Ma vie
La vie du Grand-Amiral Raeder, qui dirigea la marine allemande de 1928 à 1943, a été tout entière consacrée à celle-ci, au cours d’une carrière de près de cinquante ans. Il connut la marine allemande à ses grandes étapes : au moment où elle se constituait pour la première fois, au moment où elle était engagée dans la Première Guerre mondiale, au moment où elle se reconstituait pendant l’entre-deux-guerres, enfin au moment où elle se trouvait à nouveau au combat pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour le lecteur d’aujourd’hui, ce sont évidemment les dernières périodes qui sont les plus intéressantes. Le Grand-Amiral expose, de façon très claire et fort simple, sur quelles données s’est reformée la marine allemande, lorsque Hitler se fut affranchi des stipulations du Traité de Versailles, puis comment la guerre sur mer a été menée par l’Allemagne dans les premières années du dernier conflit.
Une figure domine : celle de Hitler ; sa personnalité s’éclaire d’un jour nouveau chaque fois qu’un des grands acteurs allemands du drame raconte ses mémoires. Pour le Grand-Amiral Raeder, Hitler reste un homme au caractère changeant, malgré sa détermination, une nature secrète, malgré les nombreux entretiens qu’il accordait aux grands chefs militaires et les grands discours qu’il leur adressait. Il est curieux, voire stupéfiant, de voir comment le responsable de la marine allemande était mal orienté par le Führer et devait déduire de ce qu’il disait et plus souvent de ce qu’il ne disait pas, les directives qu’il y avait lieu d’appliquer.
Souvent en désaccord avec Hitler, le Grand-Amiral Raeder trouvait, dans la haute conception qu’il s’était faite de ses devoirs, une ligne de conduite à laquelle il restait fidèle. Son amour passionné de la marine, son désir de servir avec droiture, l’objectivité avec laquelle il envisageait les problèmes qui lui étaient soumis et ceux qui pourraient lui être proposés, lui masquaient quelque peu les conditions réelles dans lesquelles Hitler menait sa politique à l’intérieur même de l’Allemagne et hors de ses frontières. Aussi peut-on aisément croire l’Amiral Raeder lorsqu’il affirme qu’il eut connaissance pour la première fois au procès de Nuremberg, où il figurait avec les autres chefs allemands poursuivis comme criminels de guerre, des faits monstrueux qui étaient reprochés au régime nazi.
Le récit du procès de Nuremberg, et le jugement qu’il porte sur lui, ne sont pas les parties les moins intéressantes du livre, dont les dernières pages ne manquent pas de grandeur.
Un témoignage de plus à verser au dossier de ces dernières années, un témoignage qui frappe par la noblesse de la pensée et la simplicité du ton. La traduction est particulièrement claire, à un point tel que le lecteur ne peut en aucun endroit sentir qu’il ne se trouve pas en présence d’un texte original. ♦