Les Nations unies : rêves et réalités
La tragique disparition de M. Dag Hanimarksjoeld dans la forêt nord-rhodésienne a brutalement révélé la crise majeure — en fait une véritable crise de régime — qui affecte le système international établi en 1945 par les grandes puissances victorieuses. En effet, il serait vain de réduire le problème à la simple désignation d’un successeur de M. Hammarskjoeld : il s’agit en réalité de définir un nouvel équilibre international tenant compte des changements intervenus depuis quinze ans dans le rapport des forces. Aussi longtemps que cette question-clef restera pendante, aucune solution satisfaisante ne pourra être trouvée pour les Nations-Unies, qui ne font que refléter un certain état de cohabitation ou de tension, qui dépendent de la situation internationale bien plus qu’elles ne la créent.
Mais cette affirmation ne saurait se suffire à elle-même : il faut rechercher pourquoi et comment l’organisation internationale est arrivée au point où elle en est maintenant — ce qui conduit à rechercher d’une part ce qui, en elle, était déficient dès le départ, d’autre part ce qui, dans son évolution, a été le résultat de faits qui lui étaient extérieurs.
Alors même que les combats se poursuivaient, l’idée de rétablir un système de sécurité collective plus efficace que la Société des Nations s’imposa aux esprits de ceux qui étaient entrés dans la guerre pour défendre précisément le droit international. Le principe même de la sécurité collective n’était pas mis en question, mais seulement l’application qui en avait été faite par l’organisme genevois : il pouvait donc servir de base à une nouvelle institution, dont tout le monde proclamait qu’elle devait être, dans ses structures et son fonctionnement, fort différente de l’ancienne. Dès le 26 août 1941, dans le document connu sous le nom de « Charte de l’Atlantique », MM. Churchill et Roosevelt prévoyaient « l’institution d’un système de sécurité générale établi sur des bases plus larges » : on ne pouvait en effet envisager une simple résurrection de la Société des Nations, d’abord parce qu’elle aurait eu, psychologiquement, des effets désastreux, ensuite parce que l’U.R.S.S. (qui en avait été exclue, en décembre 1939, à la suite de son agression contre la Finlande) s’y opposait formellement. L’initiative émana des États-Unis. Le 1er janvier 1942, lors d’un séjour de M. Churchill à Washington, les pays en guerre contre l’Allemagne et le Japon signèrent la « Déclaration des Nations-Unies », préparée par le Département d’État : les signataires s’engageaient à élaborer « un système de paix et de sécurité » après la guerre. Lors de son voyage à Moscou, en octobre 1943, M. Cordell Hull obtint l’appui soviétique à ce projet, qui comportait d’une part l’engagement pris par les pays alliés de poursuivre leur collaboration après la guerre, d’autre part la création d’une organisation internationale fondée sur « l’égalité de tous les États pacifiques ». Cette décision fut réaffirmée en novembre 1943 à la Conférence de Téhéran, et le 9 décembre fut créé à Washington un groupe d’études chargé d’esquisser les structures de l’Organisation. Les deux Conférences de Dumbarton-Oaks — du 21 au 28 septembre entre les Anglo-Saxons et les Russes, du 29 septembre au 7 octobre entre les Anglo-Saxons et les Chinois — aboutirent à un accord sur les grandes lignes de ces structures. Deux points restaient en suspens : celui du veto et celui, posé par l’U.R.S.S., de l’admission des seize Républiques fédérées qui constituent l’Union Soviétique et qui, selon Moscou, devaient être traitées comme l’étaient les pays membres du Commonwealth. Après bien des discussions, notamment à Yalta, une Conférence se réunit à San Francisco du 25 avril au 25 juin 1945, groupant les signataires de la « Charte des Nations-Unies » et les pays entrés dans la guerre aux côtés des Alliés avant le 1er mars 1945. Telle qu’elle fut établie par cette Conférence, la nouvelle « Organisation des Nations-Unies » reposait sur les principes suivants :
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