ou dans les entreprises, mais jusqu’à présent, ils intéressent peu les armées. Un rapprochement vers ces capacités duales paraît donc nécessaire. Leur intégration au sein des forces n’est concevable qu’avec une anticipation forte permettant de préparer leur interopérabilité avec les moyens existants. Ce système « plug and fight » ne se conçoit qu’avec l’emploi de personnels sous statut militaire, ce qui implique de ne plus limiter la réserve à une démarche vers les individus, mais à l’élargir à une approche collective, vers l’entreprise. Si la défense élargit ainsi son réservoir de forces, les partenaires doivent aussi pouvoir y trouver un intérêt.
Une nouvelle forme de réserve pour renforcer la résilience de la Nation et élargir le réservoir de nos forces
Depuis quatre ans, la guerre a fait un retour inattendu dans l’esprit des Français et dans le vocabulaire employé par nos hommes politiques (1). Concrétisée par les attentats qui ont débuté en 2015, cette irruption de la guerre n’est pas une véritable surprise pour un public averti, d’autant plus que le terrorisme vient s’ajouter au retour sur la scène internationale d’une autre menace sans doute plus large, celle des « États-puissance ». Leurs ambitions décomplexées réactivent des risques de guerre totale que l’on avait crus disparus, ce que l’on a pu appeler « la fin de l’histoire » (2).
Si nos intérêts les plus fondamentaux étaient menacés, avant que le feu nucléaire ne devienne la réponse ultime, sommes-nous réellement préparés pour mobiliser toutes les ressources de la Nation ? Serions-nous en capacité d’organiser, un siècle plus tard, l’épopée des « taxis de la Marne » * pour venir en appui aux forces armées si les moyens de celles-ci étaient insuffisants ?
* Le « retour d’expérience » des taxis de la Marne
Au début du mois de septembre 1914, les troupes allemandes approchent de Paris. L’État-major français doit trouver une solution rapide pour envoyer des troupes en renfort et contenir l’avancée allemande. Les réseaux ferrés étant saturés et désorganisés, le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris, décide de s’appuyer sur une réserve permanente de 150 taxi-autos disponibles nuit et jour, pouvant être triplée en 12 heures. Ce sont finalement 1 100 taxis parisiens qui seront réquisitionnés pour transporter les fantassins de la 14e Brigade de la 7e Division d’infanterie. Cette opération permet d’acheminer rapidement plus de 3 000 hommes. Si elle ne renverse pas à elle seule le cours de la bataille de la Marne (3), cette action fait renaître l’espoir pour les soldats français et fait craindre aux Allemands de se retrouver encerclés. Ils décident alors de se replier.
Qu’en conclure ?
• Cette initiative aux faibles effets tactiques (4) prend une dimension stratégique en devenant aux yeux des Français un symbole d’unité et de solidarité nationales mais aussi pour l’ennemi une preuve tangible d’une volonté farouche de la France d’utiliser avec agilité toutes ses ressources. Complément logistique des opérations, cette action a surtout une portée politique et psychologique.
• De nos jours, l’intégration, sans une longue préparation, de moyens civils partiellement autonomes, dans une manœuvre logistique d’ampleur, serait sans doute bien plus complexe à réaliser. Faute de procédures communes et rodées comme de moyens de communication adaptés, les contraintes de préparation d’une telle manœuvre rebuteraient sans doute celui qui pourrait en être à l’initiative.
Si la Loi de programmation militaire (LPM) votée en 2018 donne des moyens supplémentaires aux armées, ceux-ci restent comptés. Parallèlement, l’État a, depuis une dizaine d’années, considérablement structuré ses capacités de réaction aux « crises civiles ». De plus, une partie des entreprises publiques ou privées se sont dotées de moyens de réaction aux crises touchant leurs domaines de compétences. Certaines des capacités mises en œuvre peuvent, avec quelques adaptations, être considérées comme duales (tant civiles que militaires) et les crises que nous devrons affronter sont de plus en plus complexes (climatiques, technologiques, sécuritaire – sur et hors le territoire national…). Dans ce contexte, les moyens des uns comme des autres étant susceptibles d’être rapidement saturés, la distinction entre crises majeures entrant dans le domaine d’engagement des armées et crises du périmètre interministériel risque de devenir, elle aussi, toujours plus complexe.
Il paraît ainsi pertinent de s’interroger sur la meilleure façon pour les armées de pouvoir mobiliser à leur profit et en complément de leurs moyens propres, des ressources duales existant par ailleurs dans le pays. Au-delà du complément humain offert par les différents types de réserve désormais indispensable, une réserve de capacité duale, bien équipée, entraînée et rodée aux procédures de nos forces, peut être un complément utile à des armées dont le format restera durablement contraint.
Après avoir constaté les limites actuelles, nous étudierons grâce à quelques exemples choisis, les initiatives qui pourraient contribuer partiellement au comblement de ces carences afin de mieux se préparer aux menaces majeures qui pourraient survenir. Pour autant, l’intégration de ces capacités nécessitera l’adaptation de nos modèles et devra prendre en compte certains freins.
Les limites actuelles de nos armées face à des menaces croissantes
Les attentats de 2015 ont mobilisé la Nation autour d’un objectif commun de défense du pays. Cet élan s’est traduit concrètement par un effort de l’État sur divers plans : renseignement, engagement plus fort dans la lutte contre Daech en Syrie, renforcement des mesures de protection du territoire (déploiement de 10 000 hommes avec la mission Sentinelle), réinvestissement dans l’outil de défense (à commencer par l’arrêt des déflations en effectifs).
Deux ans plus tard, la Revue stratégique, réalisée à l’instigation du président de la République nouvellement élu, confirme l’émergence de nouvelles menaces (5) au plus près de nous : « La France et l’Europe se trouvent désormais directement exposées ».
Des forces expéditionnaires pour des guerres limitées
Ce constat est en fait une rupture. La chute de l’URSS avait emporté avec elle la menace vitale qui pesait sur la Nation. Les armées françaises, engagées sans discontinuité depuis 30 ans, affrontaient des crises difficiles, mais toujours dans un format expéditionnaire, éloignées du territoire national et assez loin des préoccupations quotidiennes des Français. Nous faisions donc face à un ennemi finalement assez faible dans le cadre d’opérations de stabilisation qui, dans les cas les plus violents, nous affrontait essentiellement sur le champ insurrectionnel, faisant passer la préparation au combat de haute intensité au second plan. La supériorité technique des armées occidentales, bien qu’ébranlée par un adversaire s’appropriant rapidement et avec un effet nivelant les nouvelles technologies, suffisait à garantir notre suprématie.
Et pourtant, même si on a pu l’espérer, la guerre classique, affrontement de volontés et donc de masses n’est pas morte. Face aux menaces émergentes, l’allié américain regarde davantage vers le Pacifique que vers l’Atlantique, alors que c’est traditionnellement lui qui garantit la profondeur stratégique du continent européen ainsi qu’une capacité à mobiliser des ressources hors du champ de la défense. Le retour de la guerre et d’un monde instable, sans puissance régulatrice (6), ramène au premier plan le besoin pour la France d’une défense globale et impose un retournement de la tendance déflationniste qui a orienté les effectifs et les capacités comme les budgets de nos armées sur cette période.
Une masse critique devant être encore affermie
La LPM votée à l’été 2018 consolide le budget défense (+ 1,7 milliard par an de 2019 à 2021). La remontée des effectifs, commencée dès la fin 2015, se prolonge, mais à un rythme très faible et portée essentiellement par les besoins nouveaux (1 500 hommes par an pour les premières années, principalement au profit du renseignement et de la cyberdéfense). Ainsi, face à la menace d’un ennemi puissant et déterminé, nos armées seules manquent encore d’une masse suffisante. En 2025, la LPM arrivée à son terme, n’aura que partiellement résolu le problème. Dans sa Vision stratégique diffusée à l’automne 2018, le Chef d’état-major des armées, le général d’armée François Lecointre précise : « La masse des forces et de leurs soutiens demeure à un niveau historiquement bas, tant en termes d’effectifs que de matériels. Les marges de manœuvre et les capacités de redéploiement sont strictement limitées. Si la capacité à répéter les efforts est révélatrice d’une force morale collective indéniable, elle ne permet pas de compenser l’usure prononcée des hommes et des équipements majeurs » (7). Les Céma se sont fait l’écho de ce constat sans fard en des termes proches (8)(9).
Des dispositifs civils d’intervention avec un fort potentiel
« La France a une longue habitude de gestion de crise appuyée sur une organisation étatique forte » (10) qui lui donne une capacité de mobilisation et de coordination plus forte qu’une partie de ses voisins européens, historiquement moins centralisés. Néanmoins, au début des années 2000, une succession de crises climatiques, sécuritaires, sanitaires et technologiques, en France comme à l’étranger (11), a amené l’État comme les entreprises en charge de réseaux et d’infrastructures, à renforcer leurs moyens d’action et leur capacité à les mobiliser rapidement.
Pour l’État, des progrès ont été recherchés dans plusieurs domaines : meilleures réactivité, préparation et anticipation, renforcement des structures de décision, utilisation des technologies de gestion et communication de crise.
Un dispositif étatique et interministériel de gestion de crise structuré
Faisant converger les propositions de différents rapports l’ayant précédé, le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale de 2008 préconise, entre autres, la création d’une organisation intégrée de gestion de crise qui permette de renforcer la capacité gouvernementale de conduite de crise en assurant au niveau central une meilleure coordination de l’action des ministères (12). Cette réforme se traduit par la mise en place d’une Cellule interministérielle de crise (CIC) dont l’activation est décidée par le Premier ministre (13) et qui réunit l’ensemble des ministères concernés. Si ce dispositif s’applique aux crises majeures sur le territoire national ou qui affectent les ressortissants ou intérêts français à l’étranger, il n’intègre pas directement la défense militaire dont l’organisation est spécifique. Mais les armées peuvent toutefois se trouver en situation de contribuer aux actions coordonnées par la CIC. Néanmoins, leur concours ne peut être requis pour des missions de sécurité intérieure et de sécurité civile que dans des conditions assez restrictives. En effet, il est nécessaire que les autres moyens des administrations s’avèrent inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles selon la règle des quatre « I » (14).
La CIC interagit avec les différents mécanismes de coordination et de coopération opérationnelle déjà existants dans les autres ministères (ministères de l’Europe et des Affaires étrangères, ministère de l’Intérieur…) et en particulier avec le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) pour les armées. Le réseau d’acteurs est vaste et pourrait, dans certains cas, profiter plus largement à la défense militaire. C’est par exemple le cas du dispositif Parades (Programme d’aide au recensement et à l’activation des entreprises pour la défense et la Sécurité civile) (15) qui inventorie les entreprises de bâtiments et travaux publics, de transport routier, de travaux forestiers et de dépollution les plus significatives, et identifie leurs compétences et capacités en moyens et personnels. La base de données Parades-Web recense 12 000 entreprises susceptibles d’être mobilisées en situation de crise ou de défense (16). Utilisée par les préfectures en situation d’urgence et durant les exercices d’entraînement, elle est communiquée aux différents états-majors mais ne fait aujourd’hui pas l’objet de préparation spécifique à la défense militaire. Les moyens identifiés sont pourtant considérables (17) et pourraient représenter une capacité additionnelle d’envergure dans des domaines qui ont fait l’objet de réductions drastiques dans les armées au cours des dernières décennies (logistique, transport, aménagement de l’espace et du terrain, infrastructure). Toutefois, si ces entreprises disposent du savoir-faire technique et du matériel nécessaire, l’intégration dans une manœuvre militaire nécessiterait encore bien des efforts de mobilisation, d’adaptation, de préparation, d’entraînement et de doctrine.
Des initiatives d’entreprises publiques ou privées
D’autres initiatives ou structures portées par des entreprises publiques ou privées ont développé des outils d’intervention dont certaines des caractéristiques se rapprochent de l’Échelon national d’urgence (ENU) (18), dispositif d’alertes de nos armées.
C’est par exemple le cas de la Force d’intervention rapide électricité (Fire) créée en 2000 après le passage des deux dépressions Lothar, qui avaient dévasté le Nord de la France fin 1999. Forte de 2 500 techniciens volontaires d’Enedis (19), la Fire est organisée en équipes autonomes avec ses propres engins et son outillage. Le matériel de la Fire est composé de kits de matériel et de groupes électrogènes répartis sur le territoire et maintenus en condition opérationnelle de façon permanente. Ce sont ainsi 2 000 groupes électrogènes qui peuvent être mobilisés à tout moment pour lancer les premières réparations sur les réseaux électriques. Cette capacité instantanée (en hommes comme en matériels) est bien supérieure à ce que les armées sont aujourd’hui en mesure de mobiliser sous très court préavis pour leurs opérations (à titre de comparaison, les Armées de terre et de l’air disposent ensemble de l’ordre de 300 spécialistes formés et équipés, en mesure d’opérer des groupes électrogènes en opération).
De même, l’entreprise SNCF Réseau dispose de capacités hors du commun pour l’entretien et l’amélioration de ses installations (20). Quand l’Otan place au premier plan de ses projets logistiques la remise à niveau d’un réseau de voies ferrées stratégiques permettant d’acheminer ses troupes et matériels de l’Europe occidentale vers les frontières les plus à l’est de l’Europe (21), l’Armée de terre est en capacité d’aligner, en tout et pour tout, une unique section d’entretien de voie ferrée (30 hommes faiblement équipés), alors qu’elle comptait encore près de 200 spécialistes, dotés de matériels spécifiques, il y a seulement dix ans. Parallèlement, l’entreprise SNCF Réseau renouvelle 1 000 km de voies ferrées par an avec une organisation qui lui permet un approvisionnement et la réalisation de ses chantiers 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Disposant du matériel permettant de travailler en tout temps, de jour comme de nuit, la SNCF met en œuvre des techniques de reconnaissance de ses chantiers et de surveillance de ses infrastructures qui pourraient être utiles aux armées françaises, y compris en opérations. SNCF Réseau utilise par exemple des drones pour ses missions d’inspection, de surveillance ou de maintenance du réseau (22). Dans la Bande sahélo-saharienne (BSS), les capacités de surveillance de nos itinéraires logistiques sont extrêmement limitées et le piégeage de ceux-ci reste une des principales causes de nos pertes.
On pourrait ajouter à cette liste EDF, qui a créé en 2011 la Force d’action rapide nucléaire (Farn) pour intervenir sur les accidents nucléaires, les leaders mondiaux des travaux publics que sont Vinci ou Bouygues construction-Colas, mais encore les entreprises de logistique (Geodis, Bolloré transport, CMA-CGM…) ou de maintenance (Bergerat Monnoyeur TP, Renault Trucks, Sabena Technics…) et aussi les spécialistes français du traitement de l’eau (Veolia *, Suez…). Ainsi, de nombreuses entreprises aux capacités duales pourraient apporter des compétences utiles à nos forces.
* La capacité d’intervention d’urgence de la fondation Veolia
Présente sur les cinq continents, l’entreprise Veolia (ex-Compagnie générale des eaux) est une multinationale française, chef de file mondial des services collectifs. Veolia propose à ses clients, collectivités locales et entreprises, une expertise dans trois domaines complémentaires : gestion du cycle de l’eau, gestion et valorisation des déchets, et gestion de l’énergie. L’entreprise soutient la Fondation Veolia qui intervient partout dans le monde en s’appuyant sur le mécénat de compétences de ses salariés. Ce fut le cas dès le lendemain du tremblement de terre de Haïti, en janvier 2010, et après le passage de l’ouragan Irma dans les Antilles françaises, en septembre 2017.
La Fondation met en particulier en œuvre des unités mobiles de traitement de l’eau adaptées à la production délocalisée sur des terrains difficiles d’accès qui se montent en deux heures et permettent d’alimenter 2 000 personnes (23).
Qu’en conclure ?
• L’entreprise Veolia et sa Fondation possèdent des équipements adaptés aux besoins de nos unités déployées (compacité, rapidité de mise en œuvre, aérotransport) ainsi que l’expertise métier spécifique à leur emploi.
• Ce qu’une entreprise et ses salariés volontaires sont en mesure de faire dans un but humanitaire, ne pourraient-ils pas s’envisager (sous un statut et selon des modalités à définir) dans une perspective régalienne en soutenant les forces françaises engagées ?
• L’expertise « tout terrain » de cette entreprise pourrait s’en trouver affirmée par une valorisation de son image : « utilisé par l’armée française en condition opérationnelle ».
Préparer la guerre « hors limites » (24) de demain : pour une évolution du système de réserve
Pour obtenir l’effet de masse dont nous avons besoin face à un ennemi puissant, endurant et déterminé, mais aussi pour faire face aux nouvelles conflictualités qui demandent une expertise de haut niveau dans une quantité de domaines toujours croissants, les armées doivent être originales et se montrer ouvertes aux apports de la société civile. Dans sa Vision stratégique, le Céma revendique pour l’avenir des « armées puissantes, disposant de capacités de combat les plus modernes, aptes à jouer un rôle moteur en Europe, agiles dans leur mode de pensée et leur fonctionnement et connectées aux mondes extérieurs » (25).
Une première étape importante : des réserves redynamisées
Le développement rapide de la réserve et sa dynamisation apportent une réponse partielle à ce défi. Ainsi, immédiatement après les attentats, les citoyens se sont mobilisés d’abord en montrant une volonté et une résilience forte mais aussi par un engagement important en faveur de la défense. Les candidatures à l’engagement en tant que soldat professionnel ont progressé permettant de faire face à l’accroissement des effectifs d’active sans dégrader la qualité de recrutement. La réserve a aussi profité d’un volontarisme sans précédent. La montée en puissance de la Garde nationale (26) a permis d’accueillir une partie de ces volontaires réservistes (pour les armées hors gendarmerie, le nombre moyen de réservistes engagés sur le terrain tous les jours a doublé entre 2014 et 2018 passant d’un peu moins de 2000 à 4 000 environ).
Très schématiquement, la réserve opérationnelle apporte la masse et la réserve citoyenne d’une expertise de haut niveau. Bien sûr, cette approche est largement à nuancer avec l’implication au sein de la réserve opérationnelle de spécialistes apportant une contribution technique reconnue. C’est par exemple le cas de la réserve opérationnelle de cyberdéfense qui intervient pour assister l’État et les armées en cas de crise majeure (27). Pour compléter cet ensemble, la mobilisation de la Réserve opérationnelle de deuxième niveau (RO2) – constituée de tous les ex-militaires d’active soumis à une obligation de disponibilité durant les 5 ans suivant leur départ des forces armées – permet d’envisager un recours encore plus large aux ressources diffuses de la nation.
Toutefois, le Céma constate aussi que le dispositif de réserve actuel ne couvre pas tous les besoins de nos forces : « L’insuffisance de la masse critique disponible, malgré la montée en puissance de la réserve, limite la capacité de réaction et la liberté d’action militaire en cas de crise cumulative ou d’attaques multiples visant nos intérêts et le territoire national » (28).
L’État et les citoyens ont participé directement au sursaut patriotique et appuient la remontée en puissance de nos armées. À l’opposé, le monde économique, retrouvant ses capacités d’investissement et des marges de manœuvre après plusieurs années de crise, ne contribue finalement qu’assez peu à ce nouvel élan. Seules quelques entreprises facilitent par exemple l’accès de leurs salariés à la réserve opérationnelle, entre autres par la signature de conventions avec la Garde nationale (29).
Engager les entreprises dans un partenariat plus fort
La défense du pays n’est pas la finalité des entreprises, pour autant celles-ci ne pourraient fonctionner sans que la sécurité ne soit garantie dans l’hexagone et à l’extérieur. Ces dernières devraient donc être davantage associées à la défense des intérêts du pays dont elles bénéficient pour la plupart indirectement. Parce que la défense, y compris militaire, ne peut pas être un quasi-monopole de l’armée d’active, il est sans doute possible de faire davantage appel aux ressources des services publics et des entreprises dans une relation « gagnant-gagnant ».
Pour la défense : de nouvelles capacités mobilisables et un réservoir de forces plus large
La règle des quatre « I » (cf. supra) devrait pouvoir être inversée. Ainsi, les armées pourraient être en mesure, lorsque leurs moyens sont inexistants, insuffisants, inadaptés ou indisponibles, de faire appel aux capacités duales détenues et inventoriées au sein de la Nation en ayant anticipé et préparé leur « interopérabilité » (30). Cette intégration de capacités civiles doit évidemment être étudiée dès le temps de paix et préparée selon une approche capacitaire classique couvrant l’ensemble des aspects du développement de l’outil de combat du type Dorese (31). Dans ce cadre, des expériences ont déjà été tentées et peuvent servir de socle à une démarche plus large.
C’est par exemple le cas de la Marine nationale qui a pu bénéficier d’un support légal dès 1990 pour mobiliser la Force maritime de complément (FMC) et la Flotte auxiliaire occasionnelle (FAO) (32) *. Ce projet, partiellement repris en 2016 dans le cadre de la définition de la flotte de commerce stratégique (33), est complété par un décret précisant que « dans certaines conditions spécifiques », l’armateur du bâtiment battant pavillon français devra être capable de constituer son équipage avec des « personnels qualifiés ressortissants nationaux ». Le concept n’a pas été poussé au bout de ses potentialités, et le déploiement à grande échelle de ces flottes auxiliaires n’a été approché que pendant la première guerre du Golfe (34). Ce dernier incluait, en plus des contraintes sur les équipages, la possibilité de financement par la défense (éventuellement dès la conception du navire civil) des modifications nécessaires aux besoins spécifiques (adaptation au ravitaillement, au transport de matières spécifiques, aux communications militaires) (35).
Sur ce même modèle, le concept pourrait être étendu à d’autres capacités à caractère dual dans des domaines où les entreprises françaises excellent (logistique, maintenance, infrastructure, énergies, traitement des eaux et des déchets…). Les armées pourraient alors mobiliser de véritables capacités complémentaires en s’appuyant, au sein des entreprises partenaires, sur une ressource humaine identifiée ayant la possibilité de basculer sous statut militaire (réserve opérationnelle). Elle servirait un matériel de son entreprise intégrant les contraintes des armées en termes de soutien et transport : compatibles carburants, transmissions, aérotransport, pré-équipement de kits de blindages… Régulièrement entraînés pour maîtriser les « bases » du combattant (en se synchronisant sur les cycles de faible activité de l’entreprise), ces modules « plug and fight défense », jumelés à une unité disposant de capacités proches, seraient en mesure de participer aux relèves d’unités spécialisées sursollicitées ou d’offrir une « profondeur capacitaire » dans certains domaines critiques.
* Précurseurs de la force maritime de complément et de la flotte auxiliaire occasionnelle,
les little ships (36) de l’opération Dynamo (37)
Au printemps 1940, l’armée allemande perce le front à Sedan et bouscule les unités les plus modernes des armées françaises et britanniques en les repoussant vers le nord. Coupées des troupes plus au sud, elles sont acculées autour de Dunkerque. L’opération Dynamo est déclenchée pour évacuer, avec l’appui des forces françaises, les troupes britanniques et canadiennes encerclées.
Entre le 26 mai et l’aube du 3 juin 1940, l’évacuation s’organise en s’appuyant sur tous les navires de la Royal Navy réquisitionnés pour traverser la Manche, tandis que la RAF lutte dans le ciel pour couvrir l’opération. Insuffisamment nombreux, trop volumineux pour s’approcher des côtes, les bâtiments de la Navy ne sont pas efficaces. Des équipages civils sont alors appelés en urgence. La section des petites embarcations du Minister of Shipping (38) mobilise une flottille hétéroclite d’environ 700 petits bateaux qui participe à l’opération (les little ships of Dunkirk) (39). Ces bateaux de pêche, de plaisance, de la marine marchande mais aussi de la Royal National Lifeboat Institution sont alors pilotés par des officiers de Marine, des gradés et des volontaires expérimentés. Ils font la navette entre le rivage et les destroyers voire jusqu’en Grande-Bretagne. Ce sont au total, plus de 300 000 hommes qui sont évacués en moins de 10 jours.
Qu’en conclure ?
• Là encore, cette action n’apporte pas une contribution décisive, mais elle est indéniablement utile à l’exécution de la mission et surtout un symbole du volontarisme britannique avec des répercussions psychologiques et politiques évidentes.
• En complément de moyens militaires insuffisants et inadaptés (les destroyers de la Navy), des moyens civils, même rudimentaires, peuvent apporter une contribution significative à une opération militaire, y compris dans un environnement non permissif.
Pour la résilience du pays : le sentiment national et la cohésion du pays renforcés
Les réservistes, par leur action, par leur présence au quotidien au sein de l’ensemble des « forces vives » (40) du pays participent au renforcement du sentiment national mais aussi à la résilience du pays. Par leur engagement, par leur connaissance des structures militaires, par ce qu’ils apportent en termes de culture et de réaction face au risque (41), ils irriguent les structures et les entreprises de leurs compétences acquises au sein de l’institution militaire. C’est d’ailleurs un des trois objectifs affichés par la Garde nationale : « Favoriser la cohésion nationale et développer l’esprit de résilience » (42).
Mais au-delà de ces individus qui apportent chacun, par leurs qualités et leurs expériences, un état d’esprit national et engagé, c’est une démarche plus large et globale qui doit encore être recherchée en développant l’interopérabilité des modules de réserve issus des entreprises partenaires. Parce que le domaine régalien évolue – l’Espace par exemple, domaine éminemment stratégique, n’est plus, et sera de moins en moins, un domaine réservé aux États – parce que la résilience des armées « repose sur la redondance des systèmes et des hommes, sur la disposition en interne des compétences qui permettent de continuer à fonctionner en situation de chaos » (43), il faut progresser vers une forme de coproduction de défense en travaillant notre capacité à intégrer sous statut militaire des entités extérieures aux armées à des fins de résilience et de masse. Ces « modules » entraînés et rodés aux modes de fonctionnement de nos états-majors opérationnels pourraient aussi intervenir sur le territoire national de manière plus efficace qu’aujourd’hui en s’insérant avec fluidité dans la chaîne de subordination des centres opérationnels de crise civils (44).
Ainsi, il nous faut maintenant élargir la réserve en passant d’un principe de contribution individuelle à une recherche de capacité collective. Pour utiliser la terminologie du monde de l’entreprise, élargir l’approche « B to C » à une approche « B to B » (45), c’est-à-dire d’un contrat de l’institution militaire vers l’individu réserviste à un contrat de l’institution militaire vers l’entreprise disposant d’une capacité nous intéressant.
Pour les entreprises patriotes : une image améliorée et l’accès à de nouveaux marchés
Le patriotisme entrepreneurial a été porté au-devant de la scène médiatique il y a une dizaine d’années, essentiellement à travers ses dimensions économiques et sociales. Une entreprise patriote ou citoyenne était alors une entreprise investissant, payant ses impôts, et développant l’emploi en France (46). Les générations montantes ont, autant comme salariés que comme consommateurs, des attentes qui font évoluer cette approche et ajoutent une dimension « réputation ».
Ainsi « le patriotisme d’entreprise, où les entreprises affirment “donner en retour” au pays dans lequel elles ont établi leurs opérations, représente un mécanisme de séduction de l’opinion publique » (47). De même, le Medef (Mouvement des entreprises de France), par l’intermédiaire de son président, Geoffroy Roux de Bézieux (ancien commando de Marine), prend la mesure de la responsabilité sociale et nationale des entreprises et multiplie les initiatives vers la communauté militaire (48).
Il en va de l’image des entreprises et la contribution à l’effort de défense n’apparaît généralement pas comme une taxe supplémentaire mais, de plus en plus, comme un moyen d’agir en entreprise citoyenne. Tel que proposé pour la Garde nationale (49), cet engagement patriote pourrait être promu comme une reconnaissance par les agences de notation au titre de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). Même si le message doit être particulièrement travaillé, c’est aussi en valorisant leur contribution au réservoir de forces des armées que certaines entreprises pourraient renforcer leur image. Cette démarche pourrait aller jusqu’à une forme de label pour celles qui apportent une contribution forte dans le cadre opérationnel « Capacité jugée apte à l’emploi en opération avec les armées françaises ».
Enfin, mieux intégrer les capacités duales de nos entreprises dans notre outil de défense peut aussi leur favoriser l’accès à des marchés qui leur échappaient jusqu’à présent. En entretenant des capacités interopérables avec nos forces armées, elles consentent un effort qui peut être rémunéré mais aussi reconnu et pris en compte dans le cadre des marchés publics. De plus, engager ses capacités duales en gestion de crise est aussi une manière de préparer une entreprise à proposer ses services plus efficacement en sortie de crise. Alors que les retombées économiques de nos Opex sont très limitées pour l’économie française, tirer des gains économiques de nos interventions coûteuses ne doit pas être un tabou (50). La participation des entreprises françaises aux marchés attribués sur des fonds internationaux mais aussi la captation des financements de l’Agence française de développement (AFD) pourraient sensiblement progresser avec une connaissance approfondie de l’environnement concurrentiel de la zone d’intervention.
En conclusion : ne pas aller trop loin !
Dans un monde qui change, nos armées évoluent considérablement, mais face aux défis qu’elles ont à relever, il semble pertinent de s’intéresser plus encore à l’environnement défense et donc d’explorer les champs qui pourraient participer au renforcement de leur masse, de leur épaisseur. La Vision stratégique du Céma vise à « intégrer les acteurs civils ou militaires, institutionnels ou non, français ou étrangers » afin de compenser le « dimensionnement au plus juste de notre modèle d’armée » et de remédier ainsi en partie à « l’incertitude qui pèse sur la pérennité de nos alliances et les stratégies totales de nos adversaires » (51). C’est l’objet de l’approche qui est proposée ici.
Des compétences existent ailleurs et peuvent nous rendre plus forts pour peu qu’elles soient adaptées à nos spécificités, que nous soyons capables de compromis, d’une acceptation d’une forme de coproduction, d’un partage du monopole de la défense armée s’il s’inscrit dans le cadre de notre statut et permet de préserver nos spécificités. Il semble évident que nous avons tous à gagner d’une intégration plus forte des capacités extérieures aux armées au service de nos moyens de défense, mais il ne faut pas laisser le « privé » s’emparer de ces sujets sans fixer des limites.
D’abord, parce que l’intégration de capacités duales civiles ne doit pas être comprise comme une « externalisation » vers des compétences existant dans l’entreprise. L’externalisation ne constitue pas une solution miraculeuse pour réduire le coût des Opex (52) ou celui de notre fonctionnement. Celle-ci n’est possible que sur des théâtres stabilisés, avec un risque politique à assumer et des gains financiers pas toujours assurés. Il ne s’agit pas non plus de « privatiser » certaines fonctions ou taches avec les risques de dérives qu’ont connues les Sociétés militaires privées (SMP) anglo-saxonnes lors des conflits afghans ou irakiens. Seules les armées sont dépositaires de la « violence légitime », et dans des opérations où les missions de combat ne sont plus clairement dissociables des missions non combattantes, l’intervention de ces capacités duales ne peut se faire que sous statut militaire.
Ensuite, parce que s’y préparer ne doit pas conduire à dissoudre la spécificité militaire dans un amalgame au terme duquel toutes les compétences techniques, quel que soit leur cadre d’emploi, se vaudraient. Au contraire, parce qu’elles sont aussi bénéfiques à la résilience de la Nation, il est nécessaire d’affirmer nos spécificités et de les partager à l’extérieur de nos armées, avec l’environnement de défense, dans les entreprises et la société dans son ensemble. L’intégration de capacités peut être un vecteur de ce partage.
Les gains à en tirer peuvent être considérables et ils nous renforceront face à des menaces grandissantes qu’elles soient d’ordre sécuritaire ou plus larges : catastrophes climatiques, technologiques voire combinées.
Éléments de bibliographie
Circulaire relative à l’organisation gouvernementale pour la gestion des crises majeures – n° 5567/SG Premier ministre, 2 janvier 2012 (http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/01/cir_34453.pdf).
Commission des affaires étrangères, Engagement et diplomatie : quelle doctrine pour nos interventions militaires ? (Rapport d’information n° 2777), 20 mai 2015 (www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2777.pdf).
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur le coût des opérations militaires extérieures, notamment sous mandat international (Rapport d’information n° 1790), 1er juillet 2009 (www.assemblee-nationale.fr/)
Garde nationale, Rapport d’évaluation de la réserve militaire et de la Garde nationale, 2017 (www.unor-reserves.fr/).
Lasconjarias Guillaume, « Send the reserve! New ways to support NATO throught reserve forces », NATO Reasearch Paper, n° 99, novembre 2013, 12 pages (www.files.ethz.ch/isn/175315/rp_99.pdf).
Liang Qiao et Xiangsui Wang, La Guerre hors limites : l’art de la guerre asymétrique entre terrorisme et globalisation, Payot-Rivages, 2003 (1999), 310 pages.
SG/Service de défense, de sécurité, et d’intelligence économique, Mémento de gestion de crise, Ministère de la Transition écologique et Solidaire, 2017.
Entretiens
M. Frédéric de Moulins, commissaire général aux transports et M. Tony Constant, secrétariat général du ministère de la Transition écologique et Solidaire.
M. Thierry Chantriaux Directeur exécutif de SNCF Mobilités et M. Pierre Daburon Directeur sécurité, sûreté, risques de SNCF Réseau.
Colonel Poitou, chef d’état-major du COMTN (Commandement territoire national).
Colonel Dodane, CFT (Commandement des forces terrestres), et commandant Robin, COMTN (Commandement territoire national), Retex Irma.
(1) Le lundi 16 novembre 2015 devant les 577 députés et 348 sénateurs réunis en Congrès à Versailles, le président de la République M. François Hollande déclare : « La France est en guerre. Les actes commis vendredi soir à Paris et près du Stade de France, sont des actes de guerre. Ils ont fait au moins 129 morts et de nombreux blessés… Ils sont le fait d’une armée djihadiste… » (http://discours.vie-publique.fr/notices/157002982.html).
(2) À l’été 1989, Francis Fukuyama, universitaire américain et directeur adjoint du service de planification du Département d’État à Washington, publiait un article intitulé « La fin de l’Histoire ? » dans The National Interest. Il y annonçait « l’universalisation de la démocratie libérale occidentale comme forme finale de tout gouvernement humain », cf. Blumenfeld Samuel, « Et Fukuyama annonça la fin de l’Histoire », Le Monde, 16 août 2017.
(3) Bonal Cordélia, « Non, les taxis de la Marne n’ont pas sauvé Paris », Libération, 3 août 2014.
(4) Bonal Cordélia, « Non, les taxis de la Marne n’ont pas sauvé Paris », Libération, 3 août 2014.
(5) Macron Emmanuel (président de la République), « Préface » de la Revue stratégique, p. 5 : « Nous sommes entrés dans une ère de grandes turbulences. Pour la plupart, les risques et les menaces auxquels nous sommes confrontés ne nous étaient pas inconnus, mais leurs manifestations se sont accélérées, leurs effets se sont amplifiés et rapprochés. » (www.defense.gouv.fr/).
(6) Gérard Araud, alors ambassadeur de France aux États-Unis tweetait, quelques minutes après la victoire de Donald Trump : « Un monde s’effondre, tout est désormais possible ».
(7) Général Lecointre François, Vision stratégique « pour une singularité positive », 21 septembre 2018, EMA, p. 6 (www.defense.gouv.fr/).
(8) Le général d’armée Jean-Pierre Bosser (Chef d’état-major de l’Armée de terre) : « Il s’agit de conserver une masse critique d’environ 100 000 hommes pour faire basculer les équilibres d’un conflit en notre faveur, avoir un effet d’entraînement sur nos partenaires et une capacité à maintenir cet effort sur la durée. » cité par Barluet Alain, « Général Jean-Pierre Bosser : “Il faut maintenir l’esprit guerrier” », Le Figaro, 1er juin 2018.
(9) Commission de la défense nationale et des forces armées, « Audition du général d’armée André Lanata (Chef d’état-major de l’Armée de l’air) », 19 juillet 2017, Assemblée nationale : « Il faut être convaincu que les équipements les plus performants ne font pas tout. C’est bien ce que j’appelle cette épaisseur opérationnelle et humaine qui fait la différence au combat… » (www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cdef/16-17/c1617006.asp).
(10) Rapport du préfet Jean Dussourd, Gestion de crise et centres opérationnels, SGDN, 8 février 2004.
(11) Incendie du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999, tempêtes de décembre 1999, menaces terroristes après le 11 septembre 2001, accident AZF à Toulouse en septembre 2001, inondations et enneigements exceptionnels fin 2002 et en 2003, feux de forêts et canicule en Europe au cours de l’été 2003 (15 000 décès en France), épidémie SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003, black-out électrique aux États-Unis en août 2003 (50 millions d’Américains touchés) et en Italie en septembre 2003 (56 millions d’Européens touchés)…
(12) Circulaire relative à l’organisation gouvernementale pour la gestion des crises majeures – n° 5567/SG Premier ministre, 2 janvier 2012 (http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2012/01/cir_34453.pdf).
(13) La CIC est activée lorsqu’une crise majeure survient ou qu’elle est anticipée pour des raisons aussi diverses que les attentats terroristes de début janvier 2015 ou en anticipation de l’arrivée de l’ouragan Irma aux Antilles, en septembre 2017.
(14) Commission de la défense nationale et des forces armées, La présence et l’emploi des forces armées sur le territoire national (Rapport d’information n° 3864), 22 juin 2016, Assemblée nationale (www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i3864.pdf).
(15) Opérée par le Comigetra (commissaire général aux transports) qui représente les armées au sein du ministère de la Transition écologique et Solidaire (MTES) et assure une veille stratégique sur la politique des transports mais aussi contribue à la satisfaction des besoins du temps de crise dans les domaines des transports, travaux publics et du bâtiment.
(16) En application des articles R.*1336-1 et suivants du Code de la défense, les ministres chargés des transports et de l’équipement ont la responsabilité de la préparation et de l’exécution des mesures de défense et de sécurité concernant les transports et les travaux publics et le bâtiment (www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071307).
(17) Pour le transport, de l’ordre de 80 000 véhicules non spécialisés de transport de marchandises et 46 000 véhicules spécialisés, 50 000 véhicules soit 2,5 millions de places pour le transport de voyageurs. Pour les travaux publics 80 000 engins dont certaines entreprises capables d’intervenir avec les moyens significatifs.
(18) La LPM 2019-2025 prévoit (comme la précédente) la mise en place d’un ENU de 5 000 hommes en alerte permanente. Il a vocation à constituer une « réserve d’intervention immédiate apte, entre autres, à saisir un point d’entrée, à renforcer en urgence un dispositif ou à évacuer des ressortissants ».
(19) Enedis, ex-ERDF (Électricité réseau distribution France), est une société anonyme filiale à 100 % d’EDF chargée de la gestion et de l’aménagement de 95 % du réseau de distribution d’électricité en France.
(20) Entretien avec Pierre Daburon, Directeur de la sécurité, sûreté, risques de SNCF Réseau : grue Kirow pour le remplacement de tronçons de voies par exemple.
(21) Emmott Robin, « With NATO, EU sets out plan to enable faster troop movement across Europe », Reuters, 28 mars 2018 (www.reuters.com/article/us-eu-russia/with-nato-eu-sets-out-plan-to-enable-faster-troop-movement-across-europe-idUSKBN1H41RQ).
(22) Altametris, filiale de SNCF Réseau dispose des compétences et d’un matériel de pointe en termes d’innovation et de technologie :
– une équipe de 20 télépilotes, analystes et développeurs ;
– un parc d’une douzaine de drones et robots ;
– des ressources informatiques pour traiter des images, vidéos et nuages de points.
(23) Fondation Veolia, Aquaforce 2000. Unité mobile de traitement de l’eau en situation d’urgence humanitaire, septembre 2018, 48 pages (https://fondation.veolia.com/sites/g/files/dvc1026/f/assets/documents/2018/09/BD_Aquaforce_2000.pdf).
(24) Liang Qiao et Xiangsui Wang, La guerre hors limites, Payot-Rivages, 2003 (1999), 310 pages. Deux colonels de l’armée de l’air chinoise, ouvrent la réflexion sur les changements à venir dans les modes de guerre. Ils anticipent une combinaison de plus en plus complexe d’actes de guerre qui dépassent les limites des conflits menés récemment, en portant la guerre sous toutes formes et dans tous les domaines, économiques, financiers, religieux, écologiques, etc.
(25) Vision stratégique, op. cit., p. 8.
(26) Créée en 2016 en réponse aux attentats, la Garde nationale rassemble les 76 000 réservistes opérationnels des armées (principalement terre, mer, air) et des forces de sécurité intérieure.
(27) Avec un objectif de 4 440 personnes en 2019, la réserve cyber doit pouvoir mobiliser 400 réservistes opérationnels et intervenir non seulement sur les réseaux du ministère des Armées mais également au profit des OIV (opérateurs d’importance vitale), des administrations et de leurs sous-traitants.
(28) Vision stratégique, op. cit., p. 6.
(29) Près de 400 conventions sont signées. Ces conventions vont au-delà des obligations légales des employeurs et facilitent ainsi les conditions d’exercice des salariés engagés dans la réserve des forces de sécurité intérieure et de la défense. Cf. Darrieussecq Geneviève, Discours à l’occasion de signatures de conventions avec la Garde nationale, 18 mars 2019 (www.defense.gouv.fr/).
(30) L’Otan définit l’interopérabilité comme étant « l’aptitude à agir ensemble de manière cohérente, efficace et efficiente afin d’atteindre des objectifs tactiques, opérationnels et stratégiques. Elle permet plus particulièrement aux forces, aux unités et/ou aux systèmes de fonctionner ensemble et de partager une doctrine et des procédures communes, ainsi que leurs infrastructures et leurs bases respectives, et de communiquer les uns avec les autres ». « Interopérabilité : connecter les forces de l’Otan », Otan, 6 juin 2017 (www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_84112.htm).
(31) L’acronyme Dorese couvre l’ensemble des éléments à prendre en compte dans le cadre du développement d’une capacité (Doctrine, Organisation, Ressources humaines, Équipements, Soutien, Entraînement).
(32) Conseil des ministres du 14 mars 1990 – Quelques mois avant le déclenchement de la première guerre du Golfe, le ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement, et le ministre chargé de la Mer, Jacques Mellick, présentent le projet de constitution d’une FMC regroupant « des navires civils placés sous statut de navires de guerre et les équipages de ces navires placés sous statut militaire ». Cette force « assistera ainsi la Marine nationale au cas de crise grave ou de conflit ». Les navires marchands privés français (FAO) peuvent être amenés à assurer « des transports nécessaires aux missions d’assistance humanitaire et des missions de soutien logistique d’un groupe aéronaval ou d’une force amphibie sans participation directe au combat » (www.vie-publique.fr/cdp/notices/906004501.html).
(33) L’article 58 de la loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue prévoit que « les navires battant pavillon français peuvent être affectés à une flotte à caractère stratégique permettant d’assurer, en temps de crise, la sécurité des approvisionnements de toute nature, des moyens de communications, des services et des travaux maritimes indispensables ainsi que de compléter les moyens des forces armées » (www.legifrance.gouv.fr/).
(34) Britz Caroline, « Flotte stratégique et stratégie de flotte », Mer et Marine, 6 octobre 2017.
(35) Groizeleau Vincent, « Marine marchande et Marine nationale veulent accentuer leur coopération », Mer et Marine, 3 septembre 2007.
(36) Rickard J., « Operation Dynamo, the evacuation from Dunkirk, 27 May-4 June 1940 », History of War, 16 février 2008 (www.historyofwar.org/).
(37) « L’opération Dynamo », Groupe du RAC-AOC La coloniale (http://67400.free.fr/operation_dynamo_1940.htm).
(38) Le ministère de la Marine marchande (Minister of Shipping) était une entité gouvernementale britannique créée pendant la Première Guerre mondiale et, à nouveau, pendant la Seconde Guerre mondiale.
(39) The association of Dunkirk Little Ships (www.adls.org.uk/t1/).
(40) En conjuguant les sens retenus par le général de Gaulle à la Libération qui s’adresse aux « forces vives de la Nation » pour rassembler les « énergies productives » dans l’effort de reconstruction mais aussi celui retenu par François Mitterrand quand il crée en 1982, la cérémonie de vœux aux « forces vives », désignant alors les acteurs sociaux – syndicats, associations familiales et mutualistes, parents d’élèves, organisations d’employeurs et d’agriculteurs, anciens combattants – qui incarnent la société civile.
(41) Entretien avec M. Pierre Daburon, op. cit.
(42) Ministère des Armées, La Garde nationale (dépliant), 2017 (www.defense.gouv.fr/).
(43) Vision stratégique, op. cit., p. 8.
(44) En particulier COD (Centre opérationnel départemental) aux ordres du préfet.
(45) « Business to Consumer » à « Business to Business ».
(46) Dedieu Franck et Grangié Élodie, « Palmarès des entreprises les moins patriotes », L’Expansion-L’Express, 27 octobre 2010 (https://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/le-palmares-des-entreprises-les-moins-patriotes_1382772.html).
(47) Rennes School of Business, « Patriotisme d’entreprise : pas la même interprétation pour tous », Ouest France, 7 octobre 2016 (www.ouest-france.fr/).
(48) Chavatte Laurence, « La journée nationale du réserviste au Medef », Comité de liaison Défense-Medef, 20 novembre 2017 (www.comiteliaisondefense.fr/La-Journee-Nationale-du-Reserviste-au-MEDEF_a138.html)
(49) Garde nationale, Rapport d’évaluation de la réserve militaire et de la Garde nationale, 2017 (www.unor-reserves.fr/).
(50) Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur le coût des opérations militaires extérieures, notamment sous mandat international (Rapport d’information n° 1790), 1er juillet 2009 : « Certains pays, confrontés comme la France à la hausse continue du coût des Opex essaient de compenser en faisant participer largement leurs entreprises nationales aux travaux de reconstruction. Ces Nations utilisent notamment des réservistes issus de grandes entreprises qui profitent de leur présence sur le terrain dans des structures militaires et de leurs carnets d’adresses pour prospecter les marchés dont beaucoup sont financés par des fonds onusiens ou européens. » (www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i1790.pdf).
(51) Vision stratégique, op. cit., p. 10.
(52) Cour des comptes, L’externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, janvier 2019 : « La volonté de recentrer les forces sur leur cœur de métier a conduit l’État-major des armées à développer le projet Capes France (Capacité additionnelle par l’externalisation du soutien des forces françaises en opérations extérieures), cela n’est possible que sur des théâtres stabilisés. » (www.ccomptes.fr/).