Revue des revues
• La Revue de l’Otan, bimensuel franco-anglais publié à Bruxelles, attire rarement l’attention des commentateurs. Or elle contient des informations d’un grand intérêt, comme les communiqués du Conseil atlantique, des Comités des plans nucléaires et de défense, et de l’Eurogroupe (1), ainsi que le tableau comparé des budgets militaires des pays membres, de 1970 à 1988. Elle permet également aux responsables politiques et militaires de s’exprimer : on a pu relever en particulier les appréciations concordantes de l’ancien secrétaire général de l’Otan (1984-1988) Lord Peter Carrington, de l’actuel Manfred Wörner et du SACEUR (Commandant suprême des forces alliées en Europe) le général John Galvin, estimant que l’Alliance avait su résister à l’intimidation soviétique, et que les initiatives attribuées à Gorbatchev (option zéro, suffisance raisonnable, stratégie défensive, détente et coopération) étaient en fait des idées occidentales exposées dans le rapport Harmel (1967) et dans les déclarations de l’Otan. La revue n’exprime pas uniquement des points de vue atlantistes, elle donne la parole aux différentes parties sur des problèmes comme le partage des charges et la construction du pilier européen.
Le numéro de décembre 1986 contient des articles du soviétologue Ferdinand Feldbrugge, qui se montre fort sceptique sur la réussite des réformes de Gorbatchev, et de l’économiste Brian Field, qui applique au partage des charges la théorie économique des alliances (2). La contribution la plus intéressante est celle de l’ambassadeur Paul H. Nitze, conseiller américain sur les questions de maîtrise des armements, qui juge prometteur le début des négociations d’arms control, dans la mesure où elles ne remettent pas en cause la capacité de dissuasion de l’Alliance. Il estime nécessaire que les Américains remédient à la vulnérabilité des ICBM (Missile balistique intercontinental) fixes, rentabilisent l’Initiative de défense stratégique (IDS) et modernisent les MGM-52 Lance et les missiles air-sol. Il souligne les difficultés des conversations START (Traités Start de réduction des armes stratégiques – missiles de croisière, nombre de Submarine- Launched Ballistic Missiles [SSBN], interprétation du Traité Anti-Ballistic Missile [ABM]), et du contrôle des armes chimiques, et formule une série d’enseignements, très convaincants, sur la poursuite des négociations. Selon lui, l’allégement des forces classiques ne sera pas possible « avant de longues années », et il serait dangereux que les Occidentaux limitent leurs efforts prématurément. Observant les « événements tout à fait extraordinaires » dont l’Union soviétique est le théâtre, il conclut que les Alliés ne doivent pas « aider Gorbatchev à s’en sortir », une aide économique risquant d’affaiblir la pression intérieure qui s’exerce en faveur des réformes du système.
Maurice Faivre
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