L’offre récente du Président français d’un dialogue stratégique sur la posture nucléaire française et son rôle dans la sécurité européenne contribue à nourrir le débat. Cette proposition ouvre la porte à différentes options pour une dissuasion européenne plus autonome, tout en préservant une certaine orthodoxie nucléaire française. Ces options doivent non seulement tenir compte des vues et des intentions des États dotés d’armes nucléaires, mais aussi des attentes et perspectives des États non dotés, et du rôle majeur joué par l’Otan. Pour parvenir à une défense et à une dissuasion européennes plus autonomes à long terme, il est nécessaire de renforcer les institutions existantes, notamment l’Otan.
L’Europe et la dissuasion : quelles options pour aller vers une dissuasion nucléaire européenne ?
Les termes du débat
Définition de la dissuasion et but pour l’Europe
Le pouvoir destructeur de la fission nucléaire (bombe A) et, à partir de 1952, de la fusion nucléaire (bombe H), a créé un nouveau paradigme de politique de sécurité et de défense qui a façonné la période de la guerre froide. Il continue aujourd’hui encore à jouer un rôle normatif qui encadre les relations entre États. Cette caractérisation du débat sur la politique de sécurité a consisté à réfléchir à l’efficacité et aux modalités de prévention de la guerre par la dissuasion, en particulier à son cœur, la posture nucléaire (1).
Avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968, un statu quo nucléaire a été fixé dans un cadre juridique international. Outre les deux superpuissances de l’époque, les États-Unis et l’URSS (2), la République populaire de Chine, le Royaume-Uni et la France ont été reconnus comme États dotés d’armes nucléaires, qui devraient néanmoins rechercher le désarmement nucléaire.
Au-delà de ce cadre international, les conflits régionaux et les considérations de sécurité qui en résultent ont conduit à l’acquisition d’armes nucléaires par des États qui n’ont pas adhéré au TNP. Ainsi, après la chute du nombre d’États dotés d’armes nucléaires, provoquée par l’effondrement de l’URSS (3), on observe une nouvelle augmentation du nombre de ces États. Le conflit territorial entre l’Inde et le Pakistan, ainsi que la situation menacée d’Israël au Moyen-Orient, ont poussé depuis longtemps ces États à développer des programmes qui leur ont permis d’acquérir des armes nucléaires. La Corée du Nord est un autre pays détenteur de capacités nucléaires militaires. Le régime en place a annoncé son départ du TNP le 10 janvier 2003 et, malgré les sanctions internationales, a développé des armes nucléaires et des missiles balistiques de plus en plus performants depuis 2006.
On constate donc, depuis la fin de la guerre froide, une prolifération nucléaire importante marquée par une forme de multipolarité, résultat de la fissuration des deux grands blocs qui avaient structuré la géopolitique mondiale entre 1945 et 1990. Cette multipolarité nucléaire, qui se nourrit de déterminants régionaux, est considérée comme moins stable que la bipolarité mondiale qui avait prévalu. Cela soulève la question de l’opportunité et de l’efficacité d’une dissuasion nucléaire, en général et en Europe, en particulier.
La posture nucléaire : une réaction à des problèmes de sécurité spécifiques
Les questions de dissuasion nucléaire étaient particulièrement présentes en Europe à l’époque de la confrontation Est-Ouest. Avec la fin de l’URSS, de tels débats sont passés au second plan, en particulier du point de vue de la sécurité et de la défense.
Les développements de la posture nucléaire, notamment des deux puissances nucléaires les plus fortes, peuvent être divisés en trois phases depuis 1945 (4). La première est celle de la domination nucléaire des États-Unis, suivie d’une deuxième phase marquée par l’équilibre de la destruction mutuelle assurée (DMA), période qui a elle-même évolué vers la troisième phase actuelle, celle de la multipolarité nucléaire avec des dimensions régionales.
Avec le retour des stratégies de puissance au cœur de l’ordre international depuis 2014, les questions relatives à la politique de sécurité en Europe ont été relancées, y compris celles relevant de la dissuasion nucléaire (5). En effet, des crises régionales se sont développées dans le voisinage européen impliquant l’utilisation d’armes chimiques de destruction massive à partir de 2013. Et la question de la crédibilité (6) des garanties de sécurité américaines avec l’arrivée au pouvoir de l’Administration Trump est posée.
Dans ce débat qui relève de ce que l’on peut qualifier de « troisième âge nucléaire (7) », les arguments en faveur du désarmement se renforcent et continuent d’être avancés dans une perspective religieuse, éthique et humaniste (8).
En outre, renaissant dans des sociétés qui croyaient avoir dépassé la perspective d’un conflit armé pour elles-mêmes, ce débat s’enracine dans une perspective de sécurité et de défense (9), non seulement pour la « communauté stratégique (10) », mais aussi pour la population en général (11).
Les armes nucléaires dans leur contexte régional européen
Du point de vue régional européen, on peut noter plusieurs points fondamentaux :
a. Deux des États dotés d’armes nucléaires sont des Nations européennes occidentales (France et Royaume-Uni).
b. Deux autres États dotés ont des armes nucléaires stationnées sur le territoire européen (États-Unis et Russie).
c. Un État non reconnu par le TNP possédant des armes nucléaires se trouve dans une région voisine de l’Europe (Israël).
d. Dans le passé, au moins deux programmes nucléaires militaires secrets ont été répertoriés au Moyen-Orient et donc dans le voisinage de l’Europe (Syrie et Iran).
Figure 1 : Armes nucléaires déployées en Europe et aux alentours (carte de l'auteur)
On peut en conclure que :
1. Les questions liées à la posture nucléaire, sont d’une importance fondamentale pour la sécurité, la liberté d’action et la défense de l’Europe, aujourd’hui comme demain.
2. La structure des conflits, des crises ainsi que la question des capacités et ambitions nucléaires des différents acteurs est propre à l’Europe ; elle nécessite donc une approche spécifique au continent, adaptée à la situation actuelle et à venir, en tout cas l’idée que l’on peut raisonnablement s’en faire aujourd’hui.
3. L’acquisition d’armes nucléaires par d’autres pays européens n’est pas souhaitable du point de vue de la non-prolifération nucléaire et de la multipolarité nucléaire déjà existante.
4. Les positions et analyses des États dotés d’armes nucléaires, européens ou présents en Europe, revêtent une importance particulière.
5. La perception de la crédibilité de la « posture nucléaire », tant par les opposants que par les bénéficiaires potentiels, revêt une importance particulière pour l’efficacité de la dissuasion.
L’Europe et la dissuasion
La France : une dissuasion nucléaire autonome structurante
La Constitution de la Ve République (12) place le Président français, chef de l’exécutif et de l’État, en position de force par rapport au pouvoir législatif (13). Le Président est ainsi le garant de l’indépendance nationale France et de l’intégrité du territoire (14). À cet effet, il est le chef des armées françaises, en particulier des forces nucléaires (15), et dispose de son propre état-major particulier (16) ; il tient ainsi un rôle central dans l’organisation de la défense, en surtout dans celle de la dissuasion.
Depuis le premier président de la Ve République, Charles de Gaulle, les questions importantes de politique étrangère et de sécurité sont placées dans un périmètre strictement présidentiel, celui du « domaine réservé (17) ». Une situation qui a permis notamment au chef de l’État de décider, seul, de quitter le commandement militaire intégré de l’Otan en 1966.
Cette situation se traduit également par le lien singulier qui existe entre la dissuasion, dans le cadre de la défense commune de l’Otan, et la posture nucléaire de la France. Adoptée en juin 1974 par les chefs d’État de l’Otan, la Déclaration d’Ottawa (18) décrit cette posture, ainsi que celle du Royaume-Uni, comme un moyen de dissuasion indépendant qui renforce la dissuasion de l’Otan, ajoutant un risque potentiel de complication pour un agresseur potentiel (19).
Il existe cependant des différences importantes entre les « postures nucléaires » des États-Unis et du Royaume-Uni, participant à la posture élargie de l’Otan, et celle de la France. Ainsi, contrairement à celle de Londres, la contribution de Paris n’est ni coordonnée, ni intégrée dans le cadre de la planification nucléaire de l’Otan (20). La réintégration militaire de la France au sein de l’Otan, intervenue en 2009, reste dès lors inachevée aux yeux de nombreux membres de l’Alliance.
Dans le même temps, il convient de noter que cette particularité, étroitement liée à l’émergence de la Ve République (21), conduit à une vision différenciée entre la France, et les autres États européens de l’Otan, qui ne partagent pas nécessairement la vision française.
Du point de vue de Paris, personne n’est mieux placé que le Président d’un pays membre fondateur de l’Otan, doté d’armes nucléaires, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a démontré sa solidarité envers ses partenaires dans de nombreuses opérations militaires, en y payant le prix du sang, et avec des dépenses militaires proches des 2 % (22) pour souligner le manque de concertation et donc les problèmes politiques de l’Otan (23).
D’autres alliés considèrent, pour leur part, que Paris suit sa voie, comme en témoignent plusieurs singularités françaises. Il en est ainsi de la sortie, puis de la rentrée partielle dans le commandement militaire intégré de l’Alliance, de la posture nucléaire non-intégrée, des réticences concernant les investissements nécessaires à la modernisation de la structure permanente de commandement, des agences, des capacités communes ou encore du financement commun de l’Otan. Ces particularités sont d’autant plus irritantes pour les alliés européens que, depuis la mise en place de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) dans l’Union européenne, des avancées ont souvent été saluées par la France alors que celle-ci exprime des réserves lorsque ces mêmes mécanismes sont développés au sein de l’Otan.
Cette différence de perception entre Paris et ses alliés a des effets concrets, notamment pour ce qui concerne l’acceptation des propositions françaises de renforcement des capacités de défense autonomes, afin de mieux permettre à l’UE d’assurer la sécurité du continent. Les propositions françaises pour l’Europe, vues par le prisme de cette voie particulière de la France, sont souvent perçues, en partie du moins, comme hostiles à l’Otan. Cette perception défavorable ne peut être atténuée que partiellement par des déclarations politiques et une communication stratégique. Les propositions françaises ont donc pour effet mécanique de rapprocher certains alliés européens des États-Unis, qui voient la défense de leurs territoires assurée essentiellement dans le cadre de l’Otan.
Cependant, un effet transactionnel inverse peut également être observé. Des alliés de l’Europe de l’Est, en particulier, participent ces dernières années à des coalitions ad hoc dans la lutte contre le terrorisme en Afrique aux côtés de la France. Ils y voient une contribution à la sécurité européenne et une réponse à la contribution de Paris à la mission de l’Otan « enhanced forward presence » et donc au volet conventionnel de la dissuasion de l’Alliance (24).
En ce qui concerne le nucléaire, la France a mis en place une posture autonome qui suit une approche de stricte suffisance. Un ultime avertissement peut être envisagé pour restaurer la dissuasion. Néanmoins, Paris rejette les modèles d’escalade construits sur des réponses graduées, permettant une guerre nucléaire limitée, ainsi que l’idée de proportionnalité intégrée dans les « postures nucléaires » anglo-américaines. L’utilisation de l’arme nucléaire est donc réservée aux cas les plus extrêmes de légitime défense. Dans le même temps, des dommages inacceptables sont promis à tout adversaire qui affecterait des intérêts vitaux, ces derniers n’étant pas clairement énoncés pour laisser de l’incertitude dans l’esprit d’un éventuel agresseur.
Depuis 2006, et au-delà de ses propres intérêts vitaux, la France donne à sa posture nucléaire une dimension européenne (25) qui n’a fait que croître depuis la création de l’UE (26). Cette appréciation se fonde sur la situation géopolitique commune des Européens (« communauté de destin (27) ») et a récemment été expressément confirmée par le président Macron dans son discours sur la défense et la dissuasion du 7 février 2020 à l’École militaire (28).
La dissuasion élargie de l’Otan : un appendice stratégique ?
La dissuasion nucléaire reste un élément important de la défense de l’Otan. Outre la contribution apportée par la France, elle dépend plus spécifiquement de la posture des deux autres puissances nucléaires reconnues du monde occidental.
Le Royaume-Uni participe activement aux consultations nucléaires de l’Otan et de son groupe de planification nucléaire (NPG) (29). Néanmoins, c’est la posture américaine qui reste décisive pour la dissuasion élargie de l’Otan (30). Celle-ci est conceptuellement très différente de la stricte suffisance de la France, et suit une approche fondée d’abord sur le principe d’escalade. Pour ce faire, la dissuasion américaine repose sur une triade complète de systèmes sous-marins, aériens et terrestres, et s’inscrit dans un continuum des forces conventionnelles et nucléaires. Des systèmes d’armes sont par ailleurs spécifiquement conçus, maintenus et soutenus pour garantir la sécurité et la dissuasion des partenaires et des alliés (31).
Dans ce contexte, des armes nucléaires américaines sont stockées sur le territoire de plusieurs de ses alliés de l’Otan (32) qui mettent leurs bases à la disposition de l’Alliance ; en cas de crise, ces armes seraient déployées par les alliés responsables, dans le cadre de l’Otan et sous le commandement du SACEUR (33). Lors de la signature du TNP, les alliés concernés ont déclaré que ce règlement était compatible avec ce texte (34). Le stockage de ces armes rend tangible sur leur terrain la garantie des États-Unis et démontre aussi l’effet interne propre à l’Otan qui est celui de la réassurance.
La dissuasion de l’Alliance n’est cependant pas exempte de perspectives différentes. Ainsi, les États-Unis soulignent que leur approche anti-forces et que les options de guerre nucléaire limitée servent à assurer la crédibilité et à empêcher l’auto-dissuasion (35). Inversement, du point de vue des pays alliés non dotés, de telles opérations pourraient avoir lieu sur le « Vieux Continent » sans affecter le territoire des États-Unis. Les risques encourus par les Européens seraient donc très importants, sans qu’ils soient en mesure de prendre toutes les décisions nécessaires pour les limiter.
Les consultations nucléaires au sein de l’Otan à propos de la posture de dissuasion élargie sont donc essentielles, en particulier pour les États non dotés, car elles leur permettent de participer à la planification et au processus décisionnel, même si les décisions concrètes sont toujours réservées aux États dotés d’armes nucléaires. Ainsi, dans ce périmètre, l’Otan permet une concertation efficace et transparente entre tous les membres de l’Alliance, sans nuire à l’efficacité de la dissuasion (36) et même en en renforçant la crédibilité et la légitimité, au profit, cette fois, des États dotés.
« Posture nucléaire » en Europe
En Europe, on observe un réseau multicouche de « postures nucléaires », qui impacte la conception d’options stratégiques ; il peut être schématisé à travers le tableau ci-contre :
En France, le fait que les États européens non dotés ne soient pas opposés à la doctrine américaine alors que celle-ci transforme potentiellement en champ de bataille nucléaire ces mêmes pays, est parfois décrit comme un paradoxe. Inversement, on souligne à Paris que la doctrine française des dommages inacceptables, appliquée à ces pays, rendrait impossible un tel hiatus.
Pour les pays non dotés, il s’agit de gérer une problématique géostratégique. De fait, avec les représailles massives, la posture nucléaire de l’Alliance, comprend une phase comparable à celle qui fonde la doctrine des dommages inacceptables. L’éloignement des États-Unis et des effets d’auto-dissuasion étaient une préoccupation pour la crédibilité de la dissuasion étendue. La décision souveraine des États-Unis de choisir une doctrine fondée sur la proportionnalité, la maîtrise de l’escalade et une réponse initialement limitée pour éviter l’auto-dissuasion nécessitait une méthode de gestion pour s’assurer qu’il n’y aurait pas de découplage entre Washington et ses alliés. Après consultation des pays de l’Alliance, installer la triade nucléaire américaine sur le « Vieux Continent » constitua la meilleure solution pour contrebalancer les risques d’auto-dissuasion et de découplage. Dans la perspective des pays non dotés, une agression contre l’Europe ne pouvait impliquer les forces nucléaires des États-Unis, qu’en acceptant le principe d’une réponse graduée.
L’Union européenne n’est pas intégrée en tant que telle dans le tableau n° 1. L’obligation prévue à l’article 42-7 du Traité sur l’Union peut, il est vrai (37), suggérer un rôle plus important pour elle en la matière. Mais un rôle accru dans la défense militaire des territoires de ses pays membres ne semble réaliste qu’à long terme. Ce nouveau rôle institutionnel de l’Union est en effet en contradiction avec à la neutralité de certains de ses États-membres. Un hiatus aggravé par le Brexit, qui prive l’UE d’une partie essentielle de ses capacités militaires conventionnelles et nucléaires. Par ailleurs, le soutien de certains pays européens au TNP s’oppose également, dans un registre conceptuel cette fois, à tout rôle de l’UE en matière de dissuasion nucléaire.
Tableau 1 - Aperçu de la posture nucléaire des États dotés de l'Otan et de l'organisation elle-même
(a) ICBM : Intercontinental Ballistic Missile ; SSBN : Submergible Ship Ballistic Missile Nuclear.
(b) La défense antimissile (Ballistic Missile Defense, BMD) s’inscrit dans la dissuasion américaine dans une logique de dissuader par déni.
(c) Fost : Force océanique stratégique ; SNLE : Sous-marin nucléaire lanceur d’engin ; FAS : Forces aériennes stratégiques ; Fanu : Force aéronavale nucléaire.
(d) Les avions dits à double capacité (Dual Capable Aircraft) peuvent remplir un rôle conventionnel ainsi qu’un rôle de dissuasion.
(e) Le programme SNOWCAT (Support of Nuclear Operations With Conventional Air Tactics) vise à associer les partenaires de Washington au sein de l’Otan à la mise en œuvre de l’armement nucléaire américain.
(f) Kristensen Hans et Korda Matt, « Status of World Nuclear Forces », Federation of American Scientists (https://fas.org/).
De ce qui vient d’être vu concernant la posture française, la position des États non dotés au sein de l’Alliance et les relations entre membres de l’Otan à l’égard de la notion de dissuasion élargie, notamment américaine, on peut tirer les conclusions suivantes :
1. Un rôle institutionnel de l’UE dans le domaine de la dissuasion, domaine pourtant central de la défense de l’Europe, peut être exclu à court ou moyen terme.
2. L’Otan conservera son rôle dominant dans la défense et la dissuasion en Europe à court et moyen termes.
3. En ce qui concerne l’élaboration d’options stratégiques pour une posture nucléaire européenne, une distinction doit être établie entre une perspective à court et à moyen termes, liée au rôle actuel des institutions existantes, et une perspective à plus long terme.
4. Ni les États-Unis, ni la France, ni le Royaume-Uni ne renonceront à la totale maîtrise de leurs armes nucléaires.
5. En ce qui concerne le développement d’options stratégiques pour une dissuasion nucléaire au profit de l’Europe, les « postures » nationales des puissances nucléaires européennes doivent être examinées en premier lieu.
6. La France suit une voie particulière en Europe concernant sa posture nucléaire, en termes d’autonomie stratégique.
7. Pour évaluer la contribution de Paris aux options stratégiques de dissuasion européenne, l’analyse de la perception de l’action française en matière de défense de l’Alliance, et donc au profit de la défense des alliés et partenaires européens, est pertinente.
8. Le processus de consultations nucléaires avec les États non dotés dans le cadre de l’Alliance est essentiel pour la définition d’options stratégiques efficaces en matière de dissuasion.
Options stratégiques pour une dissuasion européenne élargie
Options orthodoxes
Dans son récent discours sur la défense et la dissuasion, le président Macron a souligné la dimension européenne des intérêts vitaux français (38) et a ainsi clarifié le rôle européen de la dissuasion de la France, à la différence de ses prédécesseurs. En outre, il a invité les pays européens intéressés à participer à un dialogue stratégique pour explorer le rôle de la posture nucléaire française dans la défense collective (39). Son offre est complétée par la proposition d’exercices communs (40). Le Président reprend ainsi des éléments de la dissuasion élargie de l’Otan (41).
Ces orientations pour la posture nucléaire française s’inscrivent, du moins d’un point de vue extérieur, dans le courant dominant en France en matière de politique de sécurité et de défense (42). Du point de vue de Paris, cette offre renouvelée, sans être inédite (43), peut rencontrer un changement potentiel d’intérêt des partenaires européens (44).
Concernant l’extension de la garantie nucléaire nationale au reste de l’Europe, deux options stratégiques possibles semblent émerger au sein de la communauté stratégique française, en fonction du contexte :
1. Dans le contexte stratégique actuel, la France peut à court et moyen termes :
a. offrir une protection supplémentaire aux pays européens de l’Otan ;
b. offrir une dissuasion élargie aux pays européens non-membres de l’Otan par le biais d’une déclaration correspondante (45).
2. Si le contexte stratégique change à cause des ajustements des États-Unis concernant leur propre posture nucléaire (46), ou de la décision unilatérale d’un membre de l’Otan (47) de quitter la dissuasion élargie et – en particulier – les précédents accords de partage nucléaire, la France serait dans une position unique avec sa « posture nucléaire », permettant ainsi de construire une dissuasion européenne élargie, certes à plus petite échelle, mais avec une plus grande crédibilité géopolitique.
La France peut à long terme :
a. offrir une dissuasion élargie aux pays européens par le biais d’une déclaration correspondante (48) ;
b. construire, avec des éléments SNOWCAT, DCA et des déploiements, une posture nucléaire participative qui ressemble à celle établie au sein de l’Otan aujourd’hui ;
c. mettre en place une flottille européenne commune dotée d’appareils de type DCA sur le porte-avions français de prochaine génération, avec des mécanismes communs de concertation, de consultation et de planification pour une coopération renforcée (49).
Le récent discours du président Macron est ainsi fondé sur l’idée d’une dissuasion élargie aux pays européens non-membres de l’Otan par le biais d’une déclaration et avec probablement un intérêt marqué pour une évolution vers les options de long terme. En effet, du point de vue français, les axes de développement de la sécurité européenne (50) se dirigent vers cette deuxième option, afin que la patience stratégique et le cadre géopolitique conduisent à terme à une autonomie stratégique européenne, avec un rôle prépondérant de la France en tant que garant nucléaire prêt à consulter ses partenaires.
Le rôle du Royaume-Uni doit également être considéré comme possible puisque la future posture nucléaire serait, dans ce raisonnement, toujours stricto sensu en dehors du cadre institutionnel de l’UE (51).
À cet égard, les options stratégiques envisagées sont symptomatiques des dernières politiques de sécurité et de défense dominantes en France, qui s’appuient davantage sur des approches bilatérales et multilatérales que sur des institutions.
Les options présentées sont cohérentes par rapport aux ambitions nationales et au rôle de puissance nucléaire. Cependant, ces options ne tiennent pas compte des perspectives développées par les partenaires européens.
Option disruptive
Si l’on prend en compte les perspectives et attitudes des partenaires européens, notamment des États non dotés de l’arme nucléaire, l’option 1.b., et donc l’offre de dialogue stratégique et d’exercices avec les forces nucléaires françaises, apparaissent moins attractives :
En effet, pour de nombreux pays européens, en particulier les plus petits, les institutions dans lesquelles les Nations sont de taille égale, quel que soit leur poids économique, militaire ou démographique, sont fondamentales pour des raisons de prestige, de souveraineté nationale, mais aussi des intérêts propres à chaque pays. Ces institutions collectives ne sont ainsi pas considérées par ces (petits) pays comme une entrave à leur souveraineté, mais plutôt comme un levier permettant de la renforcer et donc un élément bénéfique. Ainsi, dans le domaine de la défense, l’Otan est directement utile à la formulation conjointe de politiques de défense et à la coordination de la planification et de la programmation des forces armées alliés. L’UE, pour sa part, présente d’indéniables atouts sur le plan économique, mais aussi en matière de coopération capacitaire ou de développement. Cela offre à l’UE un avantage comparatif non négligeable pour jouer un rôle plus important en matière de sécurité, notamment en dehors de la défense.
Néanmoins, dans le domaine nucléaire, pour 29 des 30 pays de l’Otan (52), pour 11 des 13 participants à l’Initiative européenne d’intervention (IEI), pour 19 des 25 participants à la coopération structurée permanente de l’UE et donc pour 27 des 33 pays européens, le groupe de planification nucléaire (NPG) de l’Otan est le forum essentiel pour discuter d’une « posture nucléaire » européenne. De ce fait, pour la majorité des Nations décrites, un dialogue stratégique sur les questions nucléaires avec la France, par définition en dehors du cadre NPG, reste toujours un cas particulier et risque d’être interprété comme dirigé contre l’Otan. Les pays européens en dehors de l’Alliance constituent les partenaires potentiels d’un tel dialogue et se divisent en deux camps : ceux qui préconisent une interdiction internationale des armes nucléaires (53) et ceux qui ont rejoint le programme de partenariat pour la paix de l’Otan (54).
Le président Macron a exclu le retour complet de la France à la dissuasion de l’Otan et donc au groupe de planification nucléaire. Une telle démarche innovante serait réservée à une future législature ou à un autre président. Il est possible que des préoccupations concernant la sécurité des opérations de la dissuasion ainsi que des contraintes de souveraineté nationale aient contribué à cette décision conservatrice du président Macron.
Du point de vue hexagonal, ces préoccupations sont compréhensibles et font partie de l’ADN politique de la France. D’un point de vue extérieur, cependant, ces inquiétudes semblent largement exagérées. Comment les États-Unis ou le Royaume-Uni pourraient-ils accepter des restrictions ou des risques que la France ne pourrait pas accepter ? Le blocage semble surtout résider dans la division de la communauté stratégique nationale quant aux gains à attendre de l’entrée de la France au sein du NPG.
Figure 2 : Les ensembles stratégiques des 33 Nations européennes (Schéma de l'auteur)
Néanmoins, cette approche disruptive (55) qui conduirait à ce que la France achève son retour dans le commandement intégré de l’Alliance, serait finalement avantageuse pour une posture nucléaire crédible en premier lieu parce qu’elle serait acceptée par tous les pays à protéger dans le cadre d’une dissuasion européenne élargie. Ainsi, Paris mettrait fin à la suspicion concernant sa position au sein de l’Otan, sans dommage pour sa souveraineté, en particulier sur ses forces nucléaires. Cette pleine intégration améliorerait l’acceptation des initiatives françaises par davantage de partenaires, avec une position politique plus institutionnelle. Les réserves françaises quant au renforcement de la structure de commandement et des agences de l’Otan, mais aussi, inversement, l’attention portée à la Méditerranée, apparaîtraient ainsi sous un prisme différent. Les Nations, qui agissent davantage selon des logiques transactionnelles, seraient plus enclines à s’engager dans des interventions sous leadership français (56), et donc aussi dans un cadre européen, ou à continuer à soutenir de telles opérations (57).
Cette position semble d’autant plus acceptable que la France mène déjà un dialogue nucléaire étroit bilatéral avec le Royaume-Uni sur les questions techniques. La décision d’engager des consultations dans le cadre des travaux du NPG et d’élargir progressivement la contribution française pour y inclure les exercices proposés par le Président, ainsi que d’autres aspects opérationnels et de planification, serait ainsi un débouché naturel. D’autant que ces avancées seraient toujours sous contrôle de la France, qui assurerait en toute liberté leur mise en œuvre, et n’auraient aucun impact sur ses planifications nationales, qui coexisteraient avec les travaux au sein de l’Alliance. Par exemple, il serait envisageable de commencer à utiliser les mécanismes établis dans le domaine de la prévention des collisions de SNLE (58) ou de coordonner la planification d’objectifs pour les options de déploiement de l’Otan. Cela pourrait se faire sans restreindre l’autonomie et la liberté d’action du Président français et donc limiter la souveraineté nationale. La portée et la structure de sa posture nucléaire feraient alors de la France l’allié européen le plus important, qui aurait droit à une représentation correspondante dans la structure de commandement de l’Otan. Dans le même temps, la France pourrait ainsi apprécier la valeur élevée des consultations sur les questions de dissuasion dans le cadre du NPG pour les États non dotés, mais potentiellement affectés par les options nucléaires des États dotés représentés dans l’Alliance.
Ce signe de bonne volonté, plus d’une décennie après les premiers pas vers la réintégration militaire dans l’Otan, rendrait également plus probable une transition vers les options de long terme envisagées précédemment. Cette nouvelle donne réduirait le risque d’une division encore plus profonde de l’Europe, après un changement de contexte stratégique. En dehors de ce cadre connu et éprouvé des consultations nucléaires, les potentiels bénéficiaires européens de la dissuasion élargie souhaiteront probablement conserver leur lien bilatéral avec les États-Unis pour leur dissuasion et leur défense, considérant cette solution comme plus avantageuse. L’autonomie stratégique souhaitée, essentielle pour l’avenir de l’Europe, y compris dans le domaine de la dissuasion nucléaire, resterait donc inachevée ou incomplète.
* * *
Une dissuasion nucléaire européenne plus autonome doit donc être mise en œuvre à long terme. Dans cette perspective, la France tient un rôle essentiel, puisqu’elle est l’une des deux puissances nucléaires du « Vieux Continent ». Elle dispose, dans le contexte stratégique existant, à court ou moyen terme, d’une option nationale orthodoxe et d’une option disruptive pour œuvrer au développement d’une dissuasion européenne dans le cadre d’une défense européenne, la dernière option avec des avantages distincts et une probabilité de réussite élevée. Une partie de ses atouts est entre ses mains et dépend des décisions qu’elle souhaitera prendre. Le reste dépend de ses alliés qu’il lui faut maintenant convaincre dans leur diversité.
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Vial Philippe, « La genèse du poste de chef d’état-major des armées : entre nécessité et inquiétude, de la veille de la Première Guerre mondiale à la fin de la guerre d’Indochine », Revue historique des armées, n° 248, 2007, p. 29-41 (https://journals.openedition.org/rha/1573).
Zentrum für Militärgeschichte und Sozialwissenschaften der Bundeswehr (Hrsg.): Sicherheits- und verteidigungspolitisches Meinungsbild in der Bundesrepublik Deutschland. Ergebnisse und Analysen der Bevölkerungsbefragung 2019, Forschungsbericht 122, décembre 2019 (www.zmsbw.de/).
(1) Le terme de « posture nucléaire » est utilisé ici pour l’ensemble des questions relatives à l’efficacité et aux modalités de la dissuasion, en particulier, son cœur nucléaire ; il inclut les composants, les concepts, les doctrines et les procédures liés à la dissuasion.
(2) La Fédération de Russie se considère comme l’État successeur de l’URSS, en particulier sur le plan juridique.
(3) L’Ukraine, ainsi que le Kazakhstan et la Biélorussie, en tant que nouveaux États sur le territoire de l’ex-URSS, en dehors de la Fédération de Russie, ont renoncé à la possession d’armes nucléaires contre les garanties de sécurité énoncées dans le Mémorandum de Budapest signé le 5 décembre 1994. Cf. Kappeler Andreas, Kleine Geschichte der Ukraine, München, 2009, p. 179.
(4) Vandier Pierre, La dissuasion au troisième âge nucléaire, Éditions du Rocher, 2018, 108 pages.
(5) Podcast Sicherheitshalber, épisode #21 Dissuasion en Baltique (https://soundcloud.com/).
(6) Herz Christoph Wolfgang, Strategische Auswirkungen taktischer Nuklearwaffen, Helmut-Schmidt-Universität, Hamburg, 2018, 108 pages et Sutherland Charles, The Universal Formula for Successful Deterrence, 2007.
(7) Vandier Pierre, op. cit.
(8) Rudolf Peter (Dr, Stiftung Wissenschaft und Politik), « Neues Nachdenken über nukleare Abschreckung nötig ». [Une nouvelle réflexion sur la dissuasion nucléaire est nécessaire], Kompass [Revue des aumôniers militaires catholiques], mars 2018, p. 12 (www.katholische-militaerseelsorge.de/).
(9) Enders Thomas, « Wir müssen über Nuklearwaffen reden » [Nous devons parler d’armes nucléaires], Die Zeit, 4 mars 2020 : « Cependant, la création d’une Union européenne de défense puissante, sans soutien nucléaire, est absolument inconcevable. Dans le même temps, il serait totalement irréaliste de suggérer que Bruxelles elle-même construise une force nucléaire européenne. C’est pourquoi l’offre de dialogue du président Macron arrive au bon moment. Après le retrait des Britanniques de l’UE, seule la force de frappe française peut être envisagée pour développer une option nucléaire européenne. J’ose même l’hypothèse que la promesse de la France d’une protection nucléaire aujourd’hui serait plus crédible pour l’Allemagne que celle des Américains. Cela a peut-être été différent dans les années 1980. Aujourd’hui, les deux voisins sont si étroitement liés politiquement et économiquement via une UE profondément intégrée que les intérêts de sécurité communs sont évidents. »
(10) Backfisch Michael, « [Wolfgang] Ischinger sieht bei Bundeswehr “krassen Nachholbedarf” » [Ischinger voit “un grand besoin de rattraper son retard” à la Bundeswehr], Berliner Morgenpost, 9 février 2019 : « Mais à moyen terme, la question d’une européanisation du potentiel nucléaire français est une idée tout à fait correcte. La question est de savoir si, et comment, la France pourrait mettre stratégiquement sa capacité nucléaire à la disposition de l’ensemble de l’UE. Plus précisément, les options de déploiement nucléaire de la France devraient couvrir non seulement son propre territoire, mais aussi celui de ses partenaires de l’UE. En contrepartie, il faudrait préciser quelles contributions les partenaires européens devraient apporter en termes de partage équitable de la charge. Cependant, l’utilisation éventuelle d’armes nucléaires ne peut finalement pas être décidée par un comité de l’UE. La décision reviendrait au Président français. Nous devons accepter cela ! »
(11) Fondation Körber (dir.), The Berlin Pulse—German Foreign Policy in Perspective, 2019, 64 pages. Même en Allemagne, avec une population sceptique vis-à-vis des interventions militaires en raison du rôle et de l’expérience de la Seconde Guerre mondiale, seule une minorité (31 %) est favorable à l’abandon de la dissuasion nucléaire, avec une majorité favorable à un futur élargissement de la dissuasion française par rapport à la dissuasion américaine élargie disponible aujourd’hui (www.koerber-stiftung.de/).
(12) Pletsch Alfred, Länderkunde Frankreich (2e édition), WBG, 2003, p. 330.
(13) Zürn Peter, Die republikanische Monarchie. Zur Struktur der Verfassung der V. Republik in Frankreich, Verlag C.H. Beck, München, 1965, 347 pages ; Duverger Maurice, La Monarchie républicaine – ou comment les démocraties se donnent des rois, Robert Laffont, 1974, 284 pages.
(14) Titre II, Art. 5 de la Constitution de 1958. Les constantes qui en résultent pour la politique étrangère, de sécurité et de défense française de la Ve République, telles que l’autonomie stratégique et la souveraineté nationale, sont donc constitutives.
(15) Titre II, Art. 15 de la Constitution de 1958.
(16) L’état-major particulier du président de la République française (EMP) est un état-major à l’interface entre le Président et les armées, et assure, outre une fonction consultative indépendante du Président, la permanence du commandement par le Président. Vial Philippe, « La genèse du poste de chef d’état-major des armées : entre nécessité et inquiétude, de la veille de la Première Guerre mondiale à la fin de la guerre d’Indochine », Revue historique des armées, n° 248, 2007, p. 29-41 (https://journals.openedition.org/rha/1573).
(17) Bundeszentrale für Politische Bildung [Agence fédérale pour l’éducation civique], « Charakteristika des politischen Systems » [Caractéristiques du système politique français], 10 mars 2005 (www.bpb.de/).
(18) « Cette Déclaration a été approuvée par le Conseil de l’Atlantique Nord à Ottawa, le 19 juin 1974, et signée par les Chefs de gouvernement de l’Otan à Bruxelles, le 26 juin 1974. (…) 6. (…) Les pays européens, qui fournissent les trois quarts du potentiel classique de l’Alliance en Europe, et dont deux disposent de forces nucléaires en mesure de jouer un rôle dissuasif propre contribuant au renforcement global de la dissuasion de l’Alliance, s’engagent à apporter la contribution nécessaire au maintien de la défense commune à un niveau capable de dissuader et, au besoin, de repousser toute entreprise dirigée contre l’indépendance et l’intégrité territoriale des membres de l’Alliance. » (www.nato.int/).
(19) Tertrais Bruno, « The European Dimension of Nuclear Deterrence—French and British Policies, and Future Scenarios », Finnish Institute of International Affairs Working Paper n° 106, novembre 2018 (www.fiia.fi/).
(20) Ibid.
(21) Ibid, p. 5 : « An important aspect of the French deterrent is its tight connection to the very nature of the political regime: the independent nuclear programme is intrinsically linked to the Fifth Republic ».
(22) En 2019, la France a consacré 1,84 % de son PIB aux dépenses militaires (source : ministère des Armées : Plans, Programmation, Évaluation 2020).
(23) Macron Emmanuel, « What we are currently experiencing is the brain death of NATO », The Economist, 07 novembre 2019.
(24) L’Estonie participe à l’opération Barkhane.
(25) Charles de Gaulle a souligné en privé que les armes nucléaires françaises protégeraient également les voisins de la France, en particulier l’Allemagne. Peyrefitte Alain, C’était de Gaulle, Gallimard, 2002, p. 653.
(26) Tertrais Bruno, op. cit.
(27) Chirac Jaques, « Discours à l’École militaire (23 février 1996) » : « Le choix… doit en particulier répondre à notre ambition de construire une défense européenne crédible, capable de devenir à la fois le bras armé de l’Union européenne… ». (www.elysee.fr/).
(28) Macron Emmanuel, « Discours du président de la République sur la stratégie de défense et de dissuasion devant les stagiaires de la 27e promotion de l’École de Guerre », 7 février 2020 : « Par ailleurs, nos forces nucléaires jouent un rôle dissuasif propre, notamment en Europe. (…) Sur ce point, notre indépendance de décision est pleinement compatible avec une solidarité inébranlable à l’égard de nos partenaires. (…) Soyons clairs : les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne. » (www.elysee.fr/).
(29) Tertrais Bruno, op. cit., p. 5.
(30) « Otan : Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a souligné l’importance de la dissuasion nucléaire en tant que “garantie ultime de sécurité” pour les alliés… L’objectif de l’Otan est un monde sans armes nucléaires », a déclaré Stoltenberg. Mais : « Nous ne pensons pas qu’un monde dans lequel nous – l’Otan – nous débarrasserons de toutes les armes nucléaires, alors que des pays comme la Chine, la Russie, la Corée du Nord garderont les leurs, est un monde plus sûr… Tant qu’il y aura des armes nucléaires, l’Otan restera une alliance nucléaire. » Cf. « Nato: Nukleare Teilhabe ist “ultimative Sicherheitsgarantie” », Neue Zürcher Zeitung, 28 avril 2020 (www.nzz.ch/).
(31) « Les États-Unis ont modernisé leurs armes nucléaires stationnées en Allemagne (…) L’opération secrète avait déjà eu lieu à l’automne 2019 (…) L’US Air Force a fait voler les quelque 20 armes nucléaires B61 de la base aérienne de Büchel en Rhénanie-Palatinat aux États-Unis, pendant deux jours, dans un avion de transport militaire. Un nouveau logiciel pour le système d’armes y a été installé. » Cf. « “Spiegel”: USA haben Atomwaffen in Deutschland modernisiert », Süddeutsche Zeitung, 10 avril 2020 (www.sueddeutsche.de/).
(32) Belgique, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Turquie.
(33) Le SACEUR est toujours le commandant en chef des forces armées américaines en Europe, le DSACEUR est, lui, toujours issu du Royaume-Uni.
(34) Voir par exemple le procès-verbal de la RFA à l’occasion de la signature du contrat.
(35) L’effet de ne pas oser utiliser l’arme nucléaire est décrit par le terme « self-deterrence » (auto-dissuasion), qui pourrait mener à un découplage au sein de l’Alliance.
(36) Podcast Sicherheitshalber, épisode #21, op. cit.
(37) « Art 42/7. Au cas où un État-membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États-membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États-membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. » (Traité sur l’Union européenne, TUE).
(38) Macron Emmanuel, discours du 7 février 2020, op. cit. p. 30.
(39) Ibid. : « Dans cet esprit, je souhaite que se développe un dialogue stratégique avec nos partenaires européens qui y sont prêts sur le rôle de la dissuasion nucléaire française dans notre sécurité collective.… Ce dialogue stratégique et ces échanges participeront naturellement au développement d’une véritable culture stratégique entre Européens. »
(40) Ibid. « Les partenaires européens qui souhaitent s’engager sur cette voie pourront être associés aux exercices des forces françaises de dissuasion. »
(41) Voir aussi le tableau n° 1.
(42) Podcast Sicherheitshalber, épisode #23 : « Ein europäischer Nuklearschirm? » [Un parapluie nucléaire européen ?] (https://soundcloud.com/).
(43) « La problématique d’une doctrine nucléaire européenne est appelée à devenir une des questions majeures de la construction d’une défense européenne commune. L’acuité du sujet s’affirmera à mesure que l’Union Européenne réalisera son identité politique en même temps que son identité de sécurité et de défense. Une telle perspective demeure éloignée, mais ne doit pas être perdue de vue. Avec le nucléaire, en effet, l’autonomie de l’Europe en matière de défense est possible. Sans lui, elle est exclue. » Livre blanc sur la défense, 1994, p. 56 (www.livreblancdefenseetsecurite.gouv.fr/).
(44) Tertrais Bruno, op. cit., p. 11 : « For the first time in more than twenty years, a serious debate on the role of nuclear weapons in European security is emerging due to the changes in the strategic and politicards context on the continent and the transatlantic stage. »
(45) Ibid., p. 9 : « In the existing context, Paris can provide (i) complementary insurance for European NATO members, and (ii) nuclear reassurance for non-NATO EU members. »
(46) À l’heure actuelle, au regard de la revue nucléaire américaine de 2018, une adaptation unilatérale semble improbable. Si le président Trump se succède à lui-même fin 2020, une nouvelle revue stratégique ne sera pas nécessaire.
(47) La Turquie (contexte régional) et l’Allemagne (blocus politique interne pour trouver un successeur d’avion de combat capable de porter des armes nucléaires) sont mentionnées. Tertrais Bruno, op. cit.
(48) Ibid, p. 9 : « Another way of putting it would be to make it clear that Article 42.7 of the Lisbon Treaty—the mutual defence clause of the EU—could be exercised by any means, thus including nuclear weapons. This would not be an “extended” deterrent in the traditional sense of the term. From the French standpoint, one cannot compare the protection conferred by a distant superpower to the recognition of a de facto reality: the idea is that “dying for Helsinki” is a more credible deterrence proposition for a European nuclear power than “dying for Hamburg” for the United States. This could possibly be supplemented by rotations of Rafale fighter-bombers (without their nuclear missiles) of the French Forces Aériennes Stratégiques (FAS) to allied bases, including on the territory of the most eastern countries of the Alliance in order to demonstrate its solidarity. »
(49) Tertrais Bruno, op. cit., p. 10 : « a European nuclear maritime task force, with accompanying European ships and, possibly, a European nuclear squadron based on it (…) would need to be accompanied, as is the case today in the NATO context, by an agreement on the conditions for their use. This would include legal and security arrangements (host nation support, etc.) but also, possibly, a common nuclear planning mechanism, based on a common conception of nuclear deployment, which could coexist with national ones. »
(50) Les États-Unis se détournent de l’Europe dans le contexte de la montée en puissance de la Chine. Paralysie institutionnelle et affaiblissement du multilatéralisme. Croissance démographique en France. Liberté d’action actuelle de la France grâce à la dissuasion nucléaire autonome. Grands projets européens d’armement en termes de politique industrielle.
(51) Tertrais Bruno, op. cit., p. 10 : « In the context of Brexit, London is eager to bolster its European security credentials… it is conceivable that the United Kingdom could be part of such [nuclear] arrangements one way or another ».
(52) Tous, sauf la France.
(53) L’Autriche, l’Irlande et la Finlande soutiennent le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (https://undocs.org/).
(54) La Finlande et Malte.
(55) Tertrais Bruno, op. cit., p. 9 : « Paris is unlikely to join the NPG or assign part of the airborne component to the Atlantic Alliance. While there could be merit in doing so, French absence from the NPG and NATO nuclear arrangements is part of the country’s “strategic DNA”, mostly for political and symbolic reasons ».
(56) Selon le modèle de la participation de l’Estonie à l’opération Barkhane.
(57) Des efforts politiques français importants ont récemment été nécessaires afin de préserver le soutien américain en matière de renseignement pour les opérations françaises au Sahel.
(58) Les HMS Vanguard et Triomphant sont entrés en collision dans l’océan Atlantique dans la nuit du 3 au 4 février 2009 et ont provoqué des dégâts matériels.