Institutions internationales - Carter, l'Europe et l'Otan - Prudence pour l'élargissement de la CEE - À la recherche de nouveaux équilibres
L’observateur de la vie internationale se trouve devant une difficulté toujours renouvelée : comment discerner, dans les événements, ceux qui relèvent de la simple actualité et ceux qui appartiennent déjà à l’histoire ? Si la politique est de l’histoire « en train de se faire », l’histoire est la politique réduite à ce qui, en elle, est essentiel et dépasse la simple historicité. Mais sur quoi fonder le jugement ? Les événements se succèdent.
Au cours des dernières semaines, le président Carter a pris un premier contact direct avec les Européens, cependant que le vice-président Mondale se heurtait à M. Vorster à propos de l’Afrique australe, et que le secrétaire d’État Vance s’efforçait d’obtenir de M. Gromyko un nouvel accord SALT (pour la limitation des armes stratégiques). À Moscou, M. Podgorny a été éliminé de l’équipe dirigeante sans que l’on puisse formuler plus que des hypothèses sur les raisons de cette révolution de palais. Dans le même temps, mais sans que l’on puisse penser à une relation de cause à effet, l’Union soviétique intensifiait son appui à l’Éthiopie, cependant que l’accession de Djibouti à l’indépendance introduisait un facteur nouveau dans la situation de la « corne de l’Afrique ». Pour la première fois depuis la création de l’État d’Israël il y a vingt-neuf ans, les travaillistes y ont perdu le pouvoir, et le bloc de droite, le Likoud, y émerge comme la première force politique du pays : sans doute des considérations de politique intérieure aident-elles à comprendre ce résultat, mais l’essentiel s’en situe sur le plan de la politique extérieure, et c’est ainsi une nouvelle donnée qui apparaît dans la crise chronique du Moyen-Orient. La politique étrangère a tenu une grande place dans la campagne électorale turque : M. Carter n’a pas encore soumis à la ratification du Congrès les deux accords symétriques que M. Kissinger avait préparés avec la Grèce et la Turquie, pour, d’une part le statut des bases, de l’autre les livraisons d’armes. En attendant cette ratification, l’embargo américain sur les armes destinées à la Turquie est maintenu, ce qui affecte sérieusement les possibilités militaires d’Ankara, et c’est ainsi tout le problème de la sécurité en Méditerranée orientale qui apparaît… Face à de tels événements, dont au surplus aucun ne peut être réduit à ses limites propres car tout, aujourd’hui, est à la fois cause et effet, la réflexion doit procéder à des choix, sans se dissimuler qu’ils peuvent se révéler erronés.
Carter, l’Europe et l’Otan
En approuvant l’intervention française au Zaïre, le président Carter a mis fin aux rumeurs de désengagement de l’Amérique en Afrique. En lançant une mise en garde sur Berlin aux Soviétiques – la détente serait menacée si l’un des « 4 » ne respectait pas les Accords – il a voulu faire savoir à Moscou que cette détente dépend du respect de la règle du jeu. C’est qu’il s’agit pour les Occidentaux d’une affaire de réciprocité, et ils entendent obtenir autant que ce qu’ils offrent. Pour les uns comme pour les autres, le « Sommet » de Londres, qui a été le premier tour d’horizon international des quatre Occidentaux depuis l’élection de M. Carter, s’adressait également à l’opinion publique de chacun. C’est la raison pour laquelle M. Carter tient à ce que la politique étrangère des États-Unis ait une assise nationale, c’est-à-dire soit comprise et soutenue par le Congrès. Pour faire oublier la période de la guerre du Vietnam et du Watergate, celle politique doit tenir compte des valeurs américaines fondamentales : d’où son insistance sur les droits de l’homme. C’est ce qui explique que la Chambre des Représentants a approuvé un projet de loi obligeant les États-Unis à voter contre l’octroi de prêts de développement aux pays qui ne respectent pas ces droits. Ceci était important à la veille de la Conférence de Belgrade. Il s’agissait de se préparer à aborder cette conférence dans un esprit positif : cela supposait que l’Union soviétique ne soit pas mise directement en accusation, qu’elle ne perde pas la face, mais qu’elle comprenne que la coopération avec l’Ouest dépend de l’application des Accords d’Helsinki (notamment de ceux qui établissent la libre circulation des hommes et des idées) et de l’arrêt de la répression contre les dissidents.
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