Pour bien des Français la menace est encore surtout terrestre ; leurs regards restent fixés sur la ligne bleue des Vosges cependant que les menaces venant de la mer, source de richesses et voie de nos approvisionnements vitaux, sont autrement plus redoutables et plus probables. Pour y faire face le cas échéant, ne serait-il pas temps de doter notre Marine d'armes nucléaires tactiques ?
Quelques aspects de l'évolution des menaces et de leurs parades
Pendant des siècles, la France a vécu tournée vers l’Est, adossée à l’Océan, prête à repousser par la force de ses armées les ennemis qui tenteraient d’envahir son territoire. Et elle a eu bien souvent à le faire. Elle en est restée profondément marquée dans son inconscient collectif.
Pour les gens de la génération de mon grand-père, qui avaient connu successivement la guerre de 1870, puis celle de 1914, puis celle de 1939, une question du genre de celles qu’on pose volontiers aujourd’hui à propos des menaces qui pèsent sur la France aurait fait se lever les sourcils d’étonnement : la menace, bien sûr, elle venait de l’Est, et par la terre, et c’était grâce à une armée puissante et nombreuse qu’on pouvait y faire face. Tout était très simple. Défendue par la mer, la France ne risquait rien ni au Sud, ni à l’Ouest, et toute sa force et sa vigilance devaient être concentrées vers le continent. Il était bon de pouvoir faire usage des voies maritimes à cause de nos colonies et pour garder ouvert l’accès de notre territoire au commerce mondial et au soutien apporté par des alliés éventuels. Mais au fond, en cas de nécessité, on s’en passerait.
La génération de mon père voyait les choses d’une façon fort analogue. Pour elle, cependant, la mer avait pris davantage d’importance. Plus encore que par le passé, on lui attribuait une valeur de protection (l’échec de l’opération des Dardanelles n’était pas resté inaperçu). Mais surtout, on s’était mis à mieux percevoir ses possibilités, à se rendre compte qu’elle était la voie d’accès nécessaire pour le matériel et les renforts apportés par nos alliés, et que sans sa libre disposition, la France, qui ne pouvait plus lutter seule, serait perdue. D’autre part, la puissance aérienne était venue prendre sa place dans la bataille. Mais, pour l’opinion publique, elle n’était encore qu’une contribution supplémentaire à la puissance des armées de terre. La ligne bleue des Vosges gardait pour tous la même valeur magique.
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