Défense dans le monde - États-Unis : le projet de budget de défense pour l'exercice 1971-1972 - République fédérale d'Allemagne : projet de réduction de la durée du service militaire - Grande-Bretagne : l'aide militaire au Tiers-Monde
États-Unis : le projet de budget de défense pour l’exercice 1971-1972
Rompant avec la tradition républicaine d’équilibre budgétaire, M. Nixon a transmis au Congrès, le 29 janvier, un projet de budget fédéral largement déficitaire pour l’exercice 1971-1972 (période du 1er juillet 1971 au 30 juin 1972). Le Président vise ainsi à relancer l’économie américaine qui connaît une période de stagnation résultant du « passage simultané d’une économie de guerre à une économie de paix d’une part, et d’un taux élevé d’inflation à un taux plus bas d’autre part » (rapport économique présidentiel transmis le 1er février 1971 au Congrès). Le budget présidentiel sera un budget de plein-emploi dont l’idée, selon M. Nixon, ressemble à une prophétie qui se réaliserait d’elle-même : en opérant comme si le pays connaissait le plein-emploi, le gouvernement contribue à créer cette situation.
Les dépenses fédérales atteindront 229,2 milliards de dollars et les recettes 217,6 Md$ ce qui correspond à une impasse de 11,6 Md$. Aucun impôt nouveau n’est prévu et l’augmentation des rentrées résultera de la reprise espérée de l’expansion économique. Par comparaison, le projet de budget précédent avait prévu des dépenses de 200,8 Md pour des recettes de 202,1 Md$ soit un excédent de 1,3 Md$ ; il s’est, en fait, soldé par un déficit estimé actuellement à 18,6 Md$.
En valeur absolue, le Département de la Défense demeure le mieux doté. Les crédits demandés à son intention pour l’année budgétaire 1971-1972 s’élèvent à 77,5 Md$ contre 73,6 Md$ dans le projet de l’exercice précédent. On notera que cette somme dépasse de 1,1 Md$ la dernière estimation des dépenses militaires pour l’année en cours, estimation qui est elle-même supérieure de plus de trois milliards aux prévisions initiales du président Nixon en janvier 1970.
En valeur relative, la part prévue pour la Défense ne s’élève plus qu’à 33,8 % du total des dépenses fédérales et 7,2 % du Produit national brut (PNB) estimé par les économistes officiels (1 065 Md$) contre respectivement 36 % et 7,5 % dans le précédent projet (et contre 43,7 % du budget fédéral et 7,5 % du PNB dans l’exercice 1969-1970). Ces nouveaux pourcentages sont les plus faibles jamais enregistrés depuis vingt ans. En fait, si l’on considère les taux de croissance respectifs des dépenses de défense et de celles consacrées aux autres postes budgétaires, on s’aperçoit que les premières n’ont augmenté que de 60 % durant les dix dernières années alors que les secondes ont progressé de 230 %.
Le projet ne précise pas quel sera le coût du conflit vietnamien l’an prochain. Le secrétaire à la Défense l’a toutefois estimé, pour cette année, à 14,4 Md$ soit deux fois moins qu’en 1969. Il est probable que cette tendance va se poursuivre en 1972, mais l’évolution du budget depuis le début du désengagement prouve que le retrait du corps expéditionnaire n’a nullement permis, jusqu’ici, de réduire les dépenses militaires des États-Unis. Les économies résultant du désengagement sont, en effet, largement absorbées par l’augmentation constante des coûts dans d’autres secteurs, notamment dans ceux du personnel, de l’équipement et de la recherche et du développement.
À cette montée des coûts vient s’ajouter, pour la première fois depuis trois ans et pour ces mêmes secteurs, des demandes de crédits nettement plus importantes destinées en partie à aider à la relance économique.
Comme chaque année, le projet de budget donne de précieuses indications sur l’état des forces américaines et leur évolution.
Les effectifs militaires passeront de 2,7 millions d’hommes à la mi-1971, à 2,5 M à la mi-1972 et quelque 20 000 postes d’employés civils seront supprimés (rapport économique présidentiel transmis le 1er février au Congrès). En outre, on estime à environ 300 000 le nombre des employés et ouvriers des industries travaillant pour la défense qui seront licenciés durant l’exercice 1971-1972.
En matière de recrutement, le système de conscription actuel doit être remplacé par un système basé sur le volontariat d’ici le 1er juillet 1973. Mais le succès du programme présidentiel dépendant avant tout de la compétitivité du métier des armes sur le marché du travail, M. Nixon a demandé dès maintenant 1,1 Md$ pour augmenter les soldes.
Les forces stratégiques offensives et défensives seront maintenues à leur niveau actuel, exception faite d’une très légère réduction du nombre des bombardiers stratégiques. Les premières comptent ainsi : 1 054 SSBS (Sol-sol balistique stratégique), 656 MSBS (Mer-Sol) et 510 bombardiers (au lieu de 522), les secondes : 11 escadrons de chasseurs-intercepteurs, 21 batteries de missiles et 4 sites ABM (antimissile balistique) de l’armée de terre.
Comme l’an dernier, il apparaît qu’aucune mesure n’a été envisagée pour freiner la course aux armements avec l’URSS en dépit des actuelles Conversations sur la limitation des armements stratégiques (SALT). Bien au contraire, l’effort de développement des armements stratégiques offensifs et défensifs sera poursuivi avec vigueur ; presque tous les programmes bénéficiant de demandes d’augmentations appréciables par rapport aux crédits accordés en 1970-1971. Il a été prévu en particulier : de poursuivre la mise en place des Minuteman III (926 M$ demandés contre 720 M en 1970-1971), l’équipement des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) en Poseidon (demande de 409 M au lieu de 382 M), le déploiement au ralenti du système Safeguard ainsi que les études sur le sous-marin lanceur d’engins à grande portée (ULMS) pour lequel sont prévus 110 M contre 45 en 1970-1971, sur le bombardier stratégique Rockwell B-1A, successeur du Boeing B-52 Stratofortress et sur le système d’alerte et de contrôle AWACS (Airborne Early Warning and Control System).
Les forces d’emploi général et en particulier les forces terrestres supporteront l’essentiel de l’effort actuel de déflation des effectifs. Par contre, leur équipement sera renforcé. Parmi les propositions de financement en faveur des programmes de l’armée de terre on relève 112 M pour l’engin Lance (contre 84 M précédemment) et 116 M pour le système antiaérien SAM-D (au lieu de 83 M en 1970-1971).
Les forces navales bénéficieront de crédits accrus en vue de leur modernisation. 33 Md$ ont été demandés pour la construction de nouveaux bâtiments, ce qui représente la somme la plus importante prévue à ce titre depuis 1963. La Navy devrait recevoir durant le prochain exercice : cinq sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire (SNA), une frégate lance-missiles, sept destroyers anti-sous-marins (ASM) et des patrouilleurs rapides lance-missiles d’une nouvelle classe (pour plus de détails voir, dans ce même numéro la « Chronique maritime » de Jean Labayle).
Pour les forces aériennes tactiques, le Pentagone a annoncé 47 M$ pour le chasseur d’appui tactique AX, 190 M pour le F-111 (modèles A à F), 205 M pour les intercepteurs LTV A-7 Corsair II de l’armée de l’air et 78 M pour ceux de l’aéronavale.
Visant à tirer l’économie américaine de sa stagnation actuelle tout en trouvant des fonds pour les programmes sociaux de l’Administration, le projet de budget 1971-1972 reflète visiblement les préoccupations de M. Nixon à l’approche des élections présidentielles de 1972. Il s’écarte délibérément de l’orthodoxie financière et tire une traite sur l’avenir en jouant l’expansion.
Pour la première fois depuis trois ans, les crédits de la Défense sont en hausse avec des demandes sensiblement accrues pour le fonctionnement et la recherche et le développement (R&D). Cette évolution vient confirmer les prévisions du secrétaire à la Défense qui n’avait cessé de mettre en garde l’Administration contre l’effet des réductions des dépenses militaires, à la fois sur l’état de l’économie et sur celui du système de défense américain. M. Laird n’en sera que plus à l’aise pour mener à bien la politique définie par le Président dès les premiers mois de son mandat : désengagement des forces américaines partout où la chose est possible mais maintien de l’appareil militaire des États-Unis à un niveau suffisant pour assurer la sécurité du pays. L’avenir montrera comment le 92e Congrès dont la majorité n’est toujours pas en faveur de M. Nixon accueillera ce projet de budget.
République fédérale d’Allemagne (RFA) : projet de réduction de la durée du service militaire
Le 3 février 1971, la Commission de réforme de l’armée, créée en septembre de l’année dernière et dirigée par M. Mommer, ancien président du Bundestag a présenté son premier rapport au chef du gouvernement fédéral.
La Commission propose la réduction de la durée du service militaire de 18 à 16 mois. Cette mesure vise à réaliser une plus grande égalité de tous les jeunes Allemands devant le service, objectif inscrit de longue date dans le programme du gouvernement socialiste.
Pendant cinq mois, avant de prendre position, la Commission a entendu les avis des militaires de tout grade, de personnalités de l’administration, d’experts juridiques et d’hommes politiques familiarisés avec les problèmes de défense. Sa tâche a été dominée par le souci de maintenir l’organisation et le potentiel actuels de la Bundeswehr conformément aux engagements pris envers l’Otan ; elle a été également influencée par l’obligation de respecter le cadre financier fixé par le plan à moyen terme.
Finalement, la Commission estime que le maintien de l’inégalité devant le service compromettrait à la longue la sécurité du pays et que son élimination exige l’incorporation d’un plus grand nombre de citoyens accompagnée d’une diminution de deux mois du temps passé sous les drapeaux.
Ses propositions sont de trois ordres :
– En premier lieu, 75 % des jeunes gens constituant une classe d’âge devront être incorporés contre 60 % actuellement. Cet accroissement sera obtenu par la diminution du nombre des jeunes gens exemptés pour raison de santé.
– La deuxième recommandation concerne les conditions d’âge et la durée de la période pendant laquelle les jeunes Allemands seront soumis aux obligations militaires. Cette période qui s’étend actuellement sur sept années (de 18 à 25 ans) devrait passer à douze (de 18 à 30 ans).
– Enfin, la Commission propose l’adoption d’un nouveau système de sélection.
Le système en vigueur comprend quatre classifications : « aptes », « partiellement aptes », « ajournés », « inaptes » et dans lequel, seule la catégorie « apte » effectue réellement le service militaire.
Le nouveau système distinguerait trois qualifications « aptes », « ajournés », « inaptes ».
Le groupe « aptes » serait différencié en :
– pleinement aptes
– inaptes à certains emplois
– inaptes à certains emplois et dispensés de certains services pendant les classes.
Les « ajournés », c’est-à-dire ceux dont les troubles de santé pourront être guéris par des soins médicaux seront incorporables jusqu’à trente ans. Au sein du groupe « inaptes » la distinction serait faite entre, d’une part :
– les inaptes définitifs, et, d’autre part :
– les jeunes gens qui en cas de conflit pourraient être affectés à un service civil.
Finalement, le nouveau système éliminerait l’ancienne catégorie « partiellement aptes » qui rassemblait environ 30 % d’une classe d’âge et qui serait désormais ventilée :
– pour environ 15 % dans le groupe « aptes »
– pour environ 15 % dans le groupe « ajournés ».
L’adoption des recommandations de la Commission Mommer aurait des conséquences sur l’incorporation, l’encadrement, l’instruction, l’entraînement des recrues et demanderait, en outre, un effort financier supplémentaire.
L’incorporation serait bimestrielle au lieu de trimestrielle. L’encadrement devrait être plus nombreux. La formation de base serait réduite à quatre mois (elle est de six actuellement) pour que le séjour dans les unités continue de s’étendre sur 12 mois. Les performances physiques des recrues seraient réduites.
Les dépenses supplémentaires prévoies s’élèveraient à 450 M DM (1 DM = 1,52 franc) environ, réparties ainsi : 200 M pour les dépenses directement liées à l’augmentation du nombre des appelés ; 100 M pour la majoration des soldes des engagés à long terme ; 150 M pour l’amélioration de la situation matérielle de tous les appelés.
La réforme pourrait avoir des conséquences plus lointaines ; vers 1976, notamment, l’arrivée des classes nombreuses augmentera les difficultés puisque l’égalité devant le service ne pourra être obtenue que grâce à une réduction considérable de la durée du service.
Il paraît vraisemblable que M. Schmidt ministre de la Défense retiendra les propositions de la Commission Mommer, qui entreraient en vigueur le 1er janvier 1972.
Grande-Bretagne : l’aide militaire au Tiers-Monde
La Grande-Bretagne accorde une aide militaire qui ressort au budget de défense. Celle-ci s’exerce dans le cadre politique et économique de ses zones d’influence. Cette assistance se réalise conformément aux accords de défense signés avec les pays intéressés. Elle se manifeste par la présence de missions militaires à l’étranger et de stagiaires de ces pays en Grande-Bretagne. Elle peut également prendre la forme d’une aide financière liée à l’achat de matériels de guerre ou au développement des forces de défense. Le dernier Livre blanc sur la défense prévoyait 6 M de livres pour 1970. Cette aide n’est pas réservée aux pays du Commonwealth puisque d’autres pays du Moyen-Orient, de l’Afrique, de l’Asie en sont bénéficiaires mais, là encore, la part réservée au Commonwealth est majoritaire.
En Afrique, les États où l’aide du Royaume-Uni est prépondérante dans l’armement national sont le Kenya où tout le matériel est britannique, la Zambie, le Soudan, le Ghana, le Malawi et l’Ouganda.
Au Moyen-Orient, l’aide militaire est importante dans les émirats du golfe Persique : ventes d’armements, dons de matériels et présence de missions militaires. Chypre continue à être une base stratégique pour la Grande-Bretagne.
En Asie, l’Inde a reçu une aide très concrète, quoiqu’on ait assisté ces dernières années à une perte d’influence très nette au profit de l’URSS. L’armée de terre continue d’y être équipée de matériel britannique importé ou fabriqué sous licence. Des frégates type Leander sont également construites sous licence.
La Thaïlande reçoit une aide substantielle pour la construction d’autoroutes et d’aérodromes.
La Grande-Bretagne va, selon les décisions prises par le gouvernement conservateur, participer à la défense du Sud-Est asiatique en adhérant au pacte à cinq qui doit regrouper Singapour, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande et l’Australie.
En conclusion, le montant de l’aide de la Grande-Bretagne, son pourcentage par rapport au PNB en font une des contributions nationales les plus importantes à l’assistance des pays industrialisés aux pays en voie de développement.
Les subventions, prêts, investissements accordés par le Royaume-Uni, d’un montant fort proche du quota fixé par les Nations unies, constituent un facteur important des relations entre le Tiers-Monde et les pays industrialisés, même si, sous forme de commandes, la Grande-Bretagne récupère, en fait, une bonne partie des sommes engagées. ♦