Aéronautique - Les forces aériennes suédoises : le Saab Viggen - Le programme d'appui rapproché américain A-X - État des forces aériennes italiennes
Les forces aériennes suédoises
Neutralité n’est pas forcément synonyme de désarmement.
La Suède dont la politique étrangère est fondée sur le principe du non-alignement s’est donné une puissante organisation militaire au budget impressionnant. En effet, particulièrement exposée de par sa situation géographique aux confins du monde occidental face à l’URSS, la Suède a compris que sa liberté et sa neutralité reposent dans une large mesure sur un système de défense fort et efficace. Bien que ne disposant pas d’armes atomiques, elle s’appuie sur la dissuasion que lui confèrent une armée puissante et la farouche détermination du peuple suédois à conserver son indépendance. Traditionnellement neutre, il lui a fallu, pour respecter son non-alignement, se créer une industrie d’armement nationale dont la qualité est universellement reconnue.
Pour une population de 8 millions d’habitants, le budget de défense suédois s’élève à près de 7 milliards de francs (budget français : 28,8 Md dont 5 pour la Force nucléaire stratégique – FNS) soit environ 800 F par habitant, chiffre le plus élevé d’Europe. Rapporté au Produit national brut (PNB), ce budget militaire ne représente que 4,1 % (France : 3,27 %), donc un taux comparable à celui en usage dans la majorité des États.
Le Roi, autorité militaire suprême, délègue ses pouvoirs à un commandant suprême nommé par le gouvernement et assisté par l’État-major de la défense nationale. Le pays est divisé en 6 régions militaires placées sous l’autorité d’états-majors interarmes qui agissent de façon autonome dans le cadre des directives élaborées par le commandant suprême. Celui-ci ne dispose en propre que d’un groupe d’aviation, mais, très entraîné et immédiatement disponible, mettant en œuvre dix escadrons d’assaut et cinq de reconnaissance.
Le personnel navigant des forces aériennes et les équipages des navires de guerre appartiennent à l’armée d’active, les renforts de réservistes sont principalement destinés à compléter les effectifs de l’armée de terre.
La force aérienne compte 12 300 hommes dont 6 600 appelés, mettant en œuvre une flotte de conception suédoise sauf en ce qui concerne le transport (2 Lockheed C-130 Hercules, 7 Douglas C-47 Dakota et un escadron d’hélicoptères lourds Boeing-Vertol 107 [NDLR 2021 : CH-46 Sea Knight]).
Les principaux avions d’arme équipant les escadrons de combat de la force aérienne (650 appareils au total) sont :
– le SK-60 (Saab 105, décrit dans la chronique de mars 1970), avion-école de perfectionnement pouvant être utilisé comme chasseur léger d’attaque au sol et de reconnaissance ;
– le Saab A32 Lansen existant sous 2 versions :
• version A pour l’appui au sol et l’attaque des navires, qui est une des missions essentielles des forces aériennes,
• version J32B pour l’interception tous temps ;
– le Saab J-35 Draken, appareil à aile delta d’interception tous temps volant à plus de Mach 2.
En 1971, le Saab AJ-37 Viggen dont le premier appareil de série vient d’effectuer son vol inaugural, commencera à remplacer les Lansen et sera utilisé en complément du Draken. Celui-ci constitue l’équipement de 21 escadrons.
Intercepteur armé de 4 canons de 20 mm, le Draken utilise des missiles air-air de conception américaine (AIM-9 Sidewinder, Hughes AIM-4 Falcon, construits sous licence) mais peut également recevoir pour les missions d’attaque des missiles air-surface Robot Rb 04.
Le Viggen recevra des Rb 04 améliorés ainsi qu’un nouveau missile supersonique, le Rb 05, guidé à vue par télécommande radio et doté d’une fusée de proximité.
Les appareils de reconnaissance sont dérivés des avions de combat, comme dans la plupart des autres pays : deux escadrons de Lansen (nuit) et 3 escadrons de Draken (jour) constituent les moyens de reconnaissance en attendant l’arrivée du J 37, version reconnaissance du Viggen destiné au remplacement des Lansen vers 1974.
L’AJ-37 Viggen est l’élément essentiel du système d’arme connu sous le nom de système 37 qui fait appel à un système moderne de recueil et de diffusion de l’information, utilisé pour analyser la menace, choisir la riposte et coordonner les moyens de réactions : le Stril 60 analogue au Strida français (Système de transmission rapide des informations de défense aérienne).
Le Saab Viggen
Le Saab 37 Viggen est doté d’une aile canard placée en avant d’une classique voilure en delta. Caractérisé par une excellente stabilité et une portance exceptionnelle, cet appareil peut atterrir et décoller en 500 mètres, performances vitales pour l’aviation suédoise qui a opté pour le principe de la dispersion ; en effet, en Suède, les avions de combat sont en général stationnés dans des hangars souterrains ou sur des sites camouflés dans les forêts, loin des pistes habituelles en béton, considérées comme trop vulnérables à une attaque surprise.
Le premier prototype a pris l’air pour la première fois le 8 février 1967. Au 1er décembre 1970, les 7 prototypes avaient effectué 2 300 vols, soit 80 % du programme d’essais. Le premier avion de série vient d’effectuer son premier vol et les livraisons aux unités débuteront en juillet 1971.
175 appareils ont été commandés dont 25 biplaces pour l’entraînement. Le prototype biplace vole depuis 1970. Deux autres versions sont prévues : le J-37 pour la reconnaissance et le JA-37 pour l’interception.
Le moteur est un réacteur Volvo Flygmotor RM8 dont la mise au point a commencé en 1962 et se termine cette année.
Compte tenu des conditions rigoureuses d’emploi, le Viggen sera doté d’un système perfectionné d’atterrissage aux instruments, le TILS (Tactical Instrument Landing System) fonctionnant en hyperfréquences.
Le programme d’appui rapproché américain A-X
La définition d’un avion d’appui rapproché est depuis longtemps une préoccupation des armées américaines. Son cadre d’emploi, dans des conflits limités, sur des territoires extérieurs, a sans cesse évolué, en grande partie sous la pression des conditions rencontrées au Vietnam. Après une période d’hésitations entre un avion ou un appareil à voilure tournante, il semble que la nécessité de l’avion ne cesse de s’imposer à la lumière des derniers combats au Laos où les pertes en hélicoptères ont crû dans d’importantes proportions.
L’hélicoptère armé a rendu, et peut encore rendre d’immenses services à condition de concevoir son utilisation tactique en fonction des moyens et capacités de l’adversaire. Face à une défense antiaérienne extrêmement dense et en l’absence d’une supériorité nettement établie (comme celle rencontrée jadis au cours des conflits d’outre-mer), l’avion, par rapport à l’hélicoptère, bénéficie de la moindre vulnérabilité que lui confèrent sa vitesse, son blindage et sa puissance de feu.
En dépit des avantages de l’hélicoptère (facilité de l’observation, précision de l’intervention), on ne peut réserver à ce seul type d’appareil l’ensemble des missions d’appui rapproché.
L’avion adapté à un tel rôle, qui n’exige que des performances moyennes, doit faire l’objet du maximum d’efforts pour renforcer son invulnérabilité (maniabilité, robustesse, blindage). Une certaine simplicité et un bas prix sont des éléments essentiels face au taux élevé des pertes qui caractérise l’emploi de l’aviation dans la zone des combats.
La décision de l’USAF de se doter d’un appareil d’appui rapproché remonte à plusieurs années lorsqu’il est apparu que les États-Unis allaient se trouver impliqués pour un certain temps dans des conflits du type Vietnam, qui nécessitent un support « air » antiguerilla. De là résulte la définition du COIN (Counter-insurgency aircraft) qui a donné lieu à deux programmes : un de l’armée de terre à base d’hélicoptères armés (Lockheed AH-56A Cheyenne) et un de l’Air Force (projet A-X). L’armée de terre s’appuie sur la capacité du AH-56A à « coller » au sol et à tirer ses missiles antitank TOW suffisamment loin pour demeurer au-dessus du terrain ami, tandis que l’USAF fait état des chances de « survie » qui sont à la base de la définition du AX.
Les premières spécifications préconisaient un bimoteur (2 turbopropulseurs), monoplace, à forte capacité d’emport, à forte autonomie pour assurer une permanence et à un prix de revient aussi bas que possible. Cinq sur les six industriels intéressés ayant proposé des réacteurs double-flux, le turbopropulseur a été définitivement abandonné. La conception du AX, axée sur l’invulnérabilité à la Défense contre aéronefs (DCA), implique :
– un double système de commandes,
– des réservoirs auxiliaires auto-obturant,
– un renforcement des sections de l’aile et des empennages,
– un fort blindage de la zone du cockpit,
– une faible charge alaire et un fort rapport poussée-poids pour donner une grande maniabilité et de courts rayons de virage en actions évasives.
En plus des charges usuelles (bombes, roquettes), l’A-X sera équipé d’un canon à haute cadence de tir.
Finalement, les projets de Fairchild Hiller et de Northrop ont été retenus. Cessna a été écarté en dépit de ses protestations et malgré une offre à un prix inférieur.
Les premiers vols sont prévus à l’été 1972 et l’expérimentation durera 6 mois. Ce n’est qu’après 2 mois d’évaluation par l’USAF que le choix sera arrêté et la construction entreprise. En la matière, les États-Unis reviennent à une procédure en vigueur avant 1940 qui consistait à ne procéder à une commande qu’après le contrôle en vol des performances spécifiées sur le programme.
Le projet Fairchild Hiller est d’une taille supérieure à celui de Northrop : appareil bi-dérive avec les réacteurs montés à la partie supérieure arrière du fuselage (2 General Electric TF34 de 9 000 livres de poussée avec un important taux de dilution 6/1 pour améliorer les caractéristiques ADAC – Avion à décollage et atterrissage court).
Northrop présente un appareil à aile haute très classique avec réacteurs incorporés dans l’emplanture de l’aile (2 AVCO - Lycoming T55 - L-11 de 5 000 livres de poussée).
L’USAF a demandé à Northrop d’évaluer les améliorations que pourrait apporter à son appareil l’utilisation de TF34 tout en procédant, de son côté, à une étude coût-efficacité, pour déterminer la validité d’une augmentation de prix de revient. Fairchild a obtenu un contrat de 41,2 millions de dollars pour le développement et la mise au point de 2 prototypes, tandis que Northrop recevra 27,9 M$.
État des forces aériennes italiennes
Pour faire face à une menace accrue sur son flanc sud du fait de la pénétration soviétique en Méditerranée, l’Italie ne dispose pas des moyens financiers lui permettant de renforcer, à elle seule, son potentiel de guerre. Son budget de défense, voisin de 11 milliards de francs, ne saurait guère être augmenté d’autant plus que le climat social et les grèves constituent un obstacle déterminant à un projet dans ce sens. Le sud de l’Italie est pratiquement sans défense, un renforcement significatif ne pouvant être réalisé à brefs délais. Comme il est peu probable que les États-Unis reviennent sur leur politique de réduction des effectifs en Europe, l’Italie ne peut guère compter que sur la présence de 200 appareils de combat de la 6e Flotte américaine en Méditerranée, ce qui conduirait, suivant les estimations des spécialistes, à un rapport des forces aériennes de 4 à 1, à l’avantage des assaillants éventuels.
L’Italie a donc entrepris de rénover son parc aérien vétusté ou dépassé sur le plan des performances :
– Chasseurs : il existe encore 4 escadrons de Republic F-84 Thunderjet et North American F-86 Sabre. Plusieurs escadrons de Lockheed F-104G Starfighter se verront retirer leur mission d’assaut, celle-ci devant être confiée à des matériels plus modernes ;
– Transport : sur le plan du transport tactique, le retard est flagrant, l’Italie disposant essentiellement de Fairchild C-119 Flying Boxcar.
La principale difficulté pour la rénovation de la flotte réside dans le fait que les programmes doivent donner lieu à un accord annuel. Provisoirement, les premières mesures de renforcement consistent à prévoir des redéploiements d’urgence et organiser des opérations aéronavales en Méditerranée, les forces aériennes italiennes devant être amenées à assumer les missions de défense aérienne, de reconnaissance et d’assaut au-dessus de la mer.
À moyen terme, l’Armée de l’Air projette l’acquisition dès 1972, d’un nouveau chasseur ADAC/ADAV (décollage et atterrissage vertical). Avec un plan d’équipement de 5 ans, il serait possible d’installer une centaine de ces appareils dans les îles de la Méditerranée pour couvrir les approches de l’Italie et du Proche-Orient. L’appareil qui paraît le mieux adapté est le Hawker Siddeley Harrier dont la première implantation serait Pantelleria, à mi-chemin entre la Sicile et la Tunisie ; en effet, ni le F-104, ni le Fiat G.91 n’ont un rayon d’action suffisant pour intervenir en Afrique du Nord à partir des bases continentales.
À moyen terme également, l’Italie a un besoin pressant de 100 intercepteurs pour remplacer les F-84 et F-86 et soulager la tâche des F-104S armés de Sparrow qui viennent d’entrer en service.
Le choix d’un appareil de combat intermédiaire avant l’arrivée du MRCA (Multi-Role Combat Aircraft) n’a pas encore été arrêté ; 4 avions sont en compétition : le Dassault Mirage F1, le Lockheed CL-1200 Lancer, le McDonnell Douglas F-4 Phantom II et le Northrop P530.
Le Saab Viggen est un outsider non négligeable de même que le Ling Temco Vought LTV 1000. La version retenue du F-4 est celle proposée par Douglas à l’Allemagne et aux Pays-Bas.
En Italie, on pense que les finalistes seront le F1 et le P530 et que s’il fallait, sous la pression des événements, conclure un achat immédiat, la France aurait une grande chance de l’emporter. Par contre, pour une échéance plus lointaine, le P530, technologiquement plus avancé, remporterait les suffrages.
À long terme, l’armée de l’air italienne disposera de F-104S pour l’interception et la reconnaissance, de MRCA pour l’assaut et de Fiat G.91Y comme chasseurs légers d’assaut et de reconnaissance.
Le MRCA ne sera pas opérationnel avant 1980. Retenu tout d’abord avec hésitation, il jouit maintenant d’une plus grande considération dans la mesure où il permet à l’Italie de développer son industrie aérospatiale. L’Italie participe pour l’instant aux études dans une proportion de 15 % des dépenses engagées pour 5 ans. Il est vraisemblable qu’elle attendra plusieurs années pour confirmer sa commande de 100 appareils en fonction de l’évolution du prix de revient.
Pour le transport tactique, l’Italie semble avoir définitivement choisi un projet national, le Fiat G.222, qui permettra de développer l’industrie dans le sud du pays.
Pour le transport lourd, 2 Lockheed C-130 ont été achetés et 12 devraient suivre l’année prochaine. Les besoins globaux sont estimés à 24. De même 24 Piaggio-Douglas PD808, bi-réacteurs légers de transport et de liaison, sont également commandés.
Pour l’entraînement de base, le Macchi MB326 donne satisfaction (44 seront achetés entre 1972 et 1973). Le Fiat G.91T est très apprécié pour l’instruction des pilotes de G.91Y. Pour la mise en condition des pilotes sur F-104 et chasseur intérimaire, le Northrop T-38 Talon serait retenu, en particulier si le P530 l’emporte dans la compétition en cours. ♦