Actions internationales - L'organisation du maintien de la paix à New York - Une force multinationale dans le Sinaï
L’organisation du maintien de la paix à New York
Le maintien de la paix est organisé au quartier général des Nations unies à New York d’une manière originale. Deux organismes s’y partagent la planification, la conduite et le soutien des opérations.
Le Département des opérations de maintien de la paix (Department of peace keeping operations : DPKO) prépare et conduit les opérations, sur le plan tactique seulement. Il est placé sous l’autorité du secrétaire général adjoint Kofi Annan (Ghana), qui a remplacé le Britannique Marrack Goulding (à ce poste depuis sept ans).
La division des opérations hors siège (Field operations division : FOD) traite de toutes les questions logistiques et est articulée en trois sections : finances, personnels et logistique, cette dernière couvrant un domaine très étendu (transmissions, transports, approvisionnements, mouvements, etc.). La division est dirigée par un haut fonctionnaire suédois : Per Sjogren, mais elle dépend d’un secrétaire général adjoint qui, en tant que responsable du département de l’administration et de la gestion (Department of Administration and Management : DAM), a la haute main sur toutes les questions engageant les finances de l’Organisation (1).
Cet agencement, que l’on pourrait qualifier de dichotomique, se retrouve dans les missions militaires puisque, à côté du commandant militaire (« Force commander »), se trouve un personnage civil qui ne reçoit ses ordres que de sa hiérarchie new-yorkaise : le « Chief Administrative Officer ». Comme celui-ci tient les cordons de la bourse, il peut s’opposer à toute initiative tactique ayant des conséquences financières – même ordonnée par le DPKO – qui n’aurait pas eu l’aval du FOD. Heureusement les deux responsables sur le terrain adoptent généralement un modus vivendi qui évite les heurts intempestifs…
Cette séparation des pouvoirs (les deux chaînes remontant directement au secrétaire général) présente évidemment bien des inconvénients. Elle interdit notamment toute constitution à New York d’un état-major moderne, capable de mener une opération de bout en bout, avec toutes ses implications. Des efforts sont toutefois faits par le secrétaire général pour « militariser » les cellules de travail. C’est ainsi que l’équipe de conseillers militaires qui entoure Kofi Annan a été bien étoffée : elle compte aujourd’hui huit officiers. Le chef de l’équipe est le général canadien Barril. Une quinzaine d’officiers sont par ailleurs détachés par leur pays à la division des opérations hors siège pour régler les problèmes logistiques soulevés par le transport et l’entretien des contingents.
La France a, de son côté, augmenté sa représentation militaire à New York. C’est un officier français, le colonel Couton, qui est l’adjoint du général Barril. Le chef d’escadrons Malmassari est conseiller logistique à la FOD. Le colonel Gambiez vient d’être chargé de diriger une commission internationale de sept officiers qui étudiera les possibilités de fourniture de troupes et de leurs mécanismes d’entraînement par les pays contributeurs. Un autre officier, le colonel (air) Bastien, a en outre été placé comme conseiller militaire près du représentant permanent de la France, l’ambassadeur Jean-Bernard Mérimée (2).
Ce nouvel intérêt porté par la France aux opérations militaires de l’ONU découle des nouveaux objectifs stratégiques qu’elle s’est définie. « Les armées, écrivait récemment le général Monchal, chef d’état-major de l’armée de terre, évoluent de plus en plus vers un instrument de politique étrangère qui vise à prévenir les crises, à maintenir la paix, éventuellement à la rétablir par des opérations de force » (3).
Une force multinationale dans le Sinaï
Depuis le 25 avril 1982, une force multinationale est déployée dans le désert du Sinaï et assure l’application de l’accord de paix égypto-israélien. Placée sous l’autorité d’un directeur américain, elle compte environ 2 000 hommes, dont la moitié est fournie par les États-Unis. Cette Force multinationale et observateurs ou FMO (Multinational Force and Observers : MFO) comprend un petit nombre d’aviateurs français.
Mission
À la suite du traité de paix égypto-israélien signé à Washington le 26 mars 1979 et du refus soviétique de renouveler le mandat de la force de l’ONU qui était en place dans le Sinaï, un protocole avait été conclu entre l’Égypte et Israël le 3 août 1981 pour créer une force multinationale dans le Sinaï. La mission de la force est double : veiller au respect des restrictions imposées par le traité de paix aux deux pays sur les effectifs et armements déployés des deux côtés de la frontière ; assurer l’étanchéité de celle-ci.
Composition
Dix États contribuent à la force. Trois fournissent chacun un bataillon d’infanterie : la Colombie, les États-Unis, les îles Fidji. Les sept autres contribuent par des unités aériennes (France : un Twin Otter) ou navales (Italie : trois vedettes), des personnels d’état-major (Australie), des unités d’instruction (Nouvelle-Zélande) ou de soutien : transmissions (Pays-Bas), transport et génie (Uruguay). Les États-Unis fournissent en outre un total de 20 hélicoptères Bell 205.
Les bataillons fidjien et colombien occupent une zone tampon le long de la frontière israélienne. Le bataillon américain (fourni alternativement par les 82e et 101e Airborne divisions) est déployé le long de la côte du golfe d’Akaba, jusqu’à Charm el-Cheikh, où se trouve sa base et où sont également basées les vedettes italiennes.
La participation française, initialement d’une quarantaine d’hommes, avec un avion C-160 Transall et deux avions légers DHC-6 Twin Otter, est actuellement de 18 hommes (16 air et 2 terre), avec un seul Twin Otter. Le contingent est commandé par le lieutenant-colonel Alain Lebrun de l’Armée de l’air.
Commandement
La FMO est commandée à Rome par un directeur général (civil), toujours américain, actuellement M. Wat T. Cluverius IV, et au quartier général d’El Gorah par un général néerlandais, le général Joop Van Ginkel, succédant à deux Norvégiens et à un Néo-Zélandais.
La part prise par les Américains dans le commandement et les effectifs est prépondérante. Sur un total de 2 056 hommes (4), on compte 955 Américains, fournissant, en plus du bataillon d’infanterie, une unité d’hélicoptères, un bataillon de soutien et des éléments d’état-major. Cette situation s’explique d’abord par le rôle de parrain de l’accord de paix, joué par les États-Unis, ensuite par la part prise par ceux-ci dans le financement de la force (le tiers du budget).
Fonctionnement
Les trois bataillons d’infanterie accomplissent leur mission de surveillance par l’observation statique et des patrouilles. La vérification des règles de limitation des forces et des armements est confiée à une unité d’observateurs civils américains, la Civilian Observer Unit (COU), qui opèrent par voie terrestre ou aérienne. La bonne volonté des gouvernements égyptien et israélien étant acquise, aucun incident grave n’a menacé depuis onze ans la paix qui règne sur ces confins (5).
Il faut signaler la présence dans le Sinai (mais à l’extérieur de la zone de la FMO) du groupe d’observateurs de l’Onust en Égypte, qui y tient quatre postes. Sept officiers français appartiennent à ce groupe. ♦
(1) Ce poste, qui était tenu depuis un an par l’Américain Dick Thornburgh, vient d’être confié à Mme Melissa Wells, ambassadeur des États-Unis au Zaïre.
(2) Il existe encore un autre officier français à New York, au sein de l’UNSCOM, commission chargée du démantèlement de l’armement conventionnel irakien.
(3) Le Casoar, janvier 1993.
(4) La FMO compte aussi 130 employés civils de la compagnie américaine Holmes and Narver, et 680 employés locaux.
(5) Le 7 mars 1988, un autobus israélien a toutefois été attaqué près de Dimona par des Palestiniens que l’on suppose être venus d’Égypte.