L’année stratégique 1994
Pour la cinquième année, l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) publie L’Année stratégique – Les équilibres militaires. Comme dans les éditions précédentes, cet ouvrage se découpe en deux parties distinctes : d’une part une analyse détaillée des événements politiques et militaires, région par région, d’autre part la traduction de la Military Balance, publiée en Grande-Bretagne par l’International Institute for Strategic Studies (IISS).
L’article « France », rédigé par Pascal Boniface, souligne les dernières orientations stratégiques françaises en 1993. Elles n’ont pas notablement évolué, malgré le changement de majorité. « Nous en sommes encore à l’heure de la réflexion. Les choix véritables seront faits par le prochain président de la République ». La publication du Livre blanc sur la Défense devrait marquer une étape importante de la réflexion collective qui s’impose après les récents bouleversements stratégiques. Bruno Tertrais, dans l’article consacré à l’Europe occidentale, décrit les difficultés de la construction d’une politique de défense européenne à la lumière de la crise yougoslave et face à « l’europessimisme » ambiant, observé notamment durant les laborieuses ratifications du traité de Maastricht.
Le renouvellement, en 1993, de l’Administration américaine n’a pas été suivi par une véritable remise en cause de sa politique étrangère et de défense. Le président Clinton, plus préoccupé par des problèmes domestiques, reste largement dans la continuité du président Bush. Alain Carton rappelle que « le but de la diplomatie américaine serait de renforcer les organisations régionales en les rendant aptes à la gestion des crises ». Aussi a-t-elle encouragé l’Otan à s’engager, pour la première fois de son histoire, dans des opérations hors de sa zone : « L’implication directe des États-Unis dans la sécurité de l’Europe était ainsi confirmée et les efforts pour adapter l’Otan au nouveau contexte international se voyaient justifiés, démentant la crainte d’un nouvel isolationnisme ou d’un retrait du contingent avec l’arrivée d’une nouvelle génération de dirigeants américains ».
Les chapitres consacrés à l’Europe centrale et balkanique et à l’Eurasie montrent le besoin de plus en plus aigu d’une reconstruction de la politique de sécurité de la région. « Dans un futur assez proche, le monde occidental va avoir à faire preuve d’imagination pour répondre à ce droit à la sécurité auquel prétendent ces pays », sans employer « des mesures dilatoires ou des propos lénifiants ». L’urgence se fait d’autant plus sentir que la Russie, bien qu’en pleine incertitude politique, tend à faire peser plus lourdement sa volonté d’hégémonie dans la région. Alain Chenal, dans l’article sur le Proche-Orient, souligne la nouvelle géopolitique de l’Orient arabe et musulman. « Le XXe siècle finissant retrouve les questions d’Orient qui ont tant passionné les diplomates à ses débuts ». Le centre de gravité de la région se trouve déplacé, au détriment des Arabes, vers la Turquie et l’Iran : on peut reparler d’Asie antérieure.
L’Année stratégique présente un nouveau chapitre consacré à l’espace. Isabelle Sourbès y rappelle que « la possession d’un satellite national, la maîtrise des moyens de lancement, le développement de programmes spatiaux sont autant de signes par lesquels un État affirme par le biais de l’espace son niveau technologique et sa puissance financière ». La seconde partie de l’ouvrage est une mise à jour utile.
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