La politique mondiale contemporaine
Cet épais volume se présente d’une façon aussi claire qu’un cours ; il est d’ailleurs le résumé des cours que professe l’auteur à l’Université de Paris. Malgré son importance, il n’est que le premier tome d’une étude qui en comportera un second traitant de L’économie mondiale contemporaine.
Guy-Willy Schmeltz sait bien que « ce serait fatuité que de prétendre écrire aujourd’hui l’histoire d’aujourd’hui ». Il n’a donc pas tenté d’écrire une histoire ; mais il a réparti l’actualité en chapitres, apportant ainsi une vue d’ensemble logique, de même que des aperçus de détail, sur les événements qui se sont déroulés dans le monde depuis la fin de la dernière guerre mondiale. Plus tard, nos descendants jugeront, dans ce qui a été retenu par l’auteur, ce qui aura eu effectivement une importance historique.
Le livre s’ouvre sur un chapitre liminaire synthétisant les résultats de la politique extérieure suivie par les quatre grands États du monde moderne : les États-Unis et l’URSS, dont la position est incontestable, l’Angleterre et la France dont la place au premier rang résulte davantage, pense l’auteur, des grandeurs passées que du poids qu’elles peuvent avoir présentement. Les États-Unis, s’appuyant sur les principes intangibles que sont pour eux l’anticommunisme, l’anticolonialisme, l’idéalisme moralisateur et la certitude que la civilisation américaine est la meilleure, jouant d’une stratégie qui veut placer un contrepoids devant chaque possibilité d’action communiste, ont cependant échoué ; « que leur politique étrangère n’ait pas obtenu les succès que leur permettait leur puissance financière et militaire, ne paraît plus discutable ». L’URSS, de son côté, poursuivant, quelles que soient les variations d’une tactique particulièrement souple, son but essentiel de faire triompher la révolution communiste dans le monde entier, et accomplissant dans le même temps les objectifs permanents de la Russie, a compris depuis 1956 qu’il pouvait y avoir plusieurs itinéraires pour atteindre ce qu’elle désire. Mais le statu quo atteint par les deux Très Grands ne peut plus être rompu que par une guerre généralisée, ce qui bloque la politique extérieure soviétique et la contraint à la recherche d’une entente avec l’Occident. Mais « la Chine seule, par son incohérence, est capable de remettre l’équilibre en question ». Quant à l’Angleterre et à la France, elles tentent de maintenir leur influence, au milieu de difficultés considérables et d’autant plus grandes qu’elles ont été touchées plus durement toutes deux par la décolonisation.
Sur cette vue générale, l’auteur enchaîne ensuite les trois « livres » dont il a composé son ouvrage : la marche vers l’unité, dans laquelle il montre comment le « monde fini » se rend de mieux en mieux compte de son unité ; la division du monde, si sensible encore malgré la perception d’une unité inéluctable, où sont étudiées les organisations des deux grands blocs ennemis ; l’avènement du Tiers-Monde enfin, ce qui donne l’occasion de rappeler les conditions dans lesquelles s’est effectuée la décolonisation et tentent de se regrouper les États issus des anciens Empires.
Guy-Willy Schmeltz ne dissimule pas ses opinions sur les diverses questions qu’il aborde. Les lecteurs ne le suivront pas toujours, évidemment, et peut-être seront-ils en opposition avec lui sur certains points. Il est inévitable qu’il en soit ainsi, dans un livre qui traite de questions actuelles. Mais ces adhésions ou ces objections rendent la lecture beaucoup plus vivante, et par suite, beaucoup plus instructive.
Aux maux dont souffre le monde moderne, l’auteur ne pense pas qu’il existe de remède politique : « le vrai remède, écrit-il, est d’ordre économique et spirituel ». C’est une conclusion qui, sans doute, ne sera pas non plus admise sans discussion. Mais l’unanimité se fera probablement sur les dernières lignes de ce gros livre, dans lesquelles Guy-Willy Schmeltz revient sur l’unité de l’Univers : « Jean XXIII et Teilhard de Chardin sont bien de leur temps, qui apportent l’espoir de ces retrouvailles de l’homme avec l’humanité ». ♦