Défense dans le monde - États-Unis : l'aide militaire américaine à l'étranger pour l'année fiscale 1977-1978
Le 2 mars 1977, l’administration Carter a présenté au Congrès son projet de budget d’aide militaire à l’étranger dont le montant s’élève à 2 milliards 539 millions de dollars.
Cette aide se décompose en aide directe gratuite, le Military Assistance Program comprenant les dons en matériels et les cours de formation et d’entraînement de stagiaires étrangers aux États-Unis, et en facilités de paiement à crédit.
Si sa répartition géographique et son montant sont très peu différents de ceux présentés en début d’année 1977 par le président Ford, quelques changements traduisent les aspirations moralisatrices du président Carter.
L’aide militaire gratuite (MAP) continue à décroître régulièrement et est remplacée par la vente de matériels militaires à crédit. Son pourcentage qui était de l’ordre de 50 % en 1966 ne sera plus que de 18 % pour le prochain exercice fiscal.
L’examen de la ventilation des crédits de paiement (2 222 millions de dollars) permet de faire les constatations suivantes :
– La principale innovation porte sur la suppression ou la réduction de l’aide militaire américaine à trois pays – Uruguay, Argentine, Éthiopie – sanctionnés pour violation des droits de l’homme. Il faut noter cependant que la portée de cette mesure moralisatrice du Président Carter se trouve singulièrement atténuée par l’exemple de la Corée du Sud, à régime dictatorial mais à laquelle une aide de 280 millions de dollars a été maintenue. En plus des raisons stratégiques, on pourrait voir dans ce geste une certaine compensation à un futur retrait des troupes américaines de ce pays.
– L’aide en faveur de Taïwan est ramenée de 35 à 25 millions de dollars. Ce changement peut faire croire à une volonté de l’administration démocrate de normaliser ses relations avec Pékin.
– En Europe, les engagements pris par le président Ford sont honorés et les crédits accordés à la Grèce et à la Turquie semblent indiquer le désir du président Carter de voir aboutir les deux accords de défense en instance de ratification avec ces deux pays du flanc sud de l’Otan.
– Au Proche-Orient, Israël, avec un milliard de dollars, est le principal bénéficiaire de l’aide américaine. La Jordanie est le seul autre pays de cette région du monde à en profiter.
La décision du président Carter de réduire ou de supprimer l’aide militaire à certains pays pour violation des droits de l’homme a déjà suscité de nombreux commentaires. Les pays concernés – Argentine, Uruguay – ont déjà réagi violemment. D’autres pays comme le Brésil viennent de refuser, par sympathie, l’aide militaire américaine.
La prise en compte par la nouvelle administration de considérations humanitaires dans l’élaboration d’une politique d’aide qui reste fondée sur des données économiques et stratégiques confère aux décisions présidentielles un caractère discriminatoire susceptible de détériorer les relations des États-Unis avec certains de leurs alliés traditionnels.
Jacques Tilhère
Annexe : L’aide militaire américaine à l’étranger budget président Carter FY 78.
Total = 2 539 M$
I. - Répartition par chapitres
MAP = Livraisons gratuites de matériels (284 M$) + Aide gratuite à l’entraînement (35 M$).
FMS = Crédits pour achats de matériels (2 220 M$).
II. - Répartition par pays des FMS crédit (2 220)
Moyen-Orient (1 130) = Israël (1 000) + Jordanie (130)
Europe (460) = Espagne (120) + Grèce (140) + Turquie (200)
Afrique (100) = Maroc (45) + Tunisie (25) + Zaïre (30)
Amérique du Sud (150) dont Brésil (45) + Colombie (39) + Bolivie (15) + Pérou (11) + Équateur (10)
Asie (415) = Corée du Sud (280) + Indonésie (40) + Malaisie (20) + Philippines (20) + Thaïlande (30) + Taïwan (25)
III. - Principaux changements
Taïwan : diminution de 35 à 25 M$
Et pour violation des droits de l’homme :
Argentine : diminution de 32 à 15 M$
Uruguay : aide de 3 M$ supprimée
Éthiopie : aide de 6 M$ supprimée