C'est dans un véritable piège que s'est engagée l'Égypte du vivant du colonel Nasser en acceptant le Plan Rogers. Tout s'est passé ensuite pour le successeur du Raïs comme si les Soviétiques donnaient leur aval à ce piège et s'accordaient avec les États-Unis pour geler le conflit. À partir de l'historique des faits qui ont conduit le président Sadate à réviser ses relations avec l'Union soviétique, l'auteur analyse les possibilités que peut avoir l'Égypte de surmonter le dilemme « attendre ou transiger » et de prendre la tête d'une politique d'austérité mais aussi d'indépendance dans le cadre arabe.
L'Égypte à l'heure du choix
LE président Anouar as Sadat s’est révélé, durant les douze ou les dix-huit premiers mois de son exercice du pouvoir (1), comme un homme d’État aux vues réalistes et prudentes, habilement appliqué à gouverner selon l’opportunité. Mais la situation très difficile dans laquelle, de par le conflit arabo-israélien et ses conséquences, l’Égypte se trouvait lors de sa prise de pouvoir, et qu’en dépit de ses efforts il n’a pu modifier, lui pose des problèmes sans cesse plus redoutables.
À défaut de solutions équilibrées, qu’il est peut-être impossible au Caire actuellement de concevoir et d’appliquer, le recours au moins provisoire à des expédients paraît malaisément évitable. On est donc peu surpris que le chef de l’État égyptien se soit résolu, ces dernières semaines, à des décisions fracassantes qui ne semblent pas dans son tempérament. La logique voudrait sans doute qu’après s’être résigné à ces bouleversantes initiatives, il s’appliquât désormais à infléchir quelques-unes au moins de leurs conséquences, et certains signes montrent qu’il y songe ; mais, en présence d’une tâche rendue plus ardue encore et qui semble impliquer des choix dramatiques, disposera-t-il des moyens indispensables à son action ?
L’Égypte prise au piège des superpuissances
Sa situation, son histoire, sa culture, sa population, font de l’Égypte le premier des États arabes, mais non le mieux pourvu : à elle les responsabilités majeures, mais non les grandes ressources. Tel est le drame de l’Égypte : elle doit, tout ensemble, assurer le développement qui conditionne sa survie, et jouer dans le conflit arabo-israélien, lequel n’implique cependant que médiocrement son territoire, le rôle éminent nécessité par son rang. A cette double fin, qui exige des attitudes dures, il lui faut, par une politique souple, se procurer des moyens.
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