Défense dans le monde - La réorganisation des forces armées britanniques
Depuis 1990, les forces armées britanniques ont lancé un plan de réorganisation baptisé Options for change, qui vise à doter le Royaume-Uni de forces mieux équipées, plus performantes, plus mobiles et plus souples, tout en réduisant son format (smaller but better). À terme en 1995, les effectifs (civils et militaires) auront été diminués de plus de 20 % et d’importantes réductions de structures et des moyens principaux de combat auront été effectuées, en même temps qu’un désengagement d’Allemagne de près de 50 %.
Une réforme du ministre de la Défense (MoD) baptisée Prospect, entamée en 1985, avait déjà fait passer la plupart des responsabilités de planification des différentes armées sous l’autorité centrale de l’État-major du MoD. Le nouvel État-major de la défense a absorbé une grande partie des trois états-majors d’armée qui ont en principe perdu tout pouvoir dans la planification budgétaire, la conduite des opérations et le renseignement. Une seconde phase de restructurations, en cours de réalisation, va permettre de décentraliser une grande partie des deux principales fonctions restantes des états-majors d’armée (personnel et soutien logistique), en ne laissant à Londres que des petits noyaux sous l’autorité du Deputy Chief of Defence Staff (Programmes and Personnel), chef de la division « programmation militaire » de l’État-major de la défense, et du Deputy Under Secretary (Personnel and Logistics), chef de la division « personnels et logistique » du Secrétariat général de la défense (PUS).
Au 1er janvier 1993, les forces armées totalisaient 280 000 militaires d’active, effectifs qui devraient tomber à 244 500 en 1995 après restructuration des forces armées.
Active |
Effectifs 1990 |
Effectifs 1993 |
Prévisions 1995 |
Royal Naval Services (Navy + Marines) |
63 500 |
60 000 |
52 500 |
Army |
160 400 |
138 000 |
122 000 |
Royal Air Force (RAF) |
89 700 |
82 000 |
70 000 |
Total |
313 600 |
280 000 |
244 500 |
Une réduction de volume et un renforcement du rôle opérationnel des réserves vont de pair avec ces déflations. Les réductions d’effectifs s’appliqueront essentiellement à la marine qui perd 3 900 réservistes, dont 2 700 appartenant au Royal Naval Auxiliary Service qui est dissous. Le renforcement du rôle opérationnel des réserves s’effectuera en les associant plus étroitement aux missions remplies par les forces d’active dès le temps de paix, notamment dans le cadre de l’ONU. Ces mesures ne pourront cependant être pleinement efficaces qu’après le vote d’une nouvelle loi sur les réserves qui fixera de nouvelles modalités de convocation et réglera les rapports entre les réservistes et leurs employeurs. La création d’une Ever Ready Reserve dans les trois armées est envisagée, permettant ainsi d’organiser une catégorie de réservistes volontaires pouvant être rappelés sans mobilisation générale.
Une nouvelle méthode d’évaluation des besoins est largement décrite dans le Livre blanc 1993. Elle consiste en une analyse, que le MoD entend désormais effectuer chaque année pour élaborer son budget ; celle-ci permet d’évaluer les moyens nécessaires à partir d’une étude approfondie des tâches correspondant aux trois missions définies par le gouvernement qui, elles, n’ont pas changé (défense du territoire national, protection contre une menace majeure dans le cadre de l’Otan, contribution au maintien de la stabilité internationale). Cette nouveauté est intéressante, car elle peut constituer un premier pas vers une prise en compte réelle de l’évolution des menaces dues à la nouvelle donne internationale. Elle pourrait permettre en effet au MoD de faire valoir aux autorités budgétaires le danger que peuvent représenter de trop fortes réductions.
La planification budgétaire, publiée au mois de février 1993, s’établissait ainsi :
|
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
Dépenses réalisées ou planifiées (milliards de £ courantes) |
22,29 |
24,55 |
23,8 |
23,52 |
23,75 |
23,22 |
Pourcentage du PIB |
4 % |
4,2 % |
4 % |
3,7 % |
3,5 % |
3,2 % |
Variations en termes réels |
|
+ 3,8 % * |
– 5,8 % |
– 4,9 % |
– 1,9 % |
– 2,8 % |
* Surcoût de la guerre du Golfe.
Les conclusions des discussions budgétaires de l’Autumn Statement 1993 font apparaître de nouvelles coupes budgétaires qui s’élèvent respectivement à 260 millions, 520 M et 400 M (estimation) de livres pour les années budgétaires 1994, 1995 et 1996.
La Royal Navy, bien qu’étant à l’origine la moins touchée des trois armées en termes de structures, connaît néanmoins des changements importants et une réduction de format très sensible. Après la création d’une nouvelle autorité organique responsable des forces de surface et la mise en place d’un commandement des opérations hors zone Otan, avec des responsabilités particulières dans le domaine des opérations amphibies traduisant une volonté d’intervenir dans des conflits de type Nord-Sud, les regroupements d’états-majors se poursuivent. Par rapport aux prévisions initiales d’Options for change, les dernières planifications publiées dans le Livre blanc 1993 font apparaître une nouvelle diminution du nombre de frégates de cinq unités (environ 35 en 1995 contre 40 initialement prévues), une réduction du nombre de bâtiments anti-mines de 9 unités (flotte limitée à 25 bâtiments contre 34 initialement prévus), et le retrait des 4 sous-marins diesels neufs de la classe Upholder.
L’armée de terre est la plus touchée par la réorganisation ; son centre de gravité se déplace de l’Allemagne vers le territoire national et sa doctrine fondamentale évolue vers la mobilité et l’intervention avec la création du Corps de réaction rapide (ARRC). En 1994, les derniers éléments stationnés à Berlin quitteront la ville et l’Armée britannique du Rhin (BAOR) disparaîtra, ne laissant plus en République fédérale d’Allemagne (RFA) qu’une division blindée appartenant à l’ARRC. L’importante diminution du nombre de régiments (32) qui accompagne ces changements se poursuit selon le calendrier prévu qui s’étale jusqu’en 1997. L’armée de terre est néanmoins seule à bénéficier d’ajustements à la hausse à un moment où elle est très sollicitée pour participer aux opérations de maintien de la paix : elle a déjà gagné 6 000 hommes par rapport au plan d’origine, ce qui porte les effectifs prévus en 1995 à 122 000 h, et une nouvelle commande de 259 chars Challenger 2 vient d’être annoncée, ce qui permettra à l’armée de disposer d’un parc de 386 chars d’un modèle unique.
La RAF est également lancée dans un programme important de changements dont les caractéristiques principales sont : une réorganisation des grands commandements et une réduction importante de format (environ un quart des unités de combat, 460 avions de combat en 1995 contre 555 en 1990). Le Strike Command regroupe désormais l’essentiel de l’aviation de combat et de transport, dont les forces basées en Allemagne avec des effectifs réduits de moitié. Le Livre blanc 1993 prévoit la poursuite du projet EFA (European Fighter Aircraft) [NDLR 2023 : futur Eurofighter Typhoon], mais avec une réduction de 50 exemplaires de la flotte qui s’élèvera à 200 avions environ en 1995, et la suppression d’un escadron de Panavia Tornado F-3 (13 avions).
En ce qui concerne le nucléaire, quatre Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Vanguard armés de missiles Trident sont programmés pour remplacer les trois actuels SNLE de la classe Resolution. Les deux premiers entreront en service en 1994 et 1995. Le projet de renouvellement de la capacité substratégique aéroportée, en place depuis la fin des années 1960, a été officiellement abandonné en octobre 1993 ; le système Trident sera adapté au rôle nucléaire substratégique pour remplacer vers 2007 la bombe nucléaire aéroportée actuellement en service. D’après les déclarations récentes du ministre de la Défense, Malcolm Rifkind, lorsque le programme Trident sera achevé, la puissance « explosive » de l’arsenal nucléaire « opérationnel » britannique, stratégique et substratégique, sera inférieure de 25 % à celle de 1990.
Le plan de réduction des forces armées se poursuit inexorablement, et les ajustements, le plus souvent à la baisse, sont généralement précédés plusieurs mois à l’avance de fuites savamment orchestrées, ayant pour but de tester les réactions. Malgré les dernières coupes budgétaires annoncées le 30 novembre (Autumn Statement), le ministre estime être en mesure de conserver l’essentiel des capacités opérationnelles des forces armées britanniques. Il a souligné cependant que les prévisions pour l’année 1996 n’étaient pas fixées officiellement et qu’il lui faudrait encore batailler ferme avec le Trésor pour maintenir l’essentiel. L’armée de terre étant relativement épargnée compte tenu de sa forte mise à contribution au maintien de la paix, il est vraisemblable que pour rester dans l’enveloppe budgétaire prévue, la marine et l’armée de l’air feront les frais de nouvelles réductions. ♦