L'économie de notre pays souffre de deux handicaps : l'inadaptation de notre appareil de production et les insuffisances de notre commerce extérieur. Malgré les progrès accomplis ces dernières années, la France n'est pas encore le grand pays exportateur qu'elle devrait être et son commerce extérieur ne représente encore que 12 % de son Produit national brut (PNB) alors qu'il atteint 21 % en Allemagne. Si nous voulons soutenir les défis qui nous sont ou qui vont nous être lancés incessamment : nouvelle politique américaine, avec toutes les pressions qui s'exercent déjà pour limiter la puissance compétitive de la communauté européenne, irruption prochaine de la Grande-Bretagne sur le marché européen, report de l'effort des Japonais sur l'Europe, et pénétration économique des États-Unis en direction des pays de l'Est, il nous faut faire un effort pour lequel nous ne manquons pas d'atouts heureusement. Mais nos chefs d'entreprise doivent être plus nombreux et plus décidés à les jouer avec hardiesse.
Tel est le thème sur lequel l'auteur, directeur général du Centre national du Commerce extérieur, s'était adressé le 19 octobre 1971 aux cadres et auditeurs du Centre des hautes études de l'Armement (CHEAr). Il reprend ici l'essentiel des idées qu'il avait alors exposées et il exprime en particulier sa conviction qu'une industrie saine et compétitive ne peut se passer du stimulant de l'exportation.
Notre propos d’aujourd’hui s’articulera autour du thème « Atouts et handicaps de l’économie française dans le cadre européen ». Nous retiendrons comme cadre européen, celui des pays de la Communauté, des pays de l’A.E.L.E. et leurs associés, à qui nous ajouterons évidemment les pays de l’Est.
Ce cadre européen est actuellement en pleine évolution, ne serait-ce qu’en raison du problème de l’élargissement de la C.E.E. La petite Europe des Six, telle que nous la connaissons, est la première puissance commerciale du monde et la deuxième puissance industrielle. La France réalise les 2/3 de son commerce international avec l’Europe, et plus de la moitié avec ses partenaires de la Communauté.
La Communauté élargie, qui prendra vraisemblablement assez rapidement forme, et qui comprendrait la Grande-Bretagne, l’Irlande, le Danemark et la Norvège, rassemblerait 255 millions d’habitants contre 190 pour la Communauté actuelle, c’est-à-dire une population plus importante que celle des États-Unis ou de l’U.R.S.S. Le P.N.B. de l’Europe ainsi agrandie à Dix correspondrait à environ 65 % de celui des États-Unis. Se constituerait ainsi, en Europe occidentale, une entité représentant le quart du commerce mondial et, si l’on y ajoute les échanges internes des Dix pays, plus de la moitié. Ces quelques chiffres définissent le cadre dans lequel s’inscrit l’économie française. Pour que celle-ci puisse atteindre un plein épanouissement, elle doit surmonter des handicaps nombreux et évidents ; par contre, elle dispose d’atouts moins apparents mais très solides. Cette vision manichéenne est cependant trop simple pour refléter la réalité ; dans la conjoncture actuelle, des problèmes complexes se posent, singulièrement celui des relations franco-soviétiques ; il faut y ajouter désormais les répercussions de la politique du Président Nixon, qui introduisent un nouvel élément d’insécurité.