Quand on fait la somme des inégalités et des déséquilibres fondamentaux qui étaient inscrits dans la partition de 1947, on comprend que le Pakistan, au lieu d’avoir une âme, n’ait eu en fait que deux corps sans communication. À la suite de cette aberration géopolitique, l’accumulation des injustices et finalement de la répression sanglante rendaient inéluctables la révolte et la libération du « Bengla Desh » [Bangladesh]. Si son indépendance ne saurait aujourd’hui être remise en question, son avenir dépend en définitive de l’attitude que va adopter à son égard la communauté internationale.
Chroniqueur politique dont la voix est familière aux auditeurs de France-Inter pour qui il fait notamment chaque matin une revue de presse fort appréciée, l'auteur a été saisi par le drame bengali dont l’ampleur lui est apparue au cours de deux missions accomplies en Inde pour le compte de l’ORTF en juin et en novembre 1971.
Le Bengla Desh existe qui voulait exister. Moi qui croyais comme beaucoup que ce peuple de 75 millions d’âmes était flottant, mal accroché aux bouches du Gange, j’ai découvert qu’il n’était pas de meilleurs patriotes, prêts à tous les sacrifices pour préserver une indépendance chèrement acquise, et alors que tous les sacrifices ont déjà été consentis.
Pourtant, il n’y eut pas de meilleurs Pakistanais que ces mêmes Bengalis.
L’indépendance du Bengla Desh ne semble plus pouvoir être mise en question quelles que soient les intentions et les possibilités du nouveau pouvoir à Islamabad. S’il y a une énergie du plus profond désespoir, c’est bien celle qui faisait dire à tous les exilés des camps de réfugiés visités par les journalistes dont j’étais, entre avril et novembre 1971 : « Les Bengalis n’ont plus rien à voir avec les Pakistanais, nous étions déjà des étrangers pour eux, nous n’avions rien de commun, sauf la religion, et encore… ! Après ce que l’armée nous a fait, nous sommes devenus des ennemis ».
Asie ; Bangladesh