1940 : ce qu’on commence à savoir et ce qui reste à découvrir
Le surgissement, en 1992, des papiers du général Doumenc, le troisième personnage de l’armée française en 1940 et l’élément le plus dynamique des états-majors de Gamelin, Georges et Weygand, a modifié en profondeur notre approche du désastre. À la vision répandue d’un pays décadent, il convenait de substituer, et à la vision gaullienne (une défaite purement militaire, due au passéisme des généraux) d’ajouter, la prise de conscience d’un coup allemand excellent et peu résistible. Comme le dit Doumenc dans un texte intitulé « Pièce écrite au moment de l’armistice » : « (…) nos adversaires, qui avaient pour eux tous les avantages de l’offensive, on su en tirer grand parti. Leur manœuvre fondée sur la réussite d’une attaque centrale qu’ont menée de bout en bout leurs corps cuirassés et motorisés, a bénéficié d’une rapidité et d’une perfection d’exécution dont il faut reconnaître tout le mérite ».
Encore Doumenc ne semble-t-il pas avoir compris ce que vingt années de recherches et de confrontations ont permis de mieux cerner : outre l’excellence de la manœuvre sur le terrain, l’Allemagne avait tout fait pour attirer les armées adverses dans le piège belge. En apparaissant depuis 1938 comme un amateur de proies modestes, contre qui il devenait urgent d’engager la « bataille des neutres » ; en organisant ou en tolérant des fuites selon lesquelles une attaque aurait lieu le 10 mai contre le futur « Benelux », et lui seul (1).
Un contre-feu, il est vrai, s’est allumé en 1995 avec la publication d’un livre redoutablement soigné et bien présenté, celui de Karl-Heinz Frieser, Blitzkrieg-Legende (dont la bibliographie s’arrête en 1991). Il postulait qu’il n’y avait pas plus de pilote dans l’avion allemand que dans le français ! Et que la décision s’était faite à l’avant dans le hasard des rencontres, l’esprit d’initiative des commandants d’unités blindées allemandes l’emportant sur les hésitations de leurs vis-à-vis français, incapables d’agir sans directives.
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