Maritime - Situation et perspectives d'évolution des principales marines de guerre - Les opérations aéronavales durant le conflit indo-pakistanais
Situation et perspectives d’évolution des principales marines de guerre
Nous avons dans notre chronique de janvier retracé, à l’occasion de la parution de l’édition 1972 des Flottes de combat, l’évolution des matériels navals. Notre propos sera cette fois principalement consacré à la situation présente des principales marines et à leur évolution prévisible à court et moyen terme.
La marine des États-Unis
Avec une flotte active forte d’environ 700 bâtiments dont plus de 400 de combat et une aéronavale de 7 000 appareils, l’US Navy demeure, quoique talonnée par la marine soviétique, toujours la première du monde, la mieux équilibrée dans tous ses moyens et la seule en mesure d’appliquer sa force de façon modulée en tout point du globe.
Bien que l’âge moyen de la flotte ait été artificiellement réduit par la mise en réserve d’un très grand nombre d’unités qui avait été réarmées à l’occasion du conflit indochinois, il n’en demeure pas moins que dans certaines catégories de navires, le matériel de l’US Navy est plus ancien que celui de la marine russe. C’est en particulier le cas dans la classe des bâtiments légers dont la majorité ont participé à la dernière guerre, à l’affaire de Corée et aux opérations en Indochine. Aussi est-ce dans cette catégorie de navires qu’elle va faire porter maintenant son effort au cours des prochaines années.
L’US Navy comprend trois grandes catégories de forces :
– les forces de représailles stratégiques ;
– les forces de combat à usage général et les forces de soutien logistique ;
– les forces amphibies et le Marine Corps.
Forces de représailles stratégiques :
La composante navale de la force nucléaire stratégique américaine est constituée de 41 sous-marins à propulsion nucléaire de 6 000 à 7 300 tonnes (SSBN), équipés chacun de 16 missiles Polaris appartenant aux modèles :
– A2 : charge de 800 kt, portée 1 500 nautiques (3 000 km environ) ;
– A3 : charge 1 Mt, portée 2 500 nq (5 000 km environ). L’ensemble représente une capacité de frappe de 656 missiles.
L’US Navy procède actuellement à l’installation dans l’ogive du modèle A3 d’une charge nucléaire à 3 corps de rentrée de 200 kt chacun. Ce sont des véhicules non manœuvrables lancés en grappe de manière à obtenir une certaine dispersion (système MRV : Multiple Reentry Vehicle).
D’ici 1976, la capacité de frappe des SSBN américains va être considérablement renforcée grâce au remplacement sur les 31 unités de la classe La Fayette (7 300 t) des 16 Polaris A3 par autant de missiles Poseidon. Six SSBN sont déjà équipés de ce système dont la portée est sensiblement la même que celle du Polaris A3 mais qui est doté d’une ogive du type MIRV (Multiple Independently Reentry Vehicle) à 10 corps de rentrée d’une puissance de l’ordre 50 kt qui peuvent être lancés et dirigés sur des cibles distantes de plusieurs centaines de kilomètres les unes des autres.
Pour compléter cette force navale de dissuasion, l’US Navy prévoit de construire, à partir de 1980, 25 SNLE équipés chacun de 20 à 24 missiles du type Perseus de 6 000 nq de portée (11 000 km environ). Ce projet qui reviendrait, estime-t-on, à 15 milliards de dollars, porte le nom de ULMS (Under Sea Long Range Missile System). En attendant sa réalisation la marine étudie actuellement la possibilité de remplacer le Poseidon par une version modifiée du Perseus appelée Perseus 1 dont la portée serait de 4 500 nq (9 000 km). L’installation de ce missile à bord des unités de la classe La Fayette n’entraînerait pas une refonte de ces bâtiments.
Forces à usage général :
Le porte-avions reste et demeurera pendant longtemps encore la clef de voûte de la puissance navale polyvalente de l’US Navy. Elle possède actuellement 14 porte-avions d’attaque (CVA) dont :
– 1 atomique, l’Enterprise de 80 000 t ;
– 7 de 70 000 t du type Forrestal ou dérivés de ce type ;
– 3 de 60 000 t du type Midway ;
– 3 plus anciens de 45 000 t du type Hancock.
À ces porte-avions il faut ajouter 11 bâtiments du type CVS équipés pour la lutte anti-sous-marine (ASM) dont 2 sont seulement en service.
Deux porte-avions nucléaires sont en construction le Chester Nimitz et le D. Eisenhower de 90 000 t. L’amiral Zumwalt, commandant en chef de l’US Navy, voudrait que la marine reçoive l’autorisation de mettre tous les trois ans un porte-avions nucléaire en chantier et il espère que le Congrès autorisera cette année la mise sur cale du CVAN 70 dont la construction a été différée sur sa demande.
Les grands porte-avions d’attaque mettent chacun en œuvre de 80 à 100 appareils d’interception ou d’assaut. Par suite de la mise en réserve prochaine des derniers CVS encore en activité, l’US Navy installe sur les CVA quelques aéronefs ASM à la place d’un certain nombre d’avions d’assaut.
Pour protéger les voies de communication maritimes, l’amiral souhaite que l’on construise une vingtaine de bâtiments bon marché de 12 000 à 20 000 t porteurs chacun de quelques hélicoptères porte-radar et d’avions type Adav/Adac (Avions à décollage et atterrissage verticaux/courts). La mission prévue pour ces bâtiments, appelés « sea control ships », est avant tout la lutte anti-surface ; les hélicoptères serviront à la détection éloignée tandis que les avions Adav/Adac serviront à l’attaque des cibles de surface et éventuellement à la défense aérienne. Le porte-hélicoptères d’assaut Guam va prochainement recevoir un certain nombre d’avions Harrier, empruntés au Marine Corps, et d’hélicoptères pour servir à l’évaluation de cette formule.
Le gros problème de l’US Navy est, comme il a été dit, le renouvellement de plus de la moitié de sa flotte de frégates, destroyers et escorteurs, soit plus d’une centaine de bâtiments. Le renouvellement de cette force a commencé il y a quelques années avec la construction ou la refonte de 65 frégates ou destroyers lance-missiles. Le programme en cours de réalisation porte sur 41 escorteurs de 4 000 t du type Knox, qui sont l’objet de nombreuses critiques, et sur 30 bâtiments du type Spruance. Ces derniers qui sont propulsés par turbines à gaz, présentent, grâce à leur tonnage tant sur le plan de l’habitabilité que de l’armement, des équipements et de la distance franchissable (6 000 nq à 20 nœuds), des caractéristiques remarquables leur permettant d’assurer dans les meilleures conditions la défense ASM des Striking Fleets de porte-avions, mais ils ont l’inconvénient de coûter fort cher.
Pour prendre la suite des Knox et remplacer les vieux destroyers encore en service, la Navy étudie actuellement le concept d’un bâtiment à turbines à gaz d’environ 3 400 t baptisé Patrol Frigate (PF). Il sera construit en deux versions ; l’une à vocation ASM sera équipée d’un hélicoptère léger piloté porteur d’armes ; l’autre à vocation principale anti-surface sera dotée de quelques missiles aérodynamiques surface-surface Harpoon, actuellement à l’étude. Il est prévu de construire 50 et peut-être même 80 escorteurs de ce type destinés sans aucun doute à assurer sur tous les océans ce que les Américains appellent le « Sea Control ».
Dans la catégorie des sous-marins d’attaque, la marine américaine poursuit sans relâche le remplacement des sous-marins Diesel par des sous-marins nucléaires (SNA). Cinquante-cinq sont en service et 21 en construction ou commandés. Parmi ces derniers figurent une douzaine de bâtiments type SSN-688 particulièrement silencieux et rapides (40 nœuds). Le but poursuivi est de posséder en 1980 une flotte de 105 SNA et de remplacer les unités anciennes par la mise en chantier de cinq bâtiments nouveaux chaque année. Tous les SNA récents sont équipés d’une arme ASM à changement de milieu, le Subroc qui est une sorte de missile porteur d’une charge nucléaire ou d’une torpille. Lancé par les tubes lance-torpilles en direction d’un sous-marin repéré par le sonar du bâtiment, il suit d’abord une trajectoire sous-marine puis une trajectoire aérienne qui se termine par à nouveau une trajectoire sous-marine ; sa portée est supérieure à 50 km. Les SNA futurs disposeront, en plus du Subroc, de missiles anti-surface qu’ils lanceront en plongée.
La flotte logistique, pour laquelle un très gros effort a été fait et continue à se développer, est forte de plus de 200 bâtiments de tous types dont la moitié sont armés et qui assurent à la marine américaine une mobilité stratégique inégalée. La tendance est actuellement d’y remplacer les navires spécialisés pour une tâche bien déterminée par des grands navires polyvalents équipés d’hélicoptères cargos pour faire du ravitaillement vertical.
Très caractéristiques de cette tendance sont les 6 grands pétroliers ravitailleurs d’escadre du type AOR Wichita de 38 000 t et surtout les AOE de 55 000 t et 25 nœuds de la classe Sacramento qui combinent les fonctions dévolues autrefois aux pétroliers, aux ravitailleurs de vivres, aux transports de munitions, etc.
Forces amphibies :
La flotte amphibie est elle aussi considérable puisqu’elle totalise quelque 150 bâtiments, mais la majorité de ceux-ci datent encore de la guerre bien que l’US Navy ait entrepris depuis quelques années un effort spectaculaire de constructions neuves qui vise à la doter d’une force capable de transporter un corps expéditionnaire à 20 nœuds. Cet effort a d’abord porté sur les porte-hélicoptères d’assaut et les transports de chalands de débarquement. Le programme en cours porte sur 5 LHA de 40 000 t qui assurent les fonctions dévolues à ces deux types de bâtiments et sur 20 LST (Bâtiment de débarquement de chars) de 9 000 t. Deux bâtiments de commandement des opérations amphibies remarquablement équipés notamment sur le plan des transmissions ont été récemment mis en service. Lorsque tous les bâtiments modernes en construction auront rallié la flotte, celle-ci sera en mesure de déployer outre-mer en deux fois moins de temps qu’auparavant 3 Marine Expeditionnary Forces fortes chacune de 18 000 hommes avec chars et artillerie et 330 aéronefs. Créé en 1775, le Marine Corps confère à la marine américaine une incontestable originalité. Les trois principales missions qui lui sont assignées sont, il est bon de le rappeler :
– s’emparer ou défendre les bases avancées nécessaires aux opérations de la flotte ;
– fournir des détachements de sécurité à bord des bâtiments et des bases à terre de la marine ;
– exécuter toutes les tâches que le président des États-Unis peut éventuellement lui confier, ce qui lui permet de l’utiliser dans la légalité à des missions diverses (combats du Bois Belleau en 1918, Indochine récemment) hors du cadre des opérations purement navales.
Pour terminer ce trop bref aperçu des moyens de l’US Navy, disons que son aéronautique navale est forte de près de 7 000 appareils de tous types dont plus de 2 000 aéronefs de combat ainsi répartis :
– aviation embarquée : 1 400 (F-4 Phantom, A-6 Intruder, A-7 Corsair, A-4 Skyhawk, avions et hélicoptères ASM, etc.) ;
– avions de patrouille maritime : 216 P-3 Orion ;
– avions du Marine Corps : 550 (Harrier, A-4 Skyhawk, etc.). Le personnel de l’US Navy se monte à un peu plus de 600 000 h dont 72 000 officiers ; celui du Marine Corps depuis la déflation des effectifs consécutive au retrait progressif de l’engagement américain au Vietnam a été ramené aux environs de 200 000 h dont près de 20 000 officiers.
La marine soviétique
Après la flotte classique et plutôt défensive qu’ils ont construite de 1950 à 1957, les Soviétiques ont entrepris et poursuivent la construction d’une flotte océanique qui menace la primauté de l’US Navy. La réalisation de cette flotte a demandé un effort gigantesque qui se traduit annuellement encore par les plus importants programmes de constructions neuves jamais mis sur pied en temps de paix. Le programme de sous-marins nucléaires à lui seul, calculé selon les normes françaises, représente chaque année quelque 12 Md de nos francs actuels, soit largement plus du double du budget de la Marine française. L’effort de la marine soviétique reste axé en priorité sur les sous-marins nucléaires, mais la force de surface est, elle aussi, en pleine expansion.
Force sous-marine :
Dans la catégorie des sous-marins nucléaires lance-missiles stratégiques, l’effort de la marine soviétique est impressionnant et la plupart des experts navals considèrent qu’elle est en passe de rattraper les Américains.
Elle disposerait actuellement de près d’une trentaine de SNLE dont :
– 10 du type H de 5 000 t sont équipés de 3 missiles type SSN-5 de 1 500 km de portée ;
– 16 à 18 de la nouvelle classe Y, apparue pour la première fois en 1967. Ces bâtiments de 7 000 à 8 000 t peuvent mettre en œuvre, comme les SNLE occidentaux à qui ils ressemblent comme des frères, 16 missiles type SSN-6. Ceux-ci auraient une portée de l’ordre de 3 000 km. Ces sous-marins sont construits dans les chantiers de Severodvinsk près d’Arkangelsk en mer Blanche et à Komsomolsk sur l’Amour en Extrême-Orient ; le taux de construction est évalué à 5 ou 6 bâtiments chaque année. Les unités actuellement sur cale seraient d’un nouveau modèle équipé d’un missile, le SSN-8 Sawfly susceptible d’atteindre une cible située à 6 000 km.
Parallèlement aux SNLE, type Y, l’URSS construirait chaque année 4 à 6 SNA. Les plus récentes unités (classes V et C) ne le cèdent en rien en ce qui concerne leurs caractéristiques aux unités similaires américaines et britanniques et même certaines d’entre elles (classe C) sont équipées de missiles anti-surface lançables en plongée, ce qui représente une menace extrêmement grave, ces sous-marins pouvant lancer leurs missiles hors de la portée de détection des bâtiments qu’ils attaquent. La marine soviétique possède aussi une trentaine de SNA équipés de missiles aérodynamiques mais ils sont obligés de faire surface pour les lancer, ce qui représente un handicap sérieux : aussi faut-il s’attendre à ce que tous ces SNA soient un jour ou l’autre munis de missiles lançables en immersion. Les SNA vont progressivement remplacer les sous-marins Diesel les plus anciens. Dans cette catégorie de sous-marins, l’URSS possède quelque 290 bâtiments dont près d’une cinquantaine, les F, sont de construction récente.
Cet effort extraordinaire de la marine russe dans le domaine des sous-marins nucléaires ne laisse pas de surprendre certains observateurs qui se demandent si l’industrie nucléaire soviétique est capable de satisfaire une telle cadence. Il est cependant cohérent avec ce que l’on connaît des possibilités de l’URSS dans ce domaine et, compte tenu des progrès accomplis en matière de construction, à peine supérieur à celui qui a été réalisé entre 1959 et 1968, période pendant laquelle plus de 60 sous-marins nucléaires ont rallié la flotte (classes N, H et E). Mais plus important encore que de construire des sous-marins nucléaires est de pouvoir les armer avec du personnel hautement qualifié. Or dans ce domaine, les Soviétiques sont des plus discrets.
La flotte de surface est, semble-t-il, avant tout une force destinée à soutenir en temps de paix la politique et l’expansionnisme soviétiques dans le monde. Tous les bâtiments récents sont équipés de missiles anti-surface, antiaériens et ASM. Il faut notamment citer les deux porte-hélicoptères de la classe Moskva et les remarquables croiseurs de 7 000 t de la classe Kresta II, les superbes destroyers de la classe Kashin et le tout dernier Krivak que les Américains considèrent comme le plus puissamment armé dans sa catégorie. Au moins cinq Kresta II et peut-être autant de Krivak sont à divers stades de construction.
Parallèlement à ces grandes unités de haute mer, la marine soviétique améliore sans cesse ses forces de défense côtière. Tout récemment elle vient de mettre en service de nouveaux escorteurs (classe Grisha) et aussi des gros patrouilleurs, les Nanouchka, équipés de six missiles d’un type beaucoup plus élaboré que le Styx.
La flotte logistique est encore un des points faibles de la marine soviétique ce qui limite sa liberté d’action même en temps de paix. Mais de nombreux indices, notamment la sortie d’un ravitailleur polyvalent de gros tonnage, le Boris Chilikin, montrent qu’elle est en train de combler son retard dans ce domaine. Un autre point faible est l’absence d’aviation embarquée ; la marine soviétique en a conscience et il ne serait pas impossible qu’elle se dote à plus ou moins long terme de porte-aéronefs à pont continu. Elle dispose par contre d’une aviation navale basée à terre forte de plus de 1 000 avions et hélicoptères dont 300 bombardiers Badger à long rayon d’action équipés de missiles nucléaires à longue portée. Les effectifs de la marine soviétique se montent, estime-t-on, à 475 000 h et femmes dont 62 000 officiers, 95 000 officiers-mariniers et 318 000 h d’équipage. Sur ce total, 175 000 sont embarqués, 45 000 relèvent de l’aéronautique navale et le reste sert à terre. À noter que sur les 318 000 h d’équipage, 18 000 seulement servent au-delà de la durée légale, les autres provenant du recrutement. Cette faiblesse du personnel engagé est compensée par le fait que les recrues désignées pour la marine font trois ans de service alors que celles qui sont affectées à l’aviation navale n’en font que deux ; cette inégalité devant le service militaire ne paraît pas anormale en URSS.
La Royal Navy
Si la Royal Navy n’occupe plus que la troisième place, loin derrière la marine soviétique, dans la hiérarchie des grandes marines, elle demeure par contre la première de l’Europe occidentale et tout gouvernement britannique, quelle que soit sa couleur politique, entendra lui conserver ce rang.
FNS :
Depuis juin 1969, la Royal Navy assume avec les quatre SNLE de la classe Resolution la responsabilité de la force de représailles stratégiques du Royaume-Uni. Chacun de ces sous-marins, de 7 000 t en plongée, met en œuvre 16 missiles du type américain A3, mais l’ogive nucléaire à 3 corps de rentrée de 400 kt est de conception et fabrication nationales.
Forces à usage général :
Le précédent gouvernement de M. Wilson avait, comme on sait, décidé de retirer du service les porte-avions fin 1971. Le gouvernement de M. Heath est revenu sur cette décision. Il aurait souhaité conserver les 2 porte-avions actuellement en service, l’Eagle et l’Ark Royal, mais par suite de la disparition de l’aviation à aile fixe voulue par le précédent gouvernement, mesure qui s’est avérée irréversible, seul l’Ark Royal serait maintenu en activité jusqu’à la fin de la décennie. L’Eagle va être prochainement envoyé à la démolition.
Pour faire face à la menace aérienne toujours omniprésente, la Royal Navy étudie actuellement un succédané du porte-avions qu’on appelle le « Through deck cruiser ». Déplaçant environ 20 000 t, ce bâtiment sera équipé d’un pont d’envol continu pour hélicoptères et avions type Adac/Adav dérivés du Harrier.
En attendant la mise en service du premier bâtiment de ce type, la Royal Navy a entrepris de doubler sa flotte de frégates lance-missiles. Aux 8 unités de la classe County vont venir s’ajouter d’ici 1975, 7 bâtiments dont le Bristol, de 6 500 t, qui doit rallier la flotte prochainement et 6 du type Sheffield, de 3 600 t, en construction ou commandés.
Dans la catégorie des bâtiments ASM océaniques, la Royal Navy possède une splendide flotte de 68 escorteurs modernes ou modernisés de 2 500 à 3 000 t dont l’ossature est constituée par les 26 remarquables frégates du type Leander. La plupart de ces escorteurs sont équipés d’un hélicoptère léger ASM et antisurface. Ces bâtiments, de même que les frégates classe County, Bristol et Sheffield, vont être équipés de notre missile MM38 Exocet ce qui augmentera considérablement leur puissance militaire. À noter aussi que les navires récents sont tous propulsés par turbines à gaz.
En ce qui concerne les sous-marins, la Royal Navy se forge une splendide force de SNA qu’elle est la seule à posséder en Europe. Cinq sont en service et 5 autres en construction. Avec ceux qui sont prévus, on estime qu’elle possédera en 1980 au moins 13 SNA ce qui lui donnera une énorme avance sur les marines de l’Europe occidentale.
Tous ces navires de combat peuvent s’appuyer sur une remarquable et moderne flotte de soutien logistique. Pour situer l’importance de cette flotte, il est intéressant d’observer que si les forces de combat de la Royal Navy sont comparées aux nôtres dans le rapport 2,5 à 1, celui-ci est de 8 à 1 en ce qui concerne le soutien logistique. Cette comparaison aide à prendre la mesure de la mobilité stratégique de la marine britannique. La majorité de cette flotte constitue ce qu’on appelle la Royal Fleet Auxiliary qui est armée par du personnel civil (5 900) servant sous contrat.
Seule l’aviation embarquée ou Fleet Air Arm appartient en propre à la marine. Elle se monte présentement à environ 250 aéronefs de première ligne dont 20 F-4 Phantom et 100 hélicoptères ASM ou d’assaut. L’aviation de patrouille maritime basée à terre relève de la RAF ; elle comprend une trentaine de modernes quadriréacteurs Hawker Siddeley Nimrod et une bonne vingtaine de vieux quadrimoteurs Avro 696 Shackleton. Une partie de ces appareils âgés de vingt ans est en cours de transformation en avions de veille aérienne radar.
Les effectifs de la Royal Navy, y compris les Royal Marines, se montent seulement à un peu plus de 84 000 h dont 10 500 officiers ou assimilés, mais il convient de noter que l’aviation ASM basée à terre ne relève pas de la marine et que la flotte auxiliaire est armée par du personnel civil.
Les autres marines
Les Flottes de Combat 1972 montrent que toutes les autres marines font elles aussi un très net effort, en dépit parfois des difficultés financières, pour renouveler leur matériel. C’est le cas notamment de la marine royale néerlandaise dont le programme de constructions neuves porte sur deux frégates lance-missiles de 4 500 t, quatre escorteurs de 3 000 t et un grand ravitailleur d’escadre de 20 000 t. C’est aussi le cas de la marine espagnole qui a reçu du matériel américain mais qui construit également des frégates lance-missiles dans ses propres chantiers. C’est enfin la marine italienne qui vient de mettre à l’eau deux superbes destroyers (Audace et Ardito) qui font honneur à ses ingénieurs navals. Il en est de même pour les petites marines des pays en voie de développement qui rivalisent entre elles pour acquérir la vedette lance-missiles du type le plus évolué.
Que dire de notre Marine dans cet aperçu sur la situation et l’évolution des diverses marines si ce n’est de renvoyer le lecteur à notre chronique de février 1971 où nous avons décrit ce que sera sa triste situation à partir de 1980 si un effort de renouvellement de la flotte classique n’est pas accompli au cours de la 4e loi d’équipement militaire. N’est-il pas par ailleurs anormal qu’un pays comme le nôtre, dont 75 % des ressources énergétiques empruntent la voie maritime, consacre à sa Marine un pourcentage de son budget militaire parmi les plus faibles qui soient.
Tableau comparatif des principales marines par grandes catégories de bâtiments
(Entre parenthèses bâtiments en construction).
Pays |
États-Unis |
URSS |
G.B. |
Pays-Bas |
Suède |
RFA |
Espagne |
Italie |
Japon |
Canada |
France |
% Budget |
6,8 % |
? |
5,5 % |
3,5 % |
4 % |
3 % |
2,5 % |
2,25 % |
0,8 % |
2,2 % |
3 % |
% Marine/Défense |
3,5 % |
40 % |
30 % |
23 % |
13,5 % |
10 % |
20 % |
15 % |
24 % |
12,7 % |
17,5 % |
SNLE |
41 |
30 (15) |
4 |
|
|
|
|
|
|
|
1 (3) |
Porte-avions |
16 (2) |
|
2 |
|
|
|
|
|
|
|
2 |
Porte-hélicoptères |
7 |
2 |
4 |
|
|
|
1 |
3 |
1 (2) |
|
2 |
Croiseurs lance-missiles |
10 |
12 (5) |
|
1 |
|
|
|
3 |
|
|
1 |
Croiseurs classiques |
13 |
14 |
3 |
1 |
|
|
1 |
|
|
|
1 |
Frégates et destroyers LM |
65 (4) |
37 (5) |
8 (7) |
(2) |
2 |
3 |
(5) |
2 (2) |
1 (1) |
|
6 |
Destroyers et escorteurs 1 000 t |
380 (47) |
160 |
68 (10) |
18 (4) |
13 (2) |
15 |
27 |
27 |
37 (5) |
20 (4) |
40 (4) |
Vedettes |
- |
140 (10) |
|
|
(12) |
(30) |
|
|
|
|
|
Vedettes |
- |
300 |
|
|
42 |
40 |
2 |
12 |
5 (1) |
|
|
SNA |
55 (21) |
68 * (8) |
5 (5) |
|
|
|
|
|
|
|
|
Autres sous-marins |
50 |
290 ** |
26 |
4 (2) |
22 (5) |
12 (24) |
5 (4) |
10 (4) |
11 (3) |
4 |
20 |
* dont 40 équipés de missiles aérodynamiques.
** dont 22 équipés de missiles balistiques et 16 dotés de missiles aérodynamiques.
En résumé, il n’est pas exagéré de dire que l’examen approfondi du livre de M. Le Masson, à travers des statistiques et des données parfois austères, montre à l’évidence l’importance croissante que les divers pays accordent à la stratégie maritime.
Le développement spectaculaire des trois plus grandes marines, le souci des moyennes puissances de conserver des forces navales en rapport avec leurs intérêts mondiaux, le fait qu’un des premiers besoins d’une nation qui accède à l’indépendance soit celui d’une marine au minimum capable d’assurer la défense de ses côtes n’en sont-ils pas la meilleure des illustrations ? C’est que la mer, vaste étendue sans appartenance, hormis les eaux territoriales, voie d’acheminement des principaux produits bruts ou transformés, source d’immenses richesses dont l’exploitation est à peine amorcée, apparaît de plus en plus comme le champ clos idéal où à l’abri de la dissuasion atomique les grandes puissances désormais s’opposeront, voire s’affronteront, soit directement, soit par personnes interposées tout en restant largement en dessous du seuil nucléaire.
Les opérations aéronavales durant le conflit indo-pakistanais
Le tableau ci-après donne la situation comparée des flottes indienne et pakistanaise avant que ne se déclenche le court conflit qui vient d’opposer l’Inde et le Pakistan.
|
Inde |
Pakistan |
Porte-avions |
1, le Vikrant |
- |
Croiseurs |
2 anciens |
1 très ancien (bâtiment-école) |
Destroyers |
6 anciens |
5 anciens |
Escorteurs |
14 de construction récente dont 6 ex-soviétiques |
2 anciens |
Sous-marins |
4 récents du type F soviétique |
4 dont 3 très récents du type français Daphné |
Vedettes lance-missiles |
14 du type OSA soviétique |
- |
Effectifs |
29 000 hommes |
11 000 hommes |
Ce tableau fait apparaître la nette supériorité numérique et qualitative de la flotte indienne sur sa rivale. Cette supériorité a assuré à l’Inde une aisance stratégique incontestable qui a permis au commandement de conduire les opérations avec tous les avantages que confère le libre usage de la mer. Cette supériorité aéronavale, acquise dès le début, a notamment empêché tout envoi de renfort au Bengale et contraint finalement les troupes pakistanaises de la région à capituler.
La Marine indienne avait trois missions principales :
– bloquer les ports du Pakistan occidental et oriental ;
– détruire les quelques navires adverses susceptibles de s’opposer à ce blocus ;
– soutenir les troupes à terre dans leurs opérations.
Au Pakistan oriental, le blocus a été principalement assuré par le porte-avions Vikrant et cinq ou six escorteurs. Les avions embarqués sur le Vikrant ont pris une part très active aux opérations en attaquant à plusieurs reprises les installations militaires des bases ennemies de Chittagong et de Cox’s Bazar. Certaines unités ont même pu remonter les bras du Delta du Bengale pour aller, entre autres, canonner les installations de Chandpur et Chalna et apporter leur soutien aux troupes indiennes.
Devant Karachi, le blocus semble avoir été assuré par le vieux croiseur Mysore, 9 destroyers ou frégates ainsi que par les vedettes lance-missiles type OSA. Une de ces vedettes aurait, avec un missile Styx, atteint et fortement endommagé, sinon coulé, le destroyer pakistanais Khaiber. À leur actif les Indiens prétendent avoir aussi détruit ou endommagé le destroyer Shah Jahan, le vieux sous-marin Gliazi, un sous-marin type Daphné et plusieurs petites unités tant au Pakistan occidental qu’au Pakistan oriental. La marine pakistanaise s’est efforcée de faire front avec courage, malgré ses moyens très limités, aux entreprises de son adversaire. Elle a inscrit à son tableau la destruction par un sous-marin type Daphné de la frégate Khukri, perte que les Indiens ont confirmée ; un sous-marin type F aurait été attaqué et peut-être endommagé de même qu’un autre escorteur.
Des informations ultérieures permettront sans doute de connaître le bilan définitif de ces opérations. ♦