Le coup d’État manqué du 16 mai 1877
Si la date du 16 mai 1877 n’est sans doute inconnue de personne, peu nombreux seraient ceux qui pourraient en rappeler spontanément la signification et raconter l’histoire des événements qui s’y rattachent. En consacrant un important ouvrage à la crise traversée par la IIIe République dans ses toutes premières années, Mme Pisani-Ferry éclaire d’un jour nouveau un incident lointain qui fut sérieux et eut les plus graves conséquences.
En se séparant de son Premier ministre, Jules Simon, le Maréchal de MacMahon, président de la République, commettait un acte inconstitutionnel. En dissolvant la Chambre et en échouant dans la campagne qui précéda les nouvelles élections, il allait involontairement restreindre, jusqu’en 1940, le pouvoir du président de la République et jeter un discrédit durable sur la procédure de dissolution à laquelle aucun de ses successeurs n’osa recourir. Ces conséquences ne pouvaient évidemment pas venir à l’esprit de MacMahon lorsqu’il signa sa lettre à Jules Simon, non plus que lorsqu’il tenta d’imposer sa volonté, pendant les quelques mois où il dut choisir, suivant la fameuse expression de Gambetta, entre « se soumettre ou se démettre » ; comme l’écrit l’auteur, après le 16 mai 1877, « la magistrature présidentielle s’en trouva diminuée. (…) Le président de la République est condamné à un rôle effacé. (…) Le parti républicain en arrive à se défier à tel point du président de la République que, non content de lui avoir enlevé quasiment tous les pouvoirs, il écarte de la plus haute fonction de l’État les hommes dont on pourrait croire qu’ils ont une envergure suffisante pour chercher à gouverner ou même simplement à influencer le ministère au pouvoir ».
Aussi, est-il intéressant de comprendre comment de si lourdes conséquences ont pu naître d’un acte dont le responsable était un honnête homme, un militaire élevé dans le culte de l’honneur et de la droiture, un soldat au passé glorieux. Le livre de Mme Pisani-Ferry comblera l’attente de ses lecteurs, par la minutie du récit, par sa clarté, par la facilité de sa lecture malgré la complexité des événements politiques qui y sont relatés, par la vivacité des anecdotes autant que par le tableau qu’il brosse des partis et des hommes politiques en présence et, à travers eux, des principes mis en cause.
Cette affaire, qui remonte à près d’un siècle, retrouve ainsi son actualité et l’exposé qui en est fait fournit au lecteur de nombreux sujets de réflexion sur des points toujours à l’ordre du jour. ♦