Maritime - La Bundesmarine - La marine argentine - La marine brésilienne
L’amiral Storelli, Chef d’état-major de la marine, s’est rendu en visite officielle en Allemagne fédérale (RFA), en Argentine et au Brésil. Essayons à cette occasion de donner un aperçu succinct de la situation actuelle de ces trois marines.
La Bundesmarine
Peu de changements étant intervenus depuis la chronique de juillet 1969 consacrée à l’organisation de la défense et de la marine fédérale, nous nous contenterons de rappeler que l’État-major de la marine qui est installé à Bonn fait partie du département des Affaires militaires, l’un des trois grands offices du ministère de la Défense, les deux autres étant ceux de l’Armement et de l’Administration. Il est dirigé par un vice-amiral qui porte le titre d’inspecteur de la marine ; il relève de l’inspecteur général des Forces armées (Bundeswehr).
L’État-major de la marine a été récemment réorganisé ; il comprend 7 divisions : personnel, renseignements, opérations, organisation, logistique, plans et matériel.
L’inspecteur de la marine a autorité sur deux grands subordonnés : le Commandement de la flotte, l’Office de la marine.
Le premier est installé à Glücksburg près de Flensburg sur la Baltique, à proximité de la frontière danoise. Il a sous ses ordres les forces navales et aéronavales et les deux régions maritimes de Kiel et Wilhelmshaven. Les forces sont articulées en groupements de mêmes catégories de moyens : amphibies, dragueurs, sous-marins, etc.
La Bundesmarine étant totalement intégrée à l’Otan, l’amiral commandant la Flotte qui, dans cette organisation, porte le titre de Flag Officer Germany (FOG), est subordonné avec la presque totalité de ses forces au commandement de la Baltique (COMNAVBALTAP) qui est assuré alternativement par un amiral danois et un amiral allemand.
La flotte allemande comprend :
– 3 destroyers lance-missiles Tartar dérivés des Charles F. Adams de 4 500 t de l’US Navy. Ces bâtiments sont entrés en service en 1969 et 1970 ;
– 4 destroyers classiques de 4 300 t classe Hamburg achevés entre 1964 et 1968 ;
– 5 destroyers hors d’âge cédés par l’US Navy et qui doivent lui être rendus prochainement ;
– 6 escorteurs rapides de 2 500 t du type Köln qui ont rallié la flotte entre 1961 et 1963 ;
– 40 vedettes lance-torpilles de 190 t classes Jaguar et Zobel construites entre 1957 et 1963 ;
– 10 sous-marins de 450 t construits entre 1960 et 1969 ;
– une flotte logistique très étoffée qui est supérieure en tonnage aux forces de combat. Elle a été conçue en vue de constituer des bases de soutien mobiles qui seraient repliées sur les pays alliés en cas de conflit. Il découle, en effet, de la proximité de l’adversaire potentiel que les bases à terre de la Bundesmarine sont très vulnérables ;
– une flotte auxiliaire, dont le navire-école Deutschland de 5 600 t ;
– deux escadres d’intercepteurs Lockheed F-104G Starfighter, fortes au total de près d’une centaine d’appareils ;
– une escadre de patrouilleurs Breguet Atlantic (20 avions) ;
– une escadre de servitude et de sauvetage aéromaritime.
Pour ce qui concerne le renouvellement du matériel, la Bundesmarine a renoncé aux 4 frégates de 4 000 t type 170 qu’elle projetait de construire, ces bâtiments ne répondant pas tout à fait aux besoins qui sont apparus nécessaires après le réexamen critique des missions de la marine auquel a procédé l’actuel ministre de la Défense, Helmut Schmidt, après l’arrivée au pouvoir du ministère Brandt [1969]. La mission principale de la Bundesmarine reste celle qui lui a été confiée par l’Otan, c’est-à-dire interdire à l’adversaire potentiel l’usage des Belts et attaquer son trafic en Baltique. Cette mission requiert des bâtiments adaptés à ce théâtre d’opérations bien particulier, faible profondeur, côtes toujours proches. Autrefois, la maîtrise de ce théâtre ne pouvait être obtenue que par des bâtiments de haut bord et c’est pourquoi on a vu les marines riveraines y maintenir encore jusqu’à ces dernières années des croiseurs et des destroyers. Mais avec l’avènement du missile qui donne aux petits bâtiments une puissance de feu considérable, il est maintenant possible avec le concours de l’aviation de contrôler aux moindres frais des théâtres resserrés comme celui de la Baltique. C’est pourquoi la Bundesmarine met l’accent dans son programme naval sur les vedettes lance-missiles et les sous-marins. Ce programme porte sur la construction de :
– 10 vedettes type 143 de 370 t et 34 nœuds, armées chacune de 4 missiles MM38 Exocet, de 2 pièces de 76 AA de fabrication italienne et de 2 tubes lance-torpilles (TLT) pour torpilles filoguidées. La mise en chantier de ces vedettes a été récemment approuvée par le Bundestag et les marchés sont en cours de passation en Allemagne.
– 20 vedettes type 148 de 250 t et 38 nœuds. Équipées de 4 MM38, d’un canon de 76, d’un de 40 et de 2 TLT, elles ont été commandées aux Constructions mécaniques de Normandie (Chantier Amiot). L’industrie allemande participe à la réalisation de ce contrat en fournissant les moteurs et en assurant l’équipement de huit vedettes qui seront livrées aux chantiers Lurssen par les CMN. Notre service technique des constructions navales a été chargé, comme maître d’œuvre, de suivre le bon développement de ce programme. La première vedette doit être livrée au début de 1973.
Ces 30 vedettes lance-missiles sont destinées à remplacer autant de vedettes type Jaguar, celles-ci menaçant d’arriver bientôt à limite d’usure ; les petits bâtiments de ce type ont en effet une longévité réduite du fait de leurs très hautes performances ;
— 18 sous-marins de 450 t, dont six sont destinés à remplacer les U3 à U8 actuellement en service qui sont soumis à des limitations opérationnelles consécutives à la qualité amagnétique de l’acier de construction.
Le programme naval prévoit également la modernisation des destroyers classe Hamburg en les équipant éventuellement de missiles surface-surface, la transformation d’un certain nombre de dragueurs en chasseurs de mines et l’achat en Grande-Bretagne d’une vingtaine d’hélicoptères Sikorsky SH-3 Sea King pour le sauvetage aéromaritime (contrat déjà signé) et la lutte anti-sous-marine (ASM).
Pour l’avenir, on s’intéresse aux hydroptères et l’on étudie le concept d’un conducteur de flottilles de vedettes lance-missiles équipé de missiles et d’un système de traitement des informations tactiques lié au PC permettant une conduite centralisée des opérations, que l’on envisage de construire à Flensburg. Enfin, on prévoit de remplacer les Starfighter par l’avion germano-italien MRCA (Multiple Role Combat Aircraft) [NDLR 2021 : Panavia Tornado], si toutefois cette construction en coopération voit le jour.
Les effectifs de la Bundesmarine se montent à environ 36 000 hommes dont 4 200 officiers et 14 000 officiers mariniers. Elle souffre toujours d’un déficit chronique en officiers à carrière courte. Le recrutement du personnel équipage servant à long terme demeure insuffisant malgré une certaine amélioration depuis quelque temps. Les appelés représentent encore plus de 20 % des effectifs et constitueraient parfois la moitié de l’équipage des bâtiments.
La marine argentine
La marine argentine est, avec la marine brésilienne, la plus importante des marines de l’Amérique latine. Sa mission serait la défense du littoral et du trafic maritime argentin en cas de guerre ; en temps de paix, elle assure la surveillance des côtes et du Rio de la Plata [NDLR 2021 : estuaire des fleuves Parana et Uruguay, à la frontière avec l’Uruguay, qui baigne Buenos Aires et Montevideo] et la sauvegarde de l’intégrité du territoire notamment dans les zones contestées par d’autres pays (Terre de feu, Canal de Beagle). Elle est, en outre, chargée des recherches océanographiques et hydrographiques en particulier dans l’Antarctique où elle dispose de bases scientifiques.
À la tête de la marine, se trouve le Commandant en chef de la marine qui exerce son autorité directe sur l’État-major général implanté à Buenos Aires. Il a pour adjoint le commandant des Forces opérationnelles dont le PC est situé à Puerto Belgrano et qui supervise les activités opérationnelles de la flotte et des forces aéronavales.
Le littoral argentin est divisé en cinq régions navales : Buenos Aires, Rio Santiago, Mar del Plata, Puerto Belgrano, Ushuaia à la pointe sud de la Terre de Feu.
La flotte de haute mer est basée à Puerto Belgrano tandis que les sous-marins sont stationnés à Mar del Plata.
La Flotte, dont le tonnage global se monte à 140 000 t environ dont 57 000 de bâtiments logistiques et de servitude, se compose essentiellement des bâtiments suivants :
– 1 porte-avions de 19 000 t, le 25 [Veinticinco] De Mayo (ex-Karel Doorman) acheté en 1968 aux Néerlandais ;
– 3 croiseurs anciens, dont deux ex-américains et La Argentina construit en 1939 en Grande-Bretagne pour le compte de l’Argentine. Il est présentement utilisé comme navire-école et a été aménagé en conséquence ;
– 6 destroyers anciens dont 3 de 3 000 t du type Fletcher de l’US Navy et 3 de 2 000 t, achevés en Angleterre en 1938 ;
– 2 escorteurs de 1 400 t (classe Azopardo) et deux autres de 1 000 t (classe King), achevés en Argentine en 1958 et 1946 respectivement ;
– 2 sous-marins de 1 500 t ex-américains datant de 1944, mais refondus avant cession ;
– 6 dragueurs côtiers de 400 t du type Ton britannique [NDLR 2021 : portant initialement des noms de villes britanniques finissant par « ton »] de construction récente, achetés en 1967 ;
– 6 avisos provenant de l’aménagement de remorqueurs océaniques américains ;
– divers bâtiments de débarquement dont un LSD (Landing Ship Dock) de 8 000 t modernisé et cédé par l’US Navy.
L’aéronautique navale est forte d’environ une cinquantaine d’aéronefs. Le matériel est de provenance variée (bimoteurs Grumman S-2 Tracker de lutte ASM, patrouilleurs Lockheed P-2V Neptune, hélicoptères type Alouette III, etc.). Seize avions d’assaut du type Douglas A-4B Skyhawk de l’US Navy ont été commandés aux États-Unis pour le 25 De Mayo ; ils seront embarqués sur ce porte-avions vers la fin de l’année.
Comme son matériel est dans l’ensemble assez vétusté, quoique fort bien entretenu, la marine a mis sur pied un programme de renouvellement pour la réalisation duquel elle s’est tournée vers l’Europe. Sont actuellement en construction :
– 2 destroyers lance-missiles antiaériens type Sheffield, commandés en Grande-Bretagne (3 600 t, 28 nœuds, missiles Sea Dart, un canon de 114, un hélicoptère Westland WG.13). L’un sera construit en Angleterre, l’autre baptisé Hercules, monté dans l’arsenal de Rio Santiago près de Buenos Aires avec l’assistance technique de la firme Vickers ;
– 2 sous-marins de 1 000 t commandés en Allemagne fédérale et livrables en 1972 ;
– 2 vedettes rapides également commandées à un chantier allemand ;
– 1 bâtiment de débarquement de 2 500 t en construction à Rio Santiago. Deux destroyers et deux sous-marins ex-américains doivent être par ailleurs cédés prochainement.
La marine argentine s’intéresse à notre avion de patrouille Breguet Atlantic et à notre système surface-surface MM38 qu’elle souhaiterait installer sur les deux destroyers en construction.
Son personnel se monte à 35 000 h environ y compris 11 000 h du contingent appelés sous les drapeaux et 5 000 h de l’infanterie de marine. Cette dernière est une des plus réputées de l’Amérique latine. Les officiers viennent de l’École navale de Rio Santiago ; les cours durent 4 ans, dont un an à bord du croiseur-école La Argentina. Leur formation de spécialistes s’effectue ensuite à l’École Polytechnique navale qui est subordonnée au directeur de l’École navale. Les officiers qui se destinent à l’aéronavale sont à l’issue de leur passage sur La Argentina, envoyés à l’École de l’aviation navale à la base Commandante Espora près de Bahia Blanca.
La marine brésilienne
La principale mission de la marine brésilienne serait, en cas de guerre, d’assurer la protection des côtes et du trafic maritime et dans les voies navigables. Pour le temps de paix, ses tâches viennent d’être considérablement accrues à la suite de la décision du gouvernement de Brasilia de porter à 200 milles marins la limite des eaux territoriales du pays. Dans l’état actuel de ses moyens, la marine ne pourrait que très difficilement satisfaire à toutes les obligations (notamment la police et la protection de la pêche) qui découlent de cette décision. Aussi a-t-elle lancé un vaste programme de constructions neuves.
Au point de vue organisation, un ministre exerce la haute direction de l’ensemble de la marine par l’intermédiaire du Commandant supérieur des Forces navales qui a le titre officiel de Chef des opérations navales. Relèvent de ce dernier : les forces navales et aéronavales, le corps des fusiliers marins, les districts navals et le commandement chargé du contrôle du trafic maritime. Dépendent du ministre : le Secrétaire général de la marine chargé de l’intendance et de l’administration, le Directeur général du matériel, le Directeur du personnel civil et militaire et enfin le Directeur chargé de superviser les directions de l’hydrographie, des ports et bases.
Le littoral maritime est divisé en 7 districts navals : Rio de Janeiro, Salvador, Recife, Belem, Florianopolis, Sao Paolo, Brasilia.
Totalisant quelque 130 000 t de bâtiments dont 72 000 de combat, la flotte comprend en gros :
– 1 porte-avions léger de 10 000 t, le Minas Geraes d’un type analogue au 25 De Mayo argentin. C’est l’ex-HMS Vengeance de la Royal Navy acheté fin 1956 et modernisé par la suite aux Pays-Bas ;
– 2 croiseurs hors d’âge ex-américains ;
– 11 destroyers anciens, dont 5 construits au Brésil, datant d’une vingtaine d’années et 7 du type Fletcher qui ont été cédés par l’US Navy ;
– 2 sous-marins de 1 500 t ex-américains également ;
– 15 escorteurs anciens pour la plupart ;
– une vingtaine d’unités légères (patrouilleurs, vedettes, canonnières fluviales, etc.) ;
– une douzaine de navires logistiques dont 1 pétrolier ravitailleur et 4 transports récents.
L’aéronautique navale ne dispose actuellement que d’hélicoptères ASM ou de servitude, mais l’armée de l’air arme quelques bimoteurs ASM S-2F Tracker et quelques avions de patrouille Neptune qui peuvent être mis pour emploi aux ordres de la marine. La base principale de l’aéronavale est Sao Pedro da Aldeia près de Rio de Janeiro.
Le plan de modernisation de la flotte conçu et mis au point en 1968 prévoit la construction de : 20 escorteurs ; 6 sous-marins ; 55 patrouilleurs ; 2 navires amphibies ; 60 dragueurs.
La réalisation de ce programme en cours d’exécution porte actuellement sur :
– 6 escorteurs de 3 900 t du type MK10 de la firme britannique Vosper Thornycroft dont 2 seront construits au Brésil. Propulsés par turbines à gaz pour la marche à grande vitesse et par diesels pour la navigation économique, 2 de ces bâtiments auront une vocation anti-surface et antiaérienne, tandis que les deux autres seront surtout destinés à la lutte ASM. L’armement des premiers comprendra 4 missiles MM38 Exocet ;
– 2 sous-marins du type Oberon de la Royal Navy ; le 1er de ces bâtiments, L’Humaita, a été lancé le 5 octobre dernier ;
– 6 patrouilleurs côtiers en construction dans l’arsenal de Rio ;
– 2 patrouilleurs fluviaux de 700 t également en construction dans cet arsenal ;
– 4 dragueurs rapides en Allemagne ;
– 6 annexes hydrographiques.
Le personnel de la marine brésilienne s’élève à quelque 44 000 h y compris 10 000 appartenant au corps des fusiliers marins. Les officiers au nombre de 3 400 environ sont formés en 4 ans à l’École navale de Rio par promotion de 100 à 150 élèves. L’École de guerre navale prépare la majorité de ces officiers aux responsabilités de commandement et d’état-major.
Les équipages sont recrutés par conscription chez les marins-pêcheurs et par volontariat. Quant au corps des fusiliers marins uniquement composé d’engagés, il est instruit sur le modèle du « Marine Corps » américain. Il est stationné sur l’île de Governador près de Rio de Ladario dans l’intérieur du pays. Le bataillon Riachuelo stationné dans l’île de Governador représente l’élite du corps. ♦