La France : économie, sécurité
L’effondrement de l’empire soviétique, la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide semblaient avoir ouvert une nouvelle ère de paix mondiale dont les grandes puissances non communistes (États-Unis, Japon, Europe de l’Ouest) pouvaient immédiatement tirer, concernant leur sécurité, les « dividendes ». Le triomphe de la démocratie libérale à l’occidentale était censé fournir à la planète entière le modèle capable d’apporter à tout État qui voudrait bien s’en inspirer la solution de ses problèmes intérieurs. À ces certitudes politiques se sont ajoutées des convictions économiques qui se sont appuyées sur la supériorité écrasante des systèmes libéraux sur les systèmes socialistes et ont trouvé leur couronnement dans l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) sur la circulation des marchandises et la libre concurrence.
Ce faisceau d’assurances a été malmené par quelques dures réalités qui ont bouleversé le paysage géopolitique international. Parmi celles-ci : le massacre de Tien-an-Men, la guerre du Golfe, l’affaire somalienne, le drame yougoslave, la tragédie algérienne et l’aggravation des conflits régionaux en Afrique (Liberia, Soudan, Angola, Rwanda, etc.). À l’équilibre de la terreur ont succédé de nouveaux périls pesant sur l’intégrité même de nos nations : la prolifération nucléaire et chimique non maîtrisée, la montée des fanatismes religieux, les ravages de la drogue, l’étendue des réseaux maffieux et les conséquences de certaines grandes migrations en provenance de pays déstabilisés sont susceptibles de perturber gravement nos structures et nos genres de vie. C’est le message que nous lance Henri Prévôt, ingénieur des mines et spécialiste des problèmes de sécurité nationale et de défense, dans un ouvrage qui a suscité un vif intérêt dans les ministères et les organismes économiques.
Le développement des procédés de communication, du libéralisme et de l’initiative privée a certes effacé les distances, mais il a aussi multiplié les formes et les moyens d’agression. Notre cadre de vie est ainsi réellement menacé. L’État, seule entité responsable de notre sécurité collective, doit donc mener une politique pragmatique et efficace de dissuasion face à des agresseurs potentiels et des compétiteurs qui affichent leur volonté de domination. Les gouvernements doivent concilier le rendement dans les affaires commerciales avec la sécurité nationale, la morale et le droit. Selon l’auteur, la France a jusqu’à présent su mener une politique active ; toutefois, certaines mesures ne sont plus adaptées aux nouvelles réalités internationales ; les alliances et les coopérations ont intérêt à se multiplier. Tel est le grand défi de l’Union européenne qui vient de voir le jour.
En s’appuyant sur de nombreux exemples (énergie, transports, télécommunications, accords de Schengen, Airbus, fabrications d’armements, libéralisme excessif), Henri Prévôt met en évidence certaines carences de la Communauté économique européenne (CEE) qui l’ont poussée à ignorer la sécurité collective, alors que la collaboration entre les États permet de la préserver. Le support juridique fourni par le nouveau traité sur l’Union européenne devrait permettre une meilleure conciliation des notions fondamentales d’économie et de sécurité, à condition que les nations aient des visions compatibles sur cette question. Dans ce domaine, il s’agit surtout de veiller à ce que la recherche de l’efficacité technique ou économique, guidée par l’objectif légitime mais limité du bien-être, n’en vienne pas à affaiblir les moyens de sécurité du pays. Il faut donc bâtir, de façon souple et pragmatique, des coopérations particulièrement adaptées aux réalités du moment, qui permettront aux États et aux entreprises de réunir les conditions économiques, technologiques et industrielles de la sécurité des pays de l’Union européenne. Le livre d’Henri Prévôt a le grand mérite de poser les fondements d’un débat essentiel qui devrait, à l’aube du prochain millénaire, déboucher sur de nouvelles actions. ♦