Les élections allemandes 1969-1982
L’année 1969 marque le début de la coalition sociale-libérale à Bonn ; 1982 en est la fin. Les élections qui ont eu lieu au cours de ces 13 années font l’objet d’un livre fortement documenté et nourri d’observations perspicaces.
La 1re partie intitulée « Système politique et élections » a essentiellement une fonction introductive puisqu’elle présente successivement les institutions politique de la RFA (République fédérale d’Allemagne), les grandes caractéristiques des élections allemandes de 1969 à 1982 et les systèmes électoraux pratiqués tant dans le cadre de la Fédération que dans celui des Länder. La 2nde partie est constituée par l’analyse de 4 élections au Bundestag au cours de la période considérée : 1969, 1972, 1976 et 1980. La 3e partie, complétée par la postface, décrit principalement les élections régionales de 1978, 1979, 1980, 1981 et 1982. Enfin les 2 parties suivantes sont respectivement consacrées aux élections européennes de 1979 en RFA et aux élections en RDA (République démocratique d’Allemagne), particulièrement à celles de 1981. Le livre se termine par une bibliographie commentée, véritable guide pour des recherches ultérieures et par divers index.
La qualité majeure des recherches d’Henri Ménudier est incontestablement un grand souci de l’exactitude, qui le conduit à des appréciations pondérées, et par-là même souvent originales, puisque les auteurs français écrivent souvent des choses excessives et superficielles (les deux vont souvent de pair). Ainsi le thème majeur développé par Henri Ménudier tout au long de son livre, l’interdépendance entre la vie politique fédérale et la vie politique régionale, est incontestablement assez peu connu en France. Or, à notre avis, seule une connaissance de la vie politique régionale permet de comprendre en profondeur la vie politique fédérale et vice versa.
La République fédérale est, en effet fortement décentralisée. Comme le rappelle l’auteur, l’organisation même des partis est essentiellement régionale, phénomène illustré par l’exemple limite de la CSU (Union chrétienne-sociale) de Bavière ; de même les candidats au Bundestag sont désignés par les organes régionaux des partis et non par les instances fédérales de ceux-ci ; enfin il y a constamment des échanges entre la classe politique fédérale et la classe politique régionale, les cumuls étant relativement rares.
Le livre d’Henri Ménudier met aussi en lumière d’autres caractéristiques de la vie politique allemande. En particulier, il souligne l’ampleur de l’emprise des grands partis politiques ; il serait impensable en France que les 2 premiers partis recueillent chacun de 40 à 50 % des voix comme cela est la règle en Allemagne. À juste titre l’auteur montre que ces grands partis éprouvent parfois des difficultés à intégrer toutes les tendances politiques, ce qui a expliqué le développement du terrorisme politique et des « initiatives de citoyens » et, pour finir, la montée d’un nouveau parti, celui des Verts. Une autre caractéristique de la vie politique allemande, qui est d’ailleurs peut-être en voie d’atténuation, est le style des campagnes pour les élections fédérales auxquelles plusieurs chapitres sont consacrés : utilisation des sondages, pour le choix des thèmes, propagande centrée sur les candidats à la chancellerie, choix de slogans s’adressant aux électeurs flottants, importances des dépenses électorales, etc. Une organisation aussi méthodique des campagnes ne se rencontre guère en France que pour les élections présidentielles.
Enfin, grâce à Henri Ménudier, les élections régionales font pour la 1re fois en France l’objet d’une étude aussi très minutieuse. Non seulement elles sont le théâtre de nombreuses interactions entre la politique fédérale et la politique régionale, mais encore elles conduisent souvent à des résultats différents de ceux des élections fédérales : en général le parti au pouvoir à Bonn obtient moins de voix lors des élections régionales, du moins chaque fois que son action fait l’objet de réticences de la part de ses électeurs, et surtout les performances électorales des petits partis sont souvent originales. Ainsi en 1982, le Parti libéral se trouve éliminé des parlements de presque tous les Länder, alors qu’il se maintient au Bundestag (même en 1983 !) et, au contraire les Verts ont commencé à entrer dans certains parlements régionaux dès 1979, alors qu’ils ont dû attendre 1983 pour avoir des députés à Bonn. Il est encore trop tôt pour dire qu’il s’agit d’un simple phénomène de décalage dans le temps.
Ces quelques observations suffisent à montrer que le livre d’Henri Ménudier constitue un ouvrage de référence indispensable à la connaissance de la République fédérale dans la période postérieure à l’ère Adenauer. ♦