Six mois de crise syrienne (mars-août 1963)
Chacun sait, désormais, combien furent laborieuses, voire houleuses, les conversations interarabes du Caire, d’où sortit le précaire accord unioniste du 17 avril. Le Président Gamal Abdel Nasser a en effet pris l’initiative de faire publier les procès-verbaux de ces surprenantes séances (1). Il n’est pas très aisé de discerner la manœuvre politique à laquelle, dans l’esprit du Raïs, devait servir cette publication, propre sans doute à déconsidérer ses interlocuteurs syriens, mais de nature également à révéler certains aspects cyniques ou brutaux de son personnage, voire même à laisser pressentir quelques-uns de ses desseins. Peut-être redoutait-il que ses partenaires ne prissent, avant lui-même, pareille décision : en les précédant, il se donnait pour un homme d’État sincère que la vérité n’effarouchait pas, et il se ménageait la possibilité de faire son choix. Sans doute espérait-il aussi jeter le trouble dans la précaire coalition syrienne, et opposer les Baassistes de Bagdad à ceux de Damas, renforçant ainsi, de façon indirecte mais efficace, sa constante thèse de l’unité personnelle de direction. D’autres raisons, plus subtiles encore, apparaîtront probablement par la suite.
Même si certains détails, comme on l’affirme à Damas, en sont suspects, cette série de documents fournit, en tout cas, une précieuse introduction à l’examen de la crise syrienne.
Mars-avril au Caire : les pourparlers de l’union arabe s’ouvrent sur de confus échanges de reproches
Ce qui, dans ces conversations, surprend tout d’abord, c’est l’attitude et le ton des interlocuteurs. Le Raïs se montre tout d’abord relativement modéré, curieux de connaître le point de vue de ses partenaires, disposé à la discussion, voire conciliant. En revanche, les délégués syriens semblent, initialement, assez peu à leur aise ; s’ils affirment leur volonté d’aboutir à l’union, et expriment le vœu que ce soit dans de brefs délais, ils campent médiocrement leurs personnages, décrivent à peine les structures qu’ils viennent d’instituer, laissent même planer le doute sur leur caractère représentatif : tandis que le général Kattini, commandant en chef adjoint des Forces armées, et que la presse donne comme appartenant au « Front arabe uni », revendique pour les militaires, en contredisant les Baassistes, la responsabilité totale de la Révolution du 8 mars, aucune réponse unanime ne peut être donnée au Raïs quant à la nature du régime qui en est sorti. Le général Ziyad al Hariri, chef d’État-major général, assure que ce régime n’est pas baassiste ; et le premier Ministre adjoint, M. Nihad al Kassem, qui représente dans le cabinet la tendance pro-nassérienne, enchaîne aussitôt et déclare qu’il s’agit d’un Front National ; enfin M. Abdel Kérim Zouhour, ministre baassiste de l’Économie, rectifie à son tour et prétend qu’au sein du gouvernement le Baas partage le pouvoir avec d’autres éléments nationaux.
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