Patrie et République enfin réunies mais en danger, voilà les deux motivations du peuple de Paris au lendemain de la défaite. Mais défense nationale d'abord, le patriotisme est l'élément fondamental, la base la plus large, commune aux « beaux quartiers » comme au populeux Belleville, à la gardé nationale comme aux Blanquistes et même Internationalistes, n'en déplaise à Marx qui désapprouve ! Longtemps, envers et contre tout, le peuple de Paris accordera confiance au gouvernement dit de défense nationale, d'où sa colère lorsque, les Prussiens à Paris, les canons à la merci de l'occupant, la République menacée, la trahison sera patente.
Aux origines de la Commune de 1871 : Patrie et République
Que la Commune ait été insurrection, révolution sociale, et même — en ébauche du moins — socialiste, il n’est personne pour songer sérieusement à le contester aujourd’hui, même si, pour telle raison d’école ou de doctrine, cet aspect des choses a été grossi à l’excès, systématiquement surévalué par certains historiens. Sachant cela, ayant aussi, je crois, contribué quelque peu à faire mieux mesurer l’importance de ce réel « socialisme de 1871 », c’est à un autre côté, non moins important, du drame que je voudrais ici m’attacher. Pourquoi la Commune ? Par quelles voies Paris a-t-il été, s’est-il trouvé conduit à s’insurger le 18 mars ?
Je ne prétends pas apporter ici tellement de neuf, la réponse a été donnée déjà maintes fois, à l’évidence. Il faut compter bien sûr avec le poids des vingt longues années de compression politique et sociale de l’Empire, dont la Commune de 1871 est pour Paris la vraie libération, en cette « Fête » qu’étudient aujourd’hui avec passion nos sociologues. Malgré tout, les événements, les éléments déterminants, décisifs (autant dans l’immédiat qu’en profondeur) du mouvement de mars, comme de toutes les réactions de la capitale au cours de « l’année terrible », ce furent d’abord la Patrie en danger, puis vendue, la République à son tour en péril ; la trahison d’un gouvernement « capitulard », l’armistice, le 28 janvier 1871, l’élection aussitôt par les « ruraux », en février, de cette assemblée non seulement pacifiste, mais royaliste, ouvertement. Patrie et République ! Tous nos vieux manuels d’histoire nous l’enseignaient autrefois. Récemment H. Guillemin a remarquablement démontré, dénoncé, avec sa verve ou sa férocité coutumières (quelquefois excessives) la « trahison des Jules », les machinations perpétrées à l’envi contre la République et Paris qui l’incarne. Vais-je redire tout cela ?
Quelques remarques pour justifier les brèves lignes qui suivent. C’est d’en haut surtout que Guillemin envisageait le drame, au niveau des traîtrises successives des équipes au pouvoir. C’est à l’envers pour ainsi dire, c’est d’en bas que je voudrais pour ma part tenter l’enquête, essayer de sonder au plus près les réactions, les « émotions » successives de ce peuple parisien qui a pu légitimement se juger en tous points trahi ; je voudrais tenter de suivre, à son niveau, les étapes de sa « mise en condition insurrectionnelle ». Je n’entends pas d’un autre côté — c’est pourquoi je soulignais en commençant le caractère réellement, résolument social du mouvement de 1871 — retomber dans l’interprétation étroite de telle autre école : ainsi Mathiez affirmant que la Commune fut « un mouvement patriotique et rien de plus ». Elle fut autre chose aussi, et ce n’est donc que d’un aspect de l’événement, son aspect « originel » que je parlerai. Comment n’y pas voir pourtant l’aspect fondamental — inextricablement sans aucun doute mêlé à d’autres — mais qui, au bout du compte, les sous-tend tous ? Voici en somme que j’ai déjà conclu, au mépris de toute rhétorique.
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