Le roi Fayçal doit faire une visite officielle en France du 14 au 18 mai. Le souverain, qui avait été reçu le 2 juin 1967, trois jours avant la guerre de Six Jours, par le général de Gaulle, est venu depuis à plusieurs reprises à Paris, à titre privé. L'auteur, spécialiste des affaires du Proche-Orient au journal Le Monde, présente ici l’évolution de l’Arabie saoudite depuis le début du siècle et établit un bilan des rapports franco-saoudiens.
L'Arabie saoudite : de la tribu à l'État
Vue par les Français peu familiers du Golfe persique et de la péninsule arabique dont la Grande-Bretagne avait fait ses chasses gardées, l’Arabie Saoudite apparaît à la fois lointaine et mystérieuse, insaisissable et déroutante, rétrograde et fabuleuse. Quelques souvenirs surnagent : littéraires, avec Lawrence d’Arabie et les Sept piliers de la Sagesse que tout honnête homme se flatte d’avoir dans sa bibliothèque, même s’il ne l’a pas lu ; romantico-politiques avec Sir John Philby… C’est déjà l’Arabie de « grand-papa ». Quelques images dominent. Plutôt des clichés qui résistent au temps : « l’esclavage », pourtant aboli en 1962 ; les « Cadillac en or massif » qui n’existent plus, si tant est qu’elles aient jamais existé ailleurs que dans l’imagination de quelques voyageurs ; « les mains coupées des voleurs », bien qu’aucun cas de ce genre n’ait été signalé depuis de nombreuses années. Cette Arabie-là est celle de « papa ». Elle se meurt, elle est morte.
Quatre dates permettent de mesurer le chemin parcouru depuis le début du siècle.
— 1902. Lorsque Abdel Aziz Ibn Saoud entame à partir de Koweït, à l’âge de 22 ans, la chevauchée fantastique qui va lui permettre de créer le royaume actuel, le pays ressemble à tous égards à ce qu’il était trois cents ans plus tôt : un désert où dominent les nomades et l’esprit tribal. Le Bédouin vit le plus souvent de la razzia. Le lait de chamelle lui sert de nourriture et de breuvage. Le chameau lui fournit le poil avec lequel il tisse son « abaya » (sorte de cape) et confectionne sa tente, et la peau avec laquelle il fabrique son outre. Le pays est morcelé. L’État, inexistant.
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