Afrique - Zimbabwe : évolution déconcertante - Les difficultés particulières du Rwanda
Les accords de Lancaster House, signés le 17 décembre 1979 par la Grande-Bretagne, le gouvernement rhodésien de l’évêque Muzorewa (1) et les dirigeants du « front patriotique », MM. Robert Mugabe et Joshua Nkomo, prévoyaient, entre autres dispositions, que la représentation privilégiée de la communauté non africaine demeurerait constante en nombre et en proportion (2) jusqu’en 1987, et que le régime constitutionnel resterait pluripartiste pendant dix ans à compter de l’entrée en vigueur des accords (avril 1980). Le front patriotique, qui réunissait la ZANU (Zimbabwe African National Union) et la ZAPU (Zimbabwe African People’s Union), sans leur enlever leur autonomie ni la libre disposition de leurs forces armées respectives, avait été formé, à la demande de l’OUA (Organisation de l’unité africaine), en octobre 1976, à la suite de la rupture de l’African National Council que présidait Mgr Muzorewa et qui avait concrétisé pour un temps l’union de tous les mouvements nationalistes, partisans de la violence ou non. Le front ne resta pas longtemps uni, il ne résista pas au contentieux opposant les dirigeants des formations qui ne le composaient ni aux effets complexes sur leur comportement de leurs affinités idéologiques et des alliances qu’ils avaient contractées. Avant l’indépendance, M. Nkomo, bien qu’il fût d’origine bourgeoise et qu’il se fût assez peu engagé lui-même sur le plan des idées, avait accepté d’être sinon l’instrument de la politique soviétique, du moins l’unique bénéficiaire de son aide militaire ; M. Robert Mugabe s’était recommandé d’un « socialisme à l’africaine », apparenté à celui que cherchait à installer M. Julius Nyerere en Tanzanie et dans lequel on aurait pu déceler un peu de pragmatisme « à la chinoise ». M. Nkomo était favorable à un compromis avec la communauté blanche ; M. Mugabe paraissait l’être moins.
Aux élections précédant l’indépendance, quatre partis africains étaient en lice. La ZANU et la ZAPU, à nouveau séparées, œuvraient chacune pour leur propre compte. À l’époque, personne ne pensait que M. Mugabe remporterait les élections, bien qu’il fût l’émanation du groupe ethnique le plus important du pays. Mgr Muzorewa, qui était alors le Premier ministre du gouvernement issu du « règlement interne », appartenait à la même ethnie dont on supposait qu’elle se diviserait entre les deux tendances et que M. Nkomo, certain de l’emporter chez les Ndébélés, ethnie minoritaire mais très homogène, s’associerait avec l’évêque pour former un gouvernement.
À la surprise générale, M. Mugabe bénéficia d’un vote massif qui ne fut d’ailleurs pas contesté par ses adversaires et le parti « européen » de M. Ian Smith, le « front rhodésien », obtint la totalité des voix de la communauté non africaine, pourtant assez réservée quant à l’avenir politique de son ancien président. Les accords de Lancaster House étaient donc pleinement respectés.
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