Hommage à Jean Autin
Au moment où disparaît, quel qu’il soit, l’un d’entre nous, l’occasion s’offre presque toujours, pour ceux qui restent, de découvrir telle ou telle part de sa vie ou de sa personnalité à laquelle on n’avait pas pris garde jusque-là. Plus que pour quiconque, c’est le cas pour Jean Autin, membre de notre conseil d’administration, qui a succombé le 20 février dernier.
Un jour qu’il attendait dans mon bureau l’heure de la réunion de notre conseil, il se mit à évoquer au hasard de la conversation les sports d’équipe qu’il pratiquait quand il était étudiant : en entendant cet homme de petite taille et très mince en parler avec tant de passion et d’amusement à la fois, je me suis pris soudain à penser combien cet homme « couvert d’honneurs et de charges », suivant la formule consacrée, avait, en lui, de goût et d’intérêt insoupçonnés pour toutes les choses de la vie.
Sa carrière, du reste, en témoignait. Il avait d’abord subi l’attrait du grand large, en choisissant, parmi toutes les voies de la Fonction publique, la France d’outre-mer. De ce corps, qui recela tant de richesses humaines et tant de personnalités originales, il devait passer plus tard à l’Inspection des Finances. Mais, dans l’intervalle, il avait été suffisamment remarqué pour être nommé délégué général adjoint de l’Union syndicale des industries aéronautiques et spatiales. Et pourtant c’est à lui qu’on pense, en 1970, pour une mission de réorganisation des théâtres lyriques nationaux ; un choix qui ne serait surprenant que pour qui ignore sa passion discrète mais profonde pour la musique, qui l’anima toute sa vie et qui lui valut, voici dix ans, d’être président de l’École normale de musique de Paris : ce n’était peut-être pas la plus éclatante de ses fonctions, ce fut sans doute l’une de celles dont il eut les satisfactions les plus vraies.
Toutefois, un homme comme Jean Autin, qui épousait si étroitement son siècle, ne pouvait passer à côté de cet aspect si essentiel de notre époque que l’on appelle maintenant « la communication ». Il s’y consacra bientôt presque entièrement, dans tous ses aspects et à tous les niveaux : au conseil d’administration de l’ORTF, à la présidence de Télédiffusion de France – où il négocia avec succès l’installation par la France de réseaux de télévision en Arabie Saoudite –, à la Haute autorité de la communication audiovisuelle – où aux côtés de Mme Michèle Cotta, il contribua à l’élaboration du nouveau statut de l’audiovisuel dans la société française –, à la commission nationale de la communication et des libertés, à la présidence du bureau des vérifications de la publicité, à la présidence des Éditions Dargaud, premiers éditeurs de bandes dessinées en Europe... Il y a peu d’hommes qui aient eu, dans ce domaine, une aussi vaste expérience.
Comment put-il en même temps mener à bien une aussi authentique œuvre d’historien, dont on ne citera ici que son Foch pour sa rigueur historique et son Mérimée pour son charme ? Lui en parlant, je découvrais combien la clé d’une vie si riche était ainsi son ardeur au travail et la maîtrise attentive de son temps. Nous lui sommes d’autant plus reconnaissants d’en avoir consacré une part à notre revue, où son assiduité, son attention, sa sympathie pour l’équipe qui en assure la publication, témoignaient de son intérêt pour les problèmes internationaux et pour la défense du pays.
Le général Richard, mon prédécesseur, qui l’accueillit à notre conseil d’administration, et tous les membres de celui-ci se joignent à moi pour lui exprimer la gratitude que nous lui devons. ♦