L'auteur, historien (spécialiste des relations internationales) et collaborateur fidèle de notre revue, s'est attaché depuis un an à faire le point et l'historique des relations de l'URSS avec ses voisins d'Asie ou d'Extrême-Orient (Turquie, Iran, Japon).
Les rapports entre l’URSS, l’Indonésie et le monde malais
La discrétion de la presse soviétique à propos des affaires indonésiennes et malaises est à la mesure de l’embarras du Kremlin depuis les événements survenus à Djakarta en 1965. Mais la renonciation n’entre guère dans les traditions de Moscou et on observe déjà avec intérêt son nouveau comportement dans cette partie de l’Asie orientale.
Au moment où l’U.R.S.S. procédait en 1948 à l’assujettissement final des nations de l’Est européen, éclatait dans le Madiun, à l’est de Java, un soulèvement décidé après une réunion à Calcutta des Jeunesses communistes où les Russes avaient joué un rôle décisif. Ce n’était qu’un des points d’une insurrection, déjà étendue à la Malaisie, qui visait à ébranler tout le Sud-Est asiatique. Malgré l’impulsion donnée par des agitateurs spécialement préparés à Moscou, l’armée du jeune État indonésien, dont le Dr Sukarno, fondateur du parti nationaliste, avait le 17 juillet 1945, en présence des Japonais, proclamé l’indépendance, écrasa la rébellion. Des milliers de communistes furent exécutés ou emprisonnés. Accusés dans l’opinion d’avoir voulu frapper un coup de poignard dans le dos de la nouvelle république, le parti communiste, réduit à moins de 5 000 membres, et l’U.R.S.S. qui l’avait ouvertement soutenu, se trouvèrent totalement discrédités. Cependant, quand en 1954, après des années de négociations entrecoupées de guérillas, le gouvernement de Djakarta put enfin rompre les derniers liens avec La Haye, l’U.R.S.S. reconnut le nouveau régime, mais en critiquant son statut encore trop dépendant du capitalisme. Elle prenait acte toutefois de son « idéologie nationale anti-impérialiste et révolutionnaire » et de sa volonté de pratiquer un « neutralisme actif » lui ménageant la possibilité de recevoir des aides extérieures de toutes origines.
Des négociations avaient eu lieu en 1950 en vue de l’octroi à l’Indonésie par les États-Unis d’un prêt de 100 millions de dollars. Mais quand, après l’ouverture des opérations en Corée, l’Amérique eut mis comme condition une participation aux mesures destinées à renforcer sa propre sécurité, il y eut à Djakarta unanimité pour écarter cette exigence. L’Indonésie resta finalement en dehors des pactes militaires suscités par l’Occident, destinés à protéger les confins asiatiques de l’expansion communiste. Pouvait-elle attendre d’autre part l’assistance économique dont il lui était difficile de se passer ? Elle avait noué dès 1950 des relations diplomatiques avec la Chine populaire, mais celle-ci avait aussitôt engagé en Indonésie, par ses écoles privées, ses bourses d’études, ses missions culturelles, une active propagande, qui touchait notamment les quelque trois millions de Chinois, dont une bonne partie demeuraient citoyens de la République chinoise et tenaient une place importante dans l’économie du pays. Craignant une subversion, Sukarno avait attendu octobre 1953 pour désigner un ambassadeur à Pékin et évitait des engagements trop précis. Dès 1950, Mao Tsé-Toung avait renvoyé en Indonésie un agitateur efficace, D.N. Aidit, après qu’il eût été entraîné en Chine et auprès d’Ho Chi Minh.
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