Défense en France - Le service national en question - Le Centre d'études et de recherches sur l'armée de l'Institut d'études politiques (IEP) de Toulouse
Alors que semble s’établir un consensus national sur la force nucléaire – sinon sur la stratégie de dissuasion – de notre pays, les désaccords se manifestent au sujet du service militaire. Il est l’objet d’une double offensive menée par la gauche d’une part, en la personne de M. Jean-Pierre Chevènement, député socialiste de Belfort et animateur du Ceres (1), et par certains gaullistes d’autre part, notamment par M. Pierre Messmer, ancien ministre des Armées et député de la Moselle. Le premier adhère fermement au principe de la conscription mais la voudrait plus universelle et plus obligatoire dans son application. Il propose d’autre part la réduction de la durée du service militaire à six mois et son accomplissement en deux ou trois périodes de quelques mois, ce qui entraînerait la transformation d’une partie des forces terrestres en une sorte de milice. Le second, au contraire, récuse ce caractère d’universalité et d’obligation du service militaire et veut faire appel à un volontariat, quitte à réduire substantiellement les effectifs des trois armées, principalement ceux de l’armée de terre, et à en faire une sorte d’armée de métier. L’un et l’autre exposent leurs idées dans un dialogue qui a fait l’objet d’un livre récent (2).
Au moment de la publication de cet ouvrage, le Service d’information et de relations publiques des armées (Sirpa) diffusait de son côté une note d’information hors série intitulée « Questions sur le service national » qui constitue un dossier bien documenté et présentant notamment toutes les données chiffrées quant aux effectifs et aux coûts impliqués tant par la solution actuelle que par les diverses formules envisageables pour satisfaire les besoins en personnels des armées. C’est la première fois que la question du service national est présentée de façon aussi détaillée et aussi complète, et l’on peut seulement regretter que la diffusion de la note d’information du Sirpa n’ait pas été plus large. Donnons l’essentiel de ces deux publications et voyons quelles conclusions nous pouvons en tirer.
Pour M. Messmer, le temps des « gros bataillons » est définitivement révolu. Nécessaires dans des opérations comme celles menées en Aigrie jusqu’en 1962, ils se justifiaient encore par la suite tant que la force nucléaire était dans l’enfantement. Aujourd’hui où celle-ci est adulte et où sa capacité se chiffre en mégatonnes, la prolifération des effectifs n’ajoute rien à cette force, leur poids peut même devenir insupportable et entraîner un déséquilibre des frais de fonctionnement qui réduit d’autant les investissements en équipements. Ceci est d’autant plus grave que le coût des armements ne cesse de progresser en raison de leur perfectionnement, de leur sophistication… Or, les effectifs des classes d’âge qui alimentent le recrutement s’accroissent – ce phénomène démographique durera jusqu’en 1980 – et excèdent de beaucoup les besoins des armées. La ressource est en 1977 de 440 000 hommes alors qu’il faut seulement 275 000 appelés. Le nombre des exemptions et des dispenses s’accroîtra, lui aussi, inéluctablement ; le service apparaîtra de plus en plus inégal et sera de moins en moins bien supporté.
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