Aéronautique - L'ère de la série pour Concorde - Polyvalence du F-15 - Fairchild contre Northrop dans le programme AX (Ndlr : futur A-10) - La défense japonaise double son budget pour le prochain plan
L’ère de la série pour Concorde
Concorde 02 a fait, avec l’Airbus A300B, l’objet d’une présentation officielle à Toulouse le 28 septembre 1972, au cours d’une manifestation d’une ampleur exceptionnelle. Un mois après, l’Airbus effectuait son premier vol.
Pour le programme Concorde, le caractère spectaculaire de cette cérémonie se justifiait essentiellement par le fait que 02 marque l’entrée effective dans l’ère de la série.
L’aspect de cet appareil de transition, à la fois très proche des prototypes et des avions de série, souligne l’harmonieux développement de l’ensemble du programme. En effet, tout en ayant largement bénéficié de l’expérience amassée par les premiers au cours du millier d’heures de vol enregistré, Concorde 02 ne présente pas de différences notables avec ceux-ci.
Les seuls aménagements d’importance, qui s’inscrivent d’ailleurs dans la ligne normale de développement du transport supersonique, concernent l’environnement et l’esthétique : Concorde n’émet plus de fumée et peut rouler au sol et même se poser avec la pointe avant en position haute…
– L’installation des réacteurs Olympus 593 Mk602, dotés des chambres de combustion développées par Rolls-Royce et des tuyères « 28 » mises au point par la Snecma, a en effet permis d’éliminer toute émission de fumée, autant qu’on a pu en juger lors de la sortie du nouvel appareil.
– L’adoption d’une visière renforcée et entièrement transparente n’oblige plus l’équipage à donner à ce magnifique avion une apparence certes originale mais en définitive particulièrement disgracieuse.
Comparé aux avions de série, dont les premiers sont en cours d’assemblage, la similitude est encore plus nette : avec 02, Concorde a acquis sa silhouette quasi définitive. Par ses dimensions, son aérodynamique et bien entendu son système propulsif, l’appareil présente en effet les caractéristiques de l’avion qui sera livré aux compagnies aériennes :
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Prototypes |
02 et série |
Longueur fuselage |
56 m |
62 m |
Masse maximale du décollage |
138 tonnes |
175 t |
Poussée au décollage |
15,75 t x 4 |
17,37 t x 4 |
Capacité des réservoirs |
104 000 litres |
117 000 l |
Cette similitude permettra essentiellement de mesurer dès maintenant les performances commerciales dont la publication est impatiemment attendue et devrait lever les derniers doutes des acheteurs potentiels. En outre, 02 participera avec les deux premiers avions de série 1 et 2 au cycle de certification dont l’achèvement est envisagé courant 1973.
Finalement, la sortie de 02 montre que le développement du programme Concorde se réalise sans discontinuité, mettant en évidence la qualité des solutions retenues et la valeur des industries aéronautiques franco-britanniques.
Polyvalence du F-15
Aux États-Unis, l’US Air Force et la Navy ont respectivement choisi pour leur futur avion de supériorité aérienne le F-15 Eagle et le F-14 Tomcat.
Le premier prototype du F-15, produit par McDonnell Douglas, vient d’être achevé et doit entreprendre ses premiers vols d’essais incessamment. Alors que l’expérimentation n’a pas encore débuté, le responsable du programme de l’Air Force vient de proposer de tirer parti des caractéristiques de l’appareil pour l’utiliser dans l’attaque au sol. Sa faible charge alaire et son importante motorisation lui confèrent en effet une aptitude exceptionnelle aux interventions air-sol.
Bien que le F-15 ait été désigné pour contrebalancer la puissance aérienne que peut faire peser l’URSS à partir de 1975, les responsables militaires estiment que cette nouvelle mission pourrait lui être confiée sans que son rôle original ait à en souffrir.
Les deux réacteurs Pratt & Whitney F100, double-flux avec postcombustion, montés de part et d’autre du fuselage, peuvent développer chacun une poussée supérieure à 10 t pour un poids installé inférieur à 1 500 kg. Cependant, la mise au point de l’appareil ne démarrera que lentement. Tout d’abord, il n’existe que deux moteurs disponibles pour les essais, le P&W F100 n’ayant pas terminé la phase de fonctionnement nécessaire à la qualification.
L’avion doit donc être démonte et transporté par Lockheed C-5A Galaxy sur la base d’Edwards en Californie au lieu de l’aérodrome de Saint-Louis, primitivement prévu, où les installations sont jugées insuffisamment sûres compte tenu du manque d’informations concernant la fiabilité des moteurs.
Le coût unitaire du F-15 serait d’environ 50 MF, chiffre déterminé avec une série de 729 appareils et comprenant le prix des études et développement, des ensembles de production, la fourniture des rechanges, la constitution des stocks, la livraison des simulateurs et de la documentation d’instruction.
Le dépassement de 2,5 MF par rapport au prix fixé serait dû, selon l’USAF, au refus de la Navy de retenir une version du F-100 pour la motorisation du F-14, à géométrie variable, tel que cela avait été envisagé à l’origine. Dans l’estimation donnée par l’Air Force, est incluse l’augmentation des prix due à l’inflation au cours de la phase de production prenant fin en 1979 (inflation évaluée à 4,5 %). En prévoyant l’emploi du F-15 pour l’appui au sol et en tablant sur des commandes extérieures, on pourrait allonger la série et abaisser le coût unitaire. Il est évident que l’Air Force cherche à consolider l’état de ce programme face aux oppositions sénatoriales qui se livrent à une critique très dure des dépenses militaires. En cas d’échec du programme MRCA (Multiple Role Combat Aircraft) européen [NDLR 2022 : futur Panavia Tornado], auquel la France ne s’est pas associée, le F-15 pourrait dans 4 ou 5 ans intéresser nombre de partenaires de l’Otan dont les Lockheed F-104 Starfighter ou McDonnell Douglas F-4 Phantom II arriveront à péremption.
D’une masse maximale de 18 t, le F-15 correspond aux spécifications de base imposées, notamment à celles destinées à lui assurer le maximum de maniabilité dans la plupart des phases de vol, en particulier au cours des manœuvres en combat aérien. Grâce à l’emploi de matériaux composites dans la construction de la structure et à l’allégement des différents équipements et systèmes, le F-15 Eagle, de plus grande taille que le F-4, a une masse inférieure de 25 %.
Le F-15 dispose d’un radar à longue portée, d’un système de navigation inertielle et d’un équipement de visualisation « tête haute » perfectionné sur lequel paraissent tous les ordres de pilotage ou de guidage pour les différents types d’armes emportées, ordres élaborés par un calculateur digital à hautes performances.
Fairchild contre Northrop dans le programme AX
Les firmes américaines Fairchild Industries et Northrop Corporation s’affrontent par pilotes militaires interposés dans l’évaluation qui en principe décidera du choix du futur avion d’appui rapproché de l’USAF, le Fairchild A-10A ou le Northrop A-9A.
Auparavant, la première tranche des essais constructeurs s’est déroulée normalement, si ce n’est un léger incident survenu sur le prototype de Fairchild, en raison d’un éclatement des pneus du train principal à l’atterrissage.
Le Fairchild A-10A est un appareil bidérive dont les deux réacteurs (deux General Electric T34 à double flux) sont montés à la partie supérieure arrière du fuselage. Cette disposition assez originale présente le triple avantage de libérer la totalité de l’intrados de la voilure pour le montage des charges extérieures (11 points d’attache), de limiter l’absorption de corps étrangers, et d’éliminer la dissymétrie de poussée en conduite monoréacteur.
Au dire du constructeur, les premiers essais ont démontré que l’appareil conserve ses qualités de manœuvrabilité avec emport de charges extérieures en montage asymétrique.
Le domaine de vol a été ouvert dans sa totalité à l’exception des vols avec charges qui ont été volontairement limités à 80 % des spécifications exigées, les essais statiques n’étant pas terminés.
Au cours de la première phase des essais l’exécution de manœuvres de dérapage a permis de constater que ni l’aile ni le fuselage n’interféraient avec les entrées d’air des réacteurs.
D’autre part, l’appareil va au-delà de certaines spécifications du programme AX, en particulier dans le domaine du décrochage, en raison de l’efficacité de ses ailerons dans la plage de vitesse 80-90 nœuds.
Sa vitesse d’approche est donnée pour 115 nœuds et le toucher des roues à 100 nœuds.
Les équipements d’essai, qui pèsent près de 600 kg, montés sur les deux prototypes Fairchild et l’installation sol correspondante permettent la lecture et le traitement en temps réel des paramètres de vol. Ce procédé a contribué à la rapidité du déroulement de la phase des essais constructeur qui à la date du 1er octobre 1972 se chiffrent par 85 sorties en 119 h depuis le 10 mai de la même année, date du premier vol pour le prototype n° 1 et 28 sorties en 30 h depuis le 21 juillet pour le prototype n° 2.
L’appareil concurrent le Northrop A-9A se présente de façon plus classique : ailes hautes, deux turboréacteurs accolés au fuselage et une dérive d’une dimension imposante. Il est propulsé par 2 réacteurs AVCO Lycoming F102 LD100 développant 7 200 livres de poussée et il est doté de 10 points d’attache sous voilure.
Les essais constructeur ont commencé quelques semaines plus tard que ceux du Fairchild A-10A : le 30 mai pour le prototype n° 1 et le 23 août pour le prototype n° 2, soit 61 sorties et 79 h de vol pour le premier et 31 sorties et 40 h de vol pour le second.
Sur ces deux prototypes le domaine a été entièrement ouvert et le couple altitude-vitesse est conforme aux spécifications du programme.
Il reste à définir la vitesse de contrôle de l’appareil sur un réacteur. Le constructeur annonce dès à présent qu’il est possible de poursuivre le décollage en monoréacteur à partir d’une vitesse de soixante nœuds.
Toujours selon le constructeur, le Northrop A-9A présente en vol, malgré sa taille, les caractéristiques d’un avion de chasse : sa maniabilité et sa vitesse de roulis sont impressionnantes, même avec charges sous voilure qui restent sans effet sur le comportement de l’avion en vol.
Les essais de décrochage et de dérapage ont donné des résultats supérieurs à ceux obtenus en soufflerie (88 nœuds en configuration d’atterrissage). De même, la cassure assez nette de la courbe de portance décelée en configuration pleins volets dans le tunnel aérodynamique, n’a pas été retrouvée aux essais.
La vitesse de présentation à l’atterrissage est de 115 nœuds et, grâce à l’utilisation possible des aérofreins, la précision du point d’atterrissage est donnée à 15 m près. Il a été constaté également que la grande surface des ailerons et de la direction donnait une bonne efficacité aux commandes par fort vent de travers. Actuellement il est procédé à la mise au point d’un système qui, par l’utilisation asymétrique des aérofreins couplée avec la commande de direction et les ailerons, permet de déplacer latéralement l’appareil en vol sans manœuvrer en tangage et en lacet. Ce système facilitera l’alignement en attaque au sol.
Les pilotes de l’USAF désignés pour participer à l’évaluation ont déjà volé sur les deux types d’appareils au cours de la phase d’essais préliminaire chez les constructeurs et ils ont pu les suivre en vol à bord d’avions d’accompagnement pour mieux se familiariser avec les deux versions du programme AX.
L’évaluation commencée le 23 octobre 1972 se poursuivra pendant 60 jours, jusqu’au 23 décembre. Elle se déroule en trois temps :
– 100 h pour évaluer les performances, qualités de vols et équipements,
– 106 h pour apprécier l’efficacité et la précision en tir air-sol.
– 40 h pour juger la valeur opérationnelle des appareils dans le cadre des missions tactiques, soit au total 246 h.
Participent à cette évaluation trois pilotes du centre d’essais en vol de l’USAF (Edwards - Californie), deux pilotes du Tactical Air Command et une équipe de mécaniciens qui suit les opérations de maintenance.
Cette évaluation est menée simultanément sur les quatre prototypes. Ainsi chaque pilote volera en moyenne 25 h sur chaque type d’appareil. Les appareils en compétition exécutent leurs missions en patrouille pour garantir des conditions d’évaluation identiques aux deux constructeurs. Les pilotes alternent leurs vols pour ne pas utiliser le même type d’appareil deux fois consécutives. Par ailleurs, la planification des vols amène chaque pilote à voler tantôt en équipier, tantôt en leader.
Pendant les deux premières phases de l’évaluation, les appareils emportent des équipements d’essai qui reproduisent au sol tous les paramètres de vol pour une exploitation instantanée des résultats.
De surcroît, au cours de la campagne de tir air-sol, les appareils sont suivis au radar pour restitution des trajectoires des bombes et des obus. En vue de ces tirs air-sol, les cinq pilotes ont déjà effectué 125 heures de vol sur Cessna A-37B, soit dix missions chacun, pour s’accoutumer aux règlements de tir, aux cibles et aussi pour entraîner les équipes de restitution au sol.
La structure du rapport final est déjà établie et les pilotes font état de leurs observations journellement dès la fin de leurs missions. Cette procédure permettra la fourniture du rapport d’évaluation une dizaine de jours après les derniers vols. La signature du contrat de série proposé au vainqueur interviendrait au début mars.
La défense japonaise double son budget pour le prochain plan
Le budget de défense du Japon pour la période 1972-1976 a été approuvé début octobre après de longs débats. Il s’élève à 16,5 Md$, soit plus du double du chiffre du Plan de cinq ans précédent. Il est inférieur de 700 M$ au projet présenté par le ministre de la Défense.
Ce budget a été approuvé malgré une certaine opposition intérieure qui, compte tenu de l’ouverture de la politique étrangère japonaise vers la Chine communiste, aurait souhaité que le niveau des forces de défense ne fût pas augmenté et restât au niveau relativement bas d’aujourd’hui.
Ce plan comprend :
– 68 Mitsubishi FST-2, chasseur supersonique d’appui rapproché destiné aux Forces aériennes de défense. Ce nombre est très inférieur aux 96 appareils demandés par les militaires.
– 59 avions « version d’entraînement » de ce chasseur sur les 73 qui avaient été demandés.
Au sujet de la commande de ces deux modèles, le ministre des Finances avait suggéré que la construction de ces appareils fût abandonnée et que le Japon achetât des Northrop F-5B/E.
Cette proposition était motivée autant par l’augmentation des prix unitaires de l’avion japonais qui dépassaient de loin les estimations initiales que par la nécessité d’améliorer la balance commerciale entre les États-Unis et le Japon, ce fait constituant un des points sensibles des relations entre les deux pays.
Cette argumentation fut finalement rejetée par le Premier ministre M. Kakuei Tanaka qui suggéra que le Japon abandonnât les programmes nationaux de l’avion de patrouille maritime anti-sous-marin devant remplacer le Lockeed Kawasaki P-2J et de l’avion d’alerte avancée et recherchât sur le marché des États-Unis les appareils à leur substituer.
Les différentes versions du T-2 sont actuellement à la phase des essais en vol.
– 46 McDonnell Douglas/Mitsubishi, chasseur de la classe Mach 2 au lieu des 52 demandés.
– 25 Nihon/Kawasaki C-1, avion bimoteur de transport, au lieu de 30.
– 159 hélicoptères pour l’Armée de terre : diminution de 10 appareils sur les besoins exprimés par cette armée portant sur le Bell-Fuji UH-1, hélicoptère de servitude ; le Kawasaki-Vertol KV-107 ; le Hugues OH-6J Cayuse et le TH-55J Osage.
– 34 Sikorsky-Mitsubishi HSS-2, hélicoptères moyens destinés à la marine, au lieu de trente-huit. ♦