Introduction à la méthode
« La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques » proclama Robert Schuman le 9 mai 1950, dans la déclaration qu’il fit au salon de l’Horloge, dans les locaux du ministère des Affaires étrangères (1). On sait que l’Europe de la paix s’est construite par l’intermédiaire des relations économiques, sociales, culturelles et même plus récemment environnementales. Dans ce maillage diplomatique, la défense est parfois mise à l’écart, comme si les « Grandes Muettes » des États européens étaient vouées, dans le cheminement de la construction européenne, à demeurer nimbées d’un relatif silence. Le développement de réflexions et d’actions communes relatives à la défense de l’Europe, qu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’Otan, de l’Union européenne, ou d’accords multilatéraux se trouve toutefois au cœur des débats électoraux de mai 2019 : une Europe plus approfondie ne pourrait faire l’économie de structures de défense fortes ; à rebours, si l’Europe choisissait d’en rester aux structures qui la composent actuellement, elle ne pourrait pas pour autant cesser de réfléchir aux instances qui la protègent.
Ces questions, peu connues du grand public, méritent cependant d’être étudiées en détail et ce, en dépit de leur complexité. Nous avons donc pris la suite de nos prédécesseurs qui avaient examiné les questions de défense dans les programmes des élections présidentielles de 2017, puis un an après, de l’application des mesures préconisées par le candidat, devenu président, Emmanuel Macron. Notre professeur M. Tristan Lecoq nous a proposé d’étudier les questions européennes de défense pour dépassionner les débats avant les élections européennes à venir. Une première partie visait à démêler l’écheveau complexe des institutions, des structures militaires et des hommes qui participent à la défense de l’Europe : il s’agissait de dresser un état des lieux de ces questions, à la fois sur le plan de l’Alliance atlantique, des coopérations interétatiques et de l’UE. Pour ce premier chantier, nous avons bénéficié d’une littérature abondante sur le sujet, qu’elle provienne des institutions elles-mêmes ou de spécialistes des enjeux de défense.
Un tel état des lieux invitait à dresser des perspectives pour l’avenir ; c’est l’objet de la seconde partie, qui vise notamment à qualifier les discours et les positions possibles avant l’échéance électorale, non sans tenir compte de l’environnement politique et stratégique européen. Si nous avions au départ l’ambition d’étudier les différents programmes de manière minutieuse, nous avons dû nous orienter vers d’autres sources. Ces questions de défense à l’échelle de l’Europe ne sont en effet que peu développées par les différents partis européens et ce sont d’autres priorités telles que la gestion des frontières et des migrations qui ont pris une place centrale dans les débats. Par ailleurs, au moment où nous terminons ce cahier, tous les programmes ne sont pas encore parus. Nous avons donc décidé de nous tourner du côté des différentes fondations européennes (Schuman, Jean Jaurès, Institut Montaigne…) et de la Presse pour compléter la littérature émanant des différents partis. À ces sources sont venus s’ajouter les documents produits par les institutions elles-mêmes ; l’Otan a, par exemple, développé de nombreuses réflexions sur les défis qu’elle aura à affronter dans les années à venir.
* * *
Comme les années précédentes, nous avons procédé par groupes de travail, chaque groupe étant coordonné par un rapporteur afin de faciliter la communication et l’harmonisation entre les travaux ; tout cela dans le but de créer un résultat le plus cohérent possible. Ce travail s’effectuant dans le cadre du séminaire « La France et sa défense à l’époque contemporaine : histoire, actualité, enjeux », proposé dans le cadre du partenariat entre les masters « Armée, guerre et sécurité » (Sorbonne Université, ex-Paris IV), « Dynamique des systèmes internationaux » (Sorbonne Université) et « Relations internationales » (Paris II-Sorbonne Université) ; les groupes mêlant les étudiants des deux universités. Ils se sont réparti les sujets de la manière suivante :
Chantier 1 - État des Lieux :
1. Défense de l’Europe - De la pertinence du maintien de l’Otan dans un monde post-guerre froide
Marie Blain, Elena Diez-Mautuit (rapporteur), Délia Hammar, Kilian Huguet, Marie-Alix Lanternier, Ewa Maréchal, Clément Plouviez, Kevin Rousseau et Max Seeler
2. Défense européenne - Le rôle structurant des coopérations inter-étatiques
Marcel Chillaud, Julien Dupré, Léa Lely, Océane Lemasle, Benjamin Albert Moraga (rapporteur) et Lila Tilson
3. Europe de la Défense - Une élaboration complexe et incertaine
Alix Barbellion, Marie Basso, Simon Cartayrade, David Compagnone, Elsa Draï (rapporteur), Bruno Henniart, Estelle Legay, Guillaume Micheau et Victor Xiberas
Chantier 2 – Perspectives
1. Défense de l’Europe - Un défi toujours d’actualité mais aux enjeux renouvelés
Baptistine Airiau, Léo Danaus, Jean Fonlladosa, Alexandre Gosselin, Laura Grisvard, Stanislas Henry, Seydou Keita, Arno Porcier et Margaux Raggi (rapporteur).
2. Défense européenne - Un futur entre partage et autonomie
Ilan Garcia, Nicolas Guillaume, Orlane Moreau, Joffrey Rogel, Matthieu Ugolini (rapporteur) et Niccolo Ventura
3. Europe de la Défense - Un avenir sujet aux débats politiques
Alexandre Coucaud, Thomas Dailliez, Enguerrand Ducourtil, Antoine Duteil, Gabin Miguel, Benoît Pouzoulet, Maximilien Roquette (rapporteur), Margaux Sciandra et Leopold Signorino
Une telle organisation des groupes a nécessité un grand travail d’harmonisation afin que les textes ne se recoupent pas. Il n’a en effet pas toujours été évident de savoir où poser la limite entre état des lieux et perspective.
* * *
Nous tenons à remercier la Revue Défense Nationale et plus particulièrement son rédacteur en chef, le général Jérôme Pellistrandi, ainsi que son secrétaire de rédaction, Jérôme Dollé, qui, cette année encore, nous ont témoigné leur confiance. C’est ce soutien et cette confiance qui nous permettent de voir la concrétisation de ce projet que nous portons depuis le début de l’année et d’ainsi perpétuer la démarche entreprise par nos prédécesseurs. Nous souhaitons également remercier le professeur Olivier Forcade pour son implication constante dans la publication de ce Cahier dont il rédige la conclusion.
Nous nous devons également de souligner le soutien actif des membres du groupe de réflexion Nemrod ECDS, dont la connaissance de ces sujets est plus étendue que la nôtre, et notamment de François Gaüzere-Mazauric qui a pris une part de taille à la relecture de l’ensemble des textes. Il a par ailleurs accepté de rédiger la préface conjointement avec M. Tristan Lecoq. Qu’il en soit vivement remercié.
Ce Cahier n’aurait enfin pu voir le jour sans notre professeur, M. Tristan Lecoq, qui, le premier, a eu l’idée d’une telle étude. Il nous a guidés tout au long de notre travail, nous donnant conseils et orientations tout en nous témoignant une grande confiance. Son investissement et son soutien indéfectible nous ont permis de mener à bien ce projet avec toute la rigueur qui lui est chère. Nous lui adressons donc tous nos remerciements. Sans lui, nous n’aurions eu la chance d’effectuer un travail semblable nous permettant de mettre en application de manière très concrète ce que nous étudions dans nos masters respectifs, dans le cadre exigeant de la RDN. Les élèves que nous sommes savent ce qu’ils doivent à l’attention constante de leur professeur.
(1) Schuman Robert, Déclaration du 9 mai 1950, Quai d’Orsay (www.robert-schuman.eu/fr/declaration-du-9-mai-1950).