Évolution politique de l’Afrique du Nord musulmane, 1920-1961
Le plan suivi par Roger Le Tourneau est simple et bien équilibré ; dans une première partie de son livre, une présentation du Maghreb, dans son unité et sa diversité ; dans les trois parties suivantes, respectivement consacrées à la Tunisie, au Maroc et à l’Algérie, après un rapide exposé des conditions géographiques et historiques propres à chacun des trois pays, l’histoire des mouvements politiques locaux dans leur lutte contre le système colonial, puis dans leur combat pour l’indépendance et leur élargissement sur la scène internationale. Enfin, dans une cinquième partie, une question : ce Maghreb dans lequel existent tant de facteurs d’unités, réussira-t-il à s’unir ? Et l’on sent que l’auteur, en posant la question, émet de sérieux doutes quant à la possibilité d’une rapide unification.
Il ne saurait être question de résumer ici les multiples incidents qui marquent, au cours de quarante années, la marche des événements et l’action des hommes. En les exposant, l’auteur a voulu se montrer objectif et aussi impartial qu’il est possible de l’être lorsqu’on parle d’événements si récents et si douloureusement présents. Le lecteur reconnaîtra volontiers que Roger Le Tourneau a réussi à donner de cette période agitée, et jusqu’aux derniers jours de 1961, une vue que ne déforme aucune passion partisane. À ce titre, cette longue étude mérite considération. Elle est écrite d’un style particulièrement aisé, qui rend les idées remarquablement claires.
C’est ainsi que sont bien mises en lumière les influences déterminantes qu’eurent, sur l’évolution des idées politiques des chefs de mouvements tunisiens, marocains et algériens, l’avènement du Front populaire en France en 1936, l’action de la propagande anglaise, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’échec des combats menés par les troupes françaises contre les Alliés, lorsqu’ils débarquèrent en Afrique du Nord en novembre 1942, la comparaison entre la force anglo-saxonne et le dénuement français, lorsque l’Afrique du Nord servit de tremplin aux Alliés.
Mais on regrettera sans doute que l’auteur n’ait pas davantage insisté sur l’action menée par les chefs de partis, notamment au cours de la guerre d’Algérie, dans toutes les chancelleries du monde et près de l’ONU pour appuyer leurs entreprises, bien qu’il ait souligné, comme il convenait, la part décisive de l’aide égyptienne dans les premières années de la rébellion du Front de libération nationale (FLN).
Ce livre reste cependant remarquable par l’effort de synthèse qu’il représente. Il représente une histoire et une explication des événements, qui semblent l’une et l’autre raisonnables. Il n’était certainement pas facile de se dégager ainsi des données de l’actualité immédiate pour écrire une pareille étude sur des sujets aussi brûlants. ♦