Historien, spécialiste des questions concernant l’Union Soviétique et les États socialistes d’Europe Orientale, notre collaborateur s’est rendu en Bulgarie l’an dernier. Il est donc fondé à décrire ici l’ambiance particulière au régime de M. Jivkov qui a réussi le difficile compromis des valeurs nationales bulgares avec les exigences d’une stricte allégeance idéologique et diplomatique à l’égard de l’Union Soviétique.
Après un chapitre consacré à l’économie et au commerce bulgares, l’auteur analyse les relations de Sofia avec ses voisins d’Europe centrale et méditerranéenne. Les rapports amicaux de la Bulgarie et de la France se sont concrétisés en 1969 par la visite à Paris de M. Bachev et, en septembre 1971, par celle de M. Schumann à Sofia. Ce n’est pas seulement la culture classique française qui reste très en faveur en Bulgarie, c’est aussi la réussite de nos ingénieurs qui y pénètre aujourd’hui avec le procédé SECAM de télévision en couleurs et l’implantation d’usines.
Est-ce parce que le conformisme n’offre jamais rien de bien exaltant ? C’est un fait, en tout cas, que la Bulgarie d’aujourd’hui attire moins l’attention que les autres démocraties populaires d’Europe. Le monolithisme du camp socialiste de l’ère stalinienne est bien dépassé et chaque satellite présente un visage particulier. Par contraste avec ses partenaires du Comecon et du Pacte de Varsovie, celui d’un pays toujours volontairement aligné offre moins de relief. Mais c’est du moins là désormais une singularité, qui ne manque pas d’avoir aussi des traits bien caractérisés.
Vers un socialisme avancé
Quelques jours après la clôture du XXIVe Congrès du Parti communiste soviétique, qui avait davantage confirmé la « dékhrouchtchevisation » que tenté de réhabiliter Staline, s’était ouvert à Sofia, le 20 avril 1971, le Xe Congrès du Parti communiste bulgare. Ses ambitions étaient précisées par le Secrétaire général du Parti, Todor Jivkov, chef du gouvernement : « Transformer la Bulgarie en un pays hautement développé, approuver un nouveau programme en vue d’édifier une société socialiste avancée ». La présence de M. Brejnev, suivie de celle des présidents Gierek, Husak et Kadar, l’absence de M. Ceaucescu et de toute délégation yougoslave, ne laissaient aucun doute sur la stricte fidélité du P.C. bulgare à sa politique d’orthodoxie à l’égard de Moscou. On y insista avec emphase sur la fraternelle amitié soviéto-bulgare, le rapprochement grandissant entre les deux États, « pierre angulaire inébranlable de toute la politique intérieure et extérieure du Parti. » Jivkov s’était écrié : « L’amitié bulgaro-soviétique est comme le soleil et l’air pour tout être vivant » et le Congrès avait scandé en chœur : « Amitié éternelle ! ». La ligne du Parti fut sans surprise approuvée à l’unanimité et la vieille garde maintint ses représentants sans modifications importantes au Comité central et au Secrétariat. Brejnev pouvait partir satisfait.
Le Congrès avait été préparé de longue date dans les cellules et pour mieux mettre en valeur les réalisations de 25 ans de socialisme, avaient été supprimées dans la presse et à la radio, depuis août 1969, les assez fréquentes critiques (puisées le plus souvent dans les propos mêmes de Todor Jivkov, qui s’octroyait également, entre autres pouvoirs, celui de critique officiel et à peu près exclusif de la situation dans le pays) à propos des retards à la production, des insuffisances de rendement, de la qualité des fabrications, des déficiences administratives, du gaspillage des ressources socialistes et de la faiblesse des résultats dans le bâtiment.
Vers un socialisme avancé
Une économie inspirée de l’extérieur
Une diplomatie intégrée