En dépit de son refus d'alignement sur les blocs, affirmé à Bandoeng en 1955, et de sa volonté de jouer un rôle médiateur entre eux, le Tiers-Monde n'a pas réussi à infléchir l'action des grandes puissances et il reste encore en marge du jeu de l'équilibre nucléaire. Pour la plupart de ses membres d'ailleurs, leur renonciation à la production d'armes nucléaires est purement formelle puisqu'ils seraient dans l'incapacité de les produire. Il n'en va pas de même pour des pays comme l'Inde et le Pakistan ou encore certains États du Moyen-Orient. Le rôle croissant de la Chine sur la scène internationale est susceptible de modifier sensiblement les positions de principe de certains gouvernements du Tiers-Monde à l'égard de la possession d'armes nucléaires.
Le Tiers-Monde et les armements nucléaires
On a coutume de désigner sous le vocable de « Tiers Monde » l’ensemble des pays en voie de développement. Souvent issus de la décolonisation, ils se veulent pour la plupart non engagés et proclament leur attachement aux principes du neutralisme définis à partir de la Conférence de Bandoeng. Ces principes incluent le rejet de tout alignement politique ou militaire, comme l’indique le communiqué final de la Conférence qui proclame « le refus de recourir à des accords de défense collective destinés à servir les intérêts particuliers des grandes puissances, quelles qu’elles soient ». Mais ce refus n’est pas indifférence passive. S’écartant en cela du code de la neutralité classique, les États dits neutralistes, s’ils refusent toute inféodation, se réservent le droit de prendre parti. Leur attitude à l’égard des mouvements de libération nationale en fait foi, comme en témoigne leur ambition de jouer le rôle d’une sorte de force régulatrice entre les deux « grands » et leurs blocs respectifs. Ce fut la grande idée de l’ancien Secrétaire Général des Nations-Unies, Dag Hammarskjoeld, qui entendait ainsi renforcer le rôle médiateur de l’O.N.U. Son successeur aussi, quoique avec plus de prudence, voit dans les non-alignés « un important élément qui, par son influence médiatrice et son rôle de catalyseur, aide à combler le fossé entre les positions extrêmes des deux camps ».
Cependant, à considérer la façon dont se sont résolues les grandes crises internationales depuis une vingtaine d’années, il semble que cette ambition n’ait pas résisté à l’épreuve des faits. Hormis quelques problèmes très localisés, les principales questions ont été réglées par les grands directement et en dehors de l’intervention des non-alignés.
Pourtant cette prétention paraissait au moins numériquement justifiée quand on songe à l’énorme masse humaine que représentent ces populations. C’est l’espoir que formulait en 1955 le Président Sukarno dans son discours d’ouverture de la Conférence de Bandoeng : « Nous autres, peuples d’Asie et d’Afrique, au nombre d’un milliard quatre cents millions, c’est-à-dire beaucoup plus que la moitié de la population terrestre, nous pouvons mobiliser ce que j’appellerais la violence morale des peuples dans l’intérêt de la paix ».
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