Union française - Le redressement de la situation militaire en Algérie : les réformes politiques - La situation intérieure au Maroc : la convention diplomatique - Le gouvernement tunisien décide de nommer des ambassadeurs - L'autonomie des Centrales syndicales africaines - Nouvelles du Vietnam et du Cambodge
Afrique du Nord
Algérie
Le renforcement des effectifs par l’envoi des disponibles en Algérie et la reconversion tactique permettent désormais aux troupes françaises de marquer un net avantage chaque fois qu’elles réussissent à accrocher les bandes rebelles. Sentant sa position de plus en plus critique sur le plan des opérations militaires, la rébellion accentue son action terroriste dans le but d’effrayer les colons français et dans l’espoir de provoquer un contre-terrorisme qui rendrait impossible une réconciliation des deux éléments de la population. Le 7 mai 1956, 40 fermes ont été attaquées entre Oran et la frontière marocaine et 20 Européens ont été assassinés ; le 26 mai, 12 Européens ont été égorgés à Oumache, au sud de Biskra. L’énergie du ministre-résidant, M. Robert Lacoste, et la confiance qu’il a fait renaître parmi la population européenne ont évité les réactions dangereuses d’une colère légitime.
Le gouvernement français a décidé, le 9 mai, le rappel du contingent 1952-2 qui doit fournir 50 000 hommes environ. En divers points de la France, le départ des disponibles a provoqué de graves incidents : à Grenoble, en particulier, cinq personnes ont été blessées le 19 mai. La pression extrémiste qui s’exerce ainsi contre le renforcement des moyens militaires en Algérie semble répondre aux inquiétudes des rebelles devant les échecs qu’ils subissent.
Sur le plan interne également la rébellion a été durement touchée par une série d’arrestations opérées à Alger et à Oran le 26 mai 1956 au sein des organisations du Front de libération nationale (FLN). D’autre part, une vaste opération policière de contrôle effectuée dans la Casbah d’Alger le 29 mai, a permis l’arrestation de 524 suspects, la saisie d’importants stocks d’armes et de munitions, et a fortement impressionné la population musulmane de la ville.
D’importantes décisions gouvernementales ont permis de compléter la réforme agraire, de décider l’expulsion de Français « nuisibles à l’ordre public », et d’interdire à M. Irwing Brown, leader syndicaliste américain de la Confédération internationale des syndicats libres, de pénétrer en Algérie. Le secrétaire d’État à l’Intérieur, M. Champeix, a présenté, le 24 mai 1956, au Gouvernement un projet de découpage de l’Algérie en douze départements. De son côté, M. Robert Lacoste a fait connaître ses vues sur les réformes politiques qu’il envisage : dans l’immédiat, il préconise en particulier de procéder aux élections municipales dans les zones qui seront progressivement pacifiées ; à plus longue échéance, son plan appelle l’institution d’un gouvernement provincial, à l’exemple de la Sicile.
Sur le plan international, deux initiatives ont été remarquées : l’appel de M. Nehru, Premier ministre de l’Inde, le 22 mai 1956, en faveur d’un règlement pacifique de la question algérienne et le voyage effectué à Belgrade par un des dirigeants du FLN, M. Bouhafa, en vue de solliciter l’intervention médiatrice du maréchal Tito. Ni l’une ni l’autre de ces propositions ne semblent devoir être relevées actuellement par le gouvernement français.
Maroc
La situation intérieure du Maroc préoccupe sérieusement le haut-commissaire [NDLR 2023 : André-Louis Dubois] et le gouvernement français : l’anarchie semble en effet s’installer dans certaines zones marocaines et les pouvoirs du Sultan paraissent tenus en échec par des éléments organisés qui imposent leur volonté. Au début du mois, à Marrakech, trente anciens partisans du Glaoui ont été massacrés atrocement sans que l’administration marocaine ait pu s’opposer aux émeutiers dont les chefs étaient probablement étrangers à la ville. D’autre part, malgré les communiqués où leurs chefs réitèrent leur loyauté au Sultan, des éléments de l’armée de libération marocaine exercent sur certaines zones, particulièrement à la frontière algéro-marocaine, une emprise militaire qui semble avoir pour but de faciliter les incursions de bandes armées dans l’Oranais. Le préfet d’Oran a d’ailleurs publiquement accusé le gouverneur d’Oujda de faciliter ces incursions. Enfin, ces éléments voudraient interdire à l’armée française tout déplacement à l’intérieur du Maroc et se livrent à des enlèvements de militaires français qui contribuent à tendre dangereusement l’atmosphère. Le 7 mai, en particulier, une section de tirailleurs sénégalais a été enlevée et 7 cadavres ont été retrouvés pendus. Le commandement français ne peut évidemment accepter de voir les mouvements des troupes françaises paralysés dans la zone de la frontière algéro-marocaine, alors que la complicité des bandes armées marocaines avec les rebelles algériens ne fait aucun doute, et que le FLN algérien n’a pas perdu tout espoir de reconstituer « l’Armée du Maghreb ».
Le 29 mai a été signée la convention diplomatique entre la France et le Maroc : les deux parties s’engagent à se tenir au courant de toutes questions touchant à leurs intérêts communs, à échanger régulièrement leurs vues sur les problèmes communs, et à ne pas adhérer à une politique qu’elles auraient reconnue incompatible avec les intérêts de l’une d’entre elles.
Tunisie
M. Habib Bourguiba, chef du gouvernement tunisien, a déclaré le 1er mai 1956, au cours d’une conférence de presse, que seule une Tunisie réellement indépendante et souveraine pourrait reprendre les négociations avec la France. Il a réaffirmé le 28 mai, à l’Assemblée constituante, que la Tunisie ne négocierait avec la France qu’après l’envoi à l’étranger d’ambassadeurs tunisiens, mesure qui, à ses yeux, doit matérialiser l’indépendance tunisienne.
Une importante décision a été prise le 2 mai par le Conseil des ministres tunisien en vue de laïciser et d’incorporer au domaine de l’État les biens habous [biens rendus inaliénables au profit d’une œuvre pieuse ou d’utilité générale].
Afrique noire
Après la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), la Confédération générale du travail (CGT) vient de décider la création d’une Confédération autonome africaine, qui concurrencera la Confédération générale des travailleurs africains née récemment à la suite d’une scission au sein de la CGT provoquée par le leader guinéen du Rassemblement démocratique africain (RDA), M. Sekou Touré. L’autonomie des principaux mouvements syndicaux africains est donc maintenant pratiquement réalisée.
Indochine
Vietnam
M. Diem, chef du gouvernement vietnamien, a confirmé qu’il n’entendait pas entamer actuellement de pourparlers avec le Nord-Vietnam en vue d’élections générales.
Cambodge
Le prince Norodom Sihanouk doit se rendre prochainement en Europe ; il séjournera en France, en Espagne, en Italie, en Pologne et en Suède. ♦