Toute la difficulté de prévoir, fut-ce à court terme, en matière d’industrie pétrolière vient de ce que cette industrie, peut-être plus qu’une autre, doit procéder à un continuel ajustement de ses multiples activités, qu’il s’agisse des rapports entre ses opérations propres dont la longue chaîne, qui va de la recherche du pétrole brut à la mise sur le marché des produits finis, ne souffre point d’interruption ou des liaisons qui s’établissent, comme de nature et sans qu’on puisse leur assigner de limites, entre les activités des entreprises pétrolières et l’ensemble des activités économiques, politiques, sociales, voire culturelles, des nations.

Un gisement d’importance découvert dans une région délaissée jusqu’alors, la mise au point d’une technique inédite, un itinéraire maritime interdit ou, au contraire, nouvellement exploré, un choix politique heureux ou malheureux, la conclusion d’un traité de commerce ou sa dénonciation, un allégement du poids de la fiscalité ou son aggravation, un simple mouvement de l’opinion publique suffisent parfois à transformer profondément les projets de développement des entreprises et des industries pétrolières en modifiant leur équilibre économique. Ainsi, au moment de porter un jugement sur l’avenir de l’industrie pétrolière au cours de la prochaine décennie, avenir dont tant de composantes peuvent être sujettes à des variations imprévisibles même à court terme, doit-on rappeler qu’une pareille entreprise est toujours hasardeuse. Du moins peut-elle être tentée avec quelque chance de succès, à condition de distinguer, pour chaque « ensemble » ou domaine qui constitue le champ des activités de l’industrie du pétrole, le probable du possible et de rejeter l’imaginaire.

Au reste si la matière est vaste et délicate l’approche du problème, les études ne manquent pas sur le sujet. Les pétroliers, par métier, regardent vers l’avenir : industrie lourde, requérant des investissements considérables, obligée dans le même temps à des amortissements rapides, qu’il s’agisse des forages improductifs ou des installations que le progrès technique menace sans cesse d’« obsolescence », l’industrie pétrolière vit habituellement en état de prospective. Le début d’une décennie excite aussi toujours quelque peu l’imagination de ceux, chercheurs, économistes, ou sociologues, qui font profession de prévoir. Dans notre pays de surcroît l’année 1970 se trouve être celle de la mise au point du VI^e Plan, avec tout ce que cela comporte d’enquêtes et d’examens préalables pour diagnostiquer au plus juste l’avenir dans tous les domaines vitaux de la nation. Il va de soi que l’avenir de ce secteur clé pour la défense et l’économie nationales qu’est le secteur de l’énergie a fait l’objet d’études particulièrement nombreuses et approfondies.