Maritime - États-Unis : le projet de budget Marine pour l'exercice 1973-1974 - URSS : croiseurs classe Kara et porte-aéronefs Kiev - France : organisation de l'état-major de la Marine
États-Unis : le projet de budget Marine pour l’exercice 1973-1974
C’est le 24 janvier 1973 que le président Nixon a présenté au Congrès son projet de budget fédéral pour l’exercice 1973-1974 commençant le 1er juillet 1973. Exprimé en NOA (New Obligational Authority), c’est-à-dire en autorisations de dépenses, le budget de défense se monte à 83 481 milliards de dollars ce qui représente 32% environ de budget fédéral et 6 % du PNB américain prévu pour l’année fiscale.
Le budget de la marine, y compris celui du Marine Corps, se monte à 26 411 Md $ ce qui représente une augmentation de 1 013 Md sur celui de l’année fiscale 1972-1973. Ce budget représente 32 % de l’ensemble des dépenses militaires, 10 % du budget fédéral, 2 % du PNB ; il demeure, comme dans celui des années fiscales précédentes, le plus important des forces armées.
Il s’articule comme suit, toujours en millions de dollars :
Personnel militaire (active et réserve) |
7 120 |
26,95 % |
Fonctionnement et entretien |
6 486 |
24,56 % |
Achats et fabrications (« Procurement ») |
9 378 |
35,50 % |
Recherche et développement |
2 709 |
10,26 % |
Travaux infrastructure |
718 |
2,73 % |
|
2 411 |
100,00 % |
Personnel :
Les crédits pour le personnel sont légèrement inférieurs à ceux de l’exercice précédent (90 Md $). Cette réduction est due à la fin du conflit indochinois qui entraînera une légère déflation des effectifs militaires dont les emplois seront confiés à des civils.
Les effectifs budgétaires prévus pour ce qui concerne l’active se répartiront comme suit en milliers d’hommes et femmes :
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Année fiscale 1972-1973 |
Année fiscale 1973-1974 |
a) Navy |
|
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Officiers |
70,8 |
69,8 |
Non officiers |
502,9 |
496,5 |
Total |
573,7 |
566,3 |
b) Marine Corps |
|
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Officiers |
19,1 |
18,9 |
Non officiers |
178,1 |
177,5 |
Total |
197,2 |
196,4 |
Les réserves s’élèveront à 551 900 officiers et hommes pour la Navy et à 216 500 officiers et soldats du Marine Corps.
La Flotte :
Durant l’année fiscale, la composante navale de la force de dissuasion américaine restera fixée à 41 sous-marins stratégiques équipés chacun de 16 missiles de 1 500 à 3 000 nautiques de portée. Plus de vingt d’entre eux seront dotés du Poseidon à dix têtes indépendantes de 50 KT chacune.
La flotte s’enrichira durant l’exercice du porte-avions nucléaire CVN68 Chester Nimitz, de la frégate nucléaire DLGN36 California et de quelques bâtiments plus légers. En contrepartie, de nombreuses unités seront mises en réserve, cédées à des marines étrangères ou envoyées à la démolition. En résumé, le potentiel de la flotte active s’élèvera à 523 unités de tous types contre 586 au 1er juillet 1973. Cette force s’articulera comme suit par catégories de bâtiments.
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Année fiscale 1972-1973 |
Année fiscale 1973-1974 |
Forces stratégiques : |
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– SNLE |
41 |
41 |
Forces à usage général : |
|
|
– Porte-avions d’attaque |
14 |
15 |
– Porte-avions ASM |
2 |
0 |
– Croiseurs |
9 |
7 |
– Frégates lance-missiles |
28 |
29 |
– Destroyers lance-missiles |
29 |
29 |
– Destroyers |
71 |
32 |
– SNA |
60 |
64 |
– Sous-marins |
24 |
12 |
– Escorteurs |
68 |
67 |
– Patrouilleurs |
15 |
15 |
Amphibies : |
|
|
– Navires de commandement |
2 |
2 |
– LPD |
14 |
14 |
– LPH |
7 |
7 |
– LST |
20 |
20 |
– Autres amphibies |
22 |
22 |
Auxiliaires et logistiques : |
150 |
137 |
Quant à l’aéronautique navale, elle totalisera 6 603 aéronefs contre 6 737 au 1er juillet 1973 ainsi répartis :
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Année fiscale 1972-1973 |
Année fiscale 1973-1974 |
Assaut |
1 571 * |
1 538 * |
Interception |
986 * |
966 * |
ASM |
164 * |
143 * |
Patrouilleurs |
445 |
453 |
Entraînement |
1479 |
1 431 |
Hélicoptères |
1 305 ** |
1 311 ** |
Divers |
787 |
761 |
* Embarqués, appartenant à la Navy ou au Marine Corps.
** y compris ceux du Marine Corps.
Ces aéronefs seront articulés en :
• Navy
– 70 escadrilles d’attaque et d’interception (VF/VA),
– 10 escadrilles de reconnaissance,
– 5 escadrilles d’hélicoptères (HC),
– 24 escadrilles de patrouilleurs (VP),
– 15 escadrilles ASM (VS/HS).
• Marine Corps
– 25 escadrilles d’attaque et d’interception,
– 19 escadrilles d’hélicoptères.
Recherche et développement
Dans ce chapitre les demandes de fonds les plus importantes portent sur le projet Trident. Ce nom a été donné l’an dernier à un projet connu jusque-là sous le nom d’ULMS (Under Sea Long Range Missile System) et qui vise à la construction d’une flotte de sous-marins stratégiques destinés dans l’avenir à prendre la- suite de la flottte Polaris-Poseidon. Il prévoit la construction de sous-marins nucléaires géants – on cite le chiffre de 18 000 tonnes – porteurs chacun de 24 missiles d’une portée égale sinon supérieure à 6 000 nautiques (12 000 km). Une première tranche de dix bâtiments est prévue et doit en principe entrer en service vers la fin de l’actuelle décennie et au début de la prochaine.
La Navy demande au titre R&D 126 M $ pour la poursuite de l’étude du projet et 531,7 autres pour le développement du missile. Des fonds sont également demandés, on le verra plus loin, pour démarrer durant l’année fiscale 1973-1974 la construction du prototype de ces sous-marins. Parmi les autres projets pour lesquels des crédits élevés sont demandés, il faut citer ceux relatifs à l’étude des navires à effet de surface (Surface Effect Ships), c’est-à-dire aux aéroglisseurs. Le projet prévoit la construction de deux prototypes de 100 t et ensuite celle d’un bâtiment expérimental de 2 000 t qui, pense-ton, pourrait entreprendre ses premiers essais vers 1976. La Navy demande 72,8 M $ pour la poursuite de ce projet, qui viendront s’ajouter aux 95,9 M$ déjà votés par le Congrès depuis l’année fiscale 1967-1968.
Pour ce qui concerne les équipements, 21 % du budget de recherche et développement (569 M$) seront consacrés à la lutte anti-sous-marine (ASM), lutte qui continue à recevoir une très grande priorité. Les programmes ci-après seront les principaux bénéficiaires des crédits demandés :
– MSS (Moored Surveillance System).
C’est un système semi-fixe de bouées qui seront mouillées par grands fonds dans des zones où l’implantation des systèmes d’écoute fixes du type Sound Surveillance System (SOSUS) n’est pas possible et où la surveillance par des patrouilles d’avions n’est pas souhaitable.
– SASS (Suspended Array Surveillance System).
Il prévoit des structures sous-marines très importantes implantées aux environs de 6 000 à 6 500 m de profondeur auxquelles seront suspendus des réseaux d’hydrophones. Une dizaine de compagnies américaines sont concernées par l’étude de ce projet.
Achats et fabrications :
Au titre « Procurement » les postes les plus importants concernent les constructions neuves et les conversions ainsi que l’acquisition de 304 aéronefs pour l’aéronautique navale et le Marine Corps.
Les crédits demandés pour les navires permettront :
– de commander : le prototype des sous-marins stratégiques du projet Trident ; 5 sous-marins d’attaque rapides (40 nœuds) à propulsion nucléaire du type SSN688 Los Angeles qui viendront s’ajouter aux 18 bâtiments de ce type dont la construction a déjà été approuvée les années précédentes par le Congrès : 7 destroyers de 7 600 t du type Spruance (585,8 M$). Leur construction avait déjà été demandée au titre de l’année fiscale 1972-1973 mais le Congrès n’avait finalement accordé que les fonds d’avance relatifs aux matériels à longs délais d’approvisionnement (247 M$) ;
– de poursuivre la construction du porte-avions atomique CVN70 de 90 000 t votée l’an dernier (657 M$ sont demandés à cet effet) :
– de lancer la fabrication des premiers matériels destinés au prototype des futurs Sea Control Ships (29,3 M$). Les caractéristiques de ce bâtiment qui pourrait être commandé durant l’année fiscale 1974-1975, paraissent avoir été définitivement adoptées. Il s’agirait d’une sorte de petit porte-avions de 14 000 t environ et 27 nœuds, propulsé par turbine à gaz et mettant en œuvre une vingtaine d’aéronefs dont quelques-uns de type Avions à décollage et atterrissage verticaux ou cours (Adav/Adac) ;
– de moderniser 1 frégate lance-missiles à propulsion nucléaire DLGN (il s’agit sans doute de la DLGN25 W. Bainbridge) et 2 frégates lance-missiles classiques DLG ;
– d’installer le système Poseidon sur 5 nouveaux sous-marins de la classe Lafayette.
En ce qui concerne l’aéronautique navale, les fonds demandés permettraient d’acquérir 208 avions de combat (Grumman F-14 Tomcat, McDonnell Douglas F-4J Phantom II, Douglas A-4M Skyhawk, Lockheed P-3G Orion, Lockheed S-3A Viking, etc.), 44 hélicoptères et 52 appareils pour l’entraînement.
Comme à l’accoutumée, ce projet de budget va être passé au crible par les sénateurs et les représentants et faire certainement l’objet de quelques remaniements avant d’avoir force de loi ; nous en reparlerons.
URSS : croiseurs classe Kara et porte-aéronefs Kiev
Dans une chronique précédente consacrée à l’activité de la marine soviétique en 1972, nous avions signalé la mise en service d’un croiseur d’un type nouveau à qui l’Otan avait attribué le nom de code de Kara.
Le premier de ces navires, le Nikolaiev, a franchi les Détroits le 1er mars 1973 et rallié l’escadre soviétique de la Méditerranée. Outre le Nikolaiev, le croiseur porte-hélicoptères Moskva est aussi entré dans ce théâtre où il n’avait pas été observé depuis plus de deux ans. Cette longue absence avait amené les spécialistes à supposer qu’il avait été aménagé durant cette période pour expérimenter l’emploi des avions à décollage court destinés au porte-aéronefs à pont continu en construction aux chantiers Nosenko de Nikolaiev. Ce chantier est actuellement considéré comme le seul (1) qui soit en URSS en mesure de construire un tel bâtiment crédité d’un tonnage d’au moins 30 000 t. Baptisé Kiev par la presse anglo-saxonne, il aurait été récemment lancé et un bâtiment du même type aussitôt mis en chantier sur sa cale ainsi libérée. Cette même presse qui semble puiser ses informations aux sources les plus qualifiées laisse entendre que le Kiev pourrait entrer en service vers 1975-1976. Or, la construction d’un bâtiment d’un tel tonnage et d’un type aussi nouveau pour la marine soviétique demande au minimum cinq ans de travaux. En tablant sur cette durée de construction, le second porte-aéronefs, s’il a effectivement été mis sur cale, ne pourrait être achevé avant 1978 au plus tôt. Nous sommes donc très loin des douze porte-avions que, selon la revue Newsweek, l’URSS devrait posséder en 1980. Il est regrettable que cette nouvelle à sensation ait été reprise dans des quotidiens réputés sérieux. En effet, une force de porte-avions d’une telle importance numérique requiert des moyens de construction et surtout d’entretien dont il ne semble pas que l’URSS se soit préoccupée jusqu’à présent. Le fait important et qui n’a pas été suffisamment mis en valeur est que la marine soviétique ait jugé nécessaire de se doter de porte-avions au moment même où ce type de bâtiment fait une fois de plus l’objet des plus âpres controverses dans certaines armées occidentales.
Pour en revenir au Kara, c’est un bâtiment de 9 000 à 10 000 t, doté d’un puissant armement offensif représenté par huit gros missiles surface à grande portée. Il est défendu par des missiles anti-aériens à moyenne et courte portée ainsi que par des pièces de 76 et des canons légers à très grande cadence de tir destinés à combattre les missiles du genre « Sea Skimeer » (2). Il est également doté d’un sonar d’étrave et d’un sonar remorqué à basse fréquence.
Il a participé avec le Moskva à des exercices qui se sont déroulés entre le 5 et le 14 mars 1973 au sud et à l’est de la Crète.
France : organisation de l’État-major de la Marine
On a vu dans la précédente chronique sur la défense en France que l’organisation des états-majors avait été refondue dans un souci d’harmonisation entre les trois armées. L’état-major de la marine a donc été remanié.
Le chef d’état-major dispose d’un état-major qui est placé sous les ordres d’un officier général, major général de la marine. Celui-ci est le remplaçant désigné du chef d’état-major en cas d’absence ou d’empêchement. Il le seconde dans la définition de la politique générale de la marine, à l’exception des questions intéressant la gestion et la formation du personnel. Celles-ci sont en effet du ressort de l’amiral chef d’état-major lui-même depuis le décret du 10 décembre 1971 fixant ses attributions.
Le major général de la marine est assisté de quatre sous-chefs d’état-major et d’un amiral directeur du service central aéro. Ces officiers généraux sont eux-mêmes responsables chacun en ce qui les concerne de cinq divisions : plans, opérations, matériel, logistique et aéronautique navale.
Parmi les principales attributions du sous-chef « plans », il faut citer la préparation du budget, des programmes et plans, les affaires administratives, la politique des personnels civils et militaires et la mobilisation du personnel.
Le sous-chef « opérations » est chargé, en liaison avec l’état-major des armées, de la définition des besoins opérationnels et de l’emploi des forces maritimes, conformément aux missions qui leur sont dévolues et aux plans d’emploi élaborés par le chef d’état-major des armées. Il a sous ses ordres les bureaux « emploi », « renseignements » et « transmissions ».
Le sous-chef « matériel » est chargé d’élaborer, en liaison avec le sous-chef « plans », les programmes de constructions neuves, de modernisation, refonte et réparation des bâtiments, aussi bien de surface que sous-marins, ainsi que les programmes d’armes et d’équipements. Les principaux bureaux dont il dispose sont ceux de la « flotte en construction », des « armements » et des « équipements ».
Le sous-chef « logistique » est chargé en liaison notamment avec l’état-major des armées, d’assurer le soutien logistique complet des éléments navals, terrestres et aéronavals. La division sous ses ordres comprend en conséquence un bureau « entretien de la flotte », un bureau « transports-approvisionnements-ravitaillement », un bureau « infrastructure ».
Le chef de la division « aéronautique navale » enfin est principalement responsable de :
– la préparation des programmes d’appareils et d’infrastructure ;
– la coordination de l’action de l’état-major et de celle du service central de l’aéronautique navale ;
– la gestion des forces ;
– et, en liaison avec la direction du personnel militaire de la Marine, des questions touchant le personnel de l’aéronautique navale aussi bien d’activé que de réserve (formation, entraînement, etc.). ♦
(1) Le chantier Baltique à Leningrad qui dispose de moyens analogues à ceux de Nosenko, se consacre en effet à la construction de grands pétroliers.
(2) Missiles surface-surface volant au ras de l’eau.