La conception qu’on se fait en général de la Méditerranée correspond encore trop souvent à des clichés du type « images d’Épinal » ; le climat, l’archéologie, le folklore, le tourisme, les loisirs, les clubs de vacances concourent à orner la Méditerranée de cette auréole « dominante de gloire », par laquelle André Gide dans ses « Nourritures terrestres », et après lui André Siegfried, caractérisaient cette mer. L’envers de ce décor comporte des aspects mal connus, parce qu’écrasés de soleil. L’auteur, qui a jadis navigué sur les eaux méditerranéennes et visité la plupart des pays qu’elles baignent, décrit les luttes d’influence et les âpres rivalités dont elles sont le théâtre.
Méditerranée et problèmes de défense
Depuis plusieurs mois, la Méditerranée revient à l’ordre du jour. Sans doute l’éternel conflit israélo-arabe, la perpétuation du différend gréco-turc à propos de Chypre, la lourde mais persistante querelle entre l’Espagne et la Grande-Bretagne au sujet de Gibraltar, le contentieux hispano-marocain des présides suffisent-ils à maintenir cette partie du globe au premier plan de l’actualité internationale. Mais, ces derniers temps, on décèle quelque chose de plus que ces constantes habituelles de l’effervescence méditerranéenne.
L’âpre marchandage dont Malte a été l’objet au printemps dernier, les récentes péripéties de la crise chypriote, l’évolution des rapports entre Mgr Makarios et le Général Grivas, la visite à Belgrade de M. Brejnev, celle de M. Podgorny à Ankara, le renforcement de l’infrastructure américaine au Pirée et les réactions qu’il a engendrées dans les pays du Pacte de Varsovie, plus récemment le refroidissement des relations soviéto-égyptiennes et la décision du Président Sadate de renvoyer dans leur pays les conseillers militaires soviétiques, de même que l’union conclue aussitôt après entre l’Égypte et la Libye du Colonel Kadhafi, constituent autant de symptômes clairs d’un regain dans le perpétuel bouillonnement de la zone méditerranéenne.
D’autres indices, plus diffus, s’y ajoutent ; tels sont le projet de réunir une conférence des États de la Méditerranée, l’idée très en faveur dans les pays du Maghreb et en Libye de faire de cette mer un « lac de paix » libéré de toute emprise de pays non riverains, les campagnes de presse de part et d’autre sur le thème de la sécurité, l’émotion suscitée dans l’ensemble du secteur et même jusqu’en Iran par les préparatifs de la conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, la crainte affichée par certaines nations de la côte méridionale de voir ladite conférence entraîner dans l’équilibre de l’ancien continent des détériorations défavorables à leurs intérêts et notamment un déplacement vers le sud du siège des affrontements traditionnellement supposé en Europe Centrale, enfin les risques, ouvertement dénoncés par les riverains non alignés (Espagnols, Yougoslaves, Albanais), d’une escalade militaire dans le bassin.
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